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La numération dans une école primaire Photo CP

L’inspection générale rend public sur son site le rapport attendu sur l’enseignement des mathématiques à l’Ecole primaire. En ces temps polémistes, allait-il préparer un nouvel affrontement médiatique, ou être un outil pour faire un point de situation, quelques années après la publication des programmes de 2002 ? Disons-le sans ambages, le travail est sérieux, documenté, mesuré, et devrait être utile aux enseignants et aux cadres de l’Education Nationale, même si tel ou tel point peut évidemment entrer en discussion.

Après un rappel historique de l’évolution des programmes et des prescriptions internationales (dont le conseil de Lisbonne en 2000, une des origines du « socle commun »), le rapport cite les recommandations récentes du Haut Conseil de l’Education (2006) pour les maths : résolution de problèmes à partir de situations proches de la réalité, automatismes de calcul, démonstration, probabilités, proportionnalité, représentations graphiques, avec la définition de « compétences-clé » à rechercher dans les évaluations.

Le rapport pose ensuite la question qui fâche : quid du niveau des élèves ? Qu’on compare avec 1920 ou 1980, pas d’évolution sensible, disent les inspecteurs, d’autant plus qu’on mesure aujourd’hui les compétences d’une cohorte complète d’élèves.

Le regard des inspecteurs : à améliorer. Le rapport prend un angle de regard intéressant, en s’intéressant à ce que disent les rapports d’inspection des IEN. D’abord, un sur deux seulement aborde les maths, quand la totalité parle de la maîtrise de la langue. Si on s’en tient à ce que racontent les rapports, les grands domaines sont plutôt traités correctement : pas d’impasse en géométrie ou en mesure. Cependant, petite alerte du côté du calcul mental, pas assez souvent cité (une séance sur six seulement).

Petite pique ou problème réel, le rapport pointe le manque d’analyse didactique des situations par les IEN, sans doute du fait de leur compétence « plus généraliste que polyvalente ». Les conseils restent pédagogiques, mentionnent finalement peu les programmes, ont du mal à dépasser le « constat » des évaluations CE2 ou 6e. C’est sans doute pour cette raison qu’une des propositions du rapport des inspecteurs généraux est de renforcer le travail commun des IEN et des IPR (inspecteurs du second degré) dans un pilotage académique plus appuyé.

Les pratiques des maîtres Selon le rapport, les enseignants enseignent effectivement les grands domaines du programme, mais les préconisations des instructions officielles et les démarches pédagogiques préconisées ont du mal à prendre corps dans les classes, ce qui nécessiterait un effort conséquent de formation. Travailler à partir des connaissances réelles des élèves en s’appuyant sur leurs erreurs, différencier, mieux organiser le travail personnel, utiliser les cahiers de brouillons, constituerait « un changement majeur du système éducatif et donnerait un maximum de chances à chaque élève ». Le rapport note que le travail de groupe est « souvent confus et peu efficace », les temps de travail oraux pour comparer des méthodes difficile à mettre en oeuvre , l’usage des TICE ou des calculettes insuffisamment répandu. Plus généralement, la démarche de « résolution de problème » pose souvent aux enseignants des soucis de gestion de la classe, accrus lorsque l’enseignant cherche trop vite à aller à la solution qu’il a prévue sans prendre en compte les difficultés de chacun ou les « procédures personnelles » utilisées par certains élèves.

Mais une difficulté majeure semble être l’insuffisance de l’automatisation des procédures de calcul qui empêchent les élèves de libérer la mémoire de travail nécessaire pour se concentrer sur la résolution réelle du problème.

L’accompagnement des nouveaux programmes Malgré la parution de nombreux « documents d’accompagnements » par la DESCO, les difficultés posées par les programmes restent insuffisamment accompagnées, notamment par l’offre de formation ou un travail plus approfondi dans la liaison école-collège. 5 à 6% seulement des journées de formations sont consacrées aux maths, contre 35% au français et 10% aux langues vivantes. Et encore, dans ces formations, la place du calcul, de la géométrie ou de la numération sont plus que modestes. Pour l’Inspection Générale, il est urgent « d’étoffer l’offre de formation et de la rendre plus conforme à la totalité des programmes ». De même, l’animation des circonscriptions est jugée « faible » pour les mathématiques. Dans l’ensemble, le système peine donc à compenser le niveau de formation initiale des maîtres, souvent issus de filières où le rapport aux maths n’est pas prioritaire.

Des conclusions ambitieuses Sans tirer le signal d’alarme, les conclusions de l’Inspection Générale sont pertinentes : parce que les maths peuvent être un domaine qui met en difficulté certains élèves dès le cycle II, notamment s’ils n’acquièrent pas correctement la difficile construction de la numération décimale, un système éducatif qui entend se préoccuper de la réussite de tous doit mieux faire. Cela passe par une formation des enseignants et un travail exigeant de proximité et de suivi permettant aux enseignants de faire le point sur leurs difficultés et celles de leurs élèves, « en situation réelle de classe ».

Sans l’investissement de tous les niveaux (national, académique, départemental, circonscription, secteur de collège), on risque de continuer à ne pas pouvoir faire bénéficier les enseignants des récents apports de la didactique des maths et des travaux de psychologie cognitive, qui insistent notamment sur l’articulation permanente entre les différents niveaux d’activité de l’élève : automatisation des procédures et des tables de calcul (y compris l’addition), verbalisations et échanges dans la classe, travail sur la complexité des problèmes en prenant en compte l’hétérogénéité de la classe.
Le rapport
Voir aussi le récent dossier calcul du Café :