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En ce début d’année 2007, nous voudrions souhaiter à tous nos lectrices et nos lecteurs une excellente année pour eux et pour leur famille. Nos voeux sont réellement ardents. Ce n’est pourtant pas cette flamme qui nous pousse à les renouveler 4 fois de 2007 à 2010. Mais tout simplement l’actualité que les enseignants vont retrouver ce 8 janvier. Deux faits vont marquer la semaine : la réunion de l’intersyndicale pour faire face au décret sur le statut des enseignants et,mercredi, la conférence de presse du ministre sur les suites données au rapport Hetzel sur l’orientation des lycéens. Et ces deux dossiers vont engager des orientations à long terme pour l’Ecole.

Du rapport Hetzel à la sélection sociale Pour lutter contre l’échec des lycéens des milieux populaires en université, le rapport Hetzel recommande une procédure d’orientation au cours de l’année de terminale. Ainsi les lycéens des filières technologiques et professionnelles seraient dirigés sur les formations courtes jugées plus accessibles. Ceux qui se seraient inscrits en université contre l’avis de la commission d’orientation siégeant en terminale en seraient exclus à la fin du premier semestre universitaire.

Le rapport tire une force certaine du fait qu’une majorité de ces lycéens échoue effectivement à obtenir le Deug et que cela constitue un gâchis humain et financier scandaleux. Ce dispositif a pu être présenté comme social par le recteur Hetzel car il s’accompagne d’un plan de développement des filières supérieures courtes.

Pourtant il nous apparaît que s’il répond au gaspillage financier de ces formations avortées, il aggrave le gâchis humain et creuse les inégalités sociales. En effet si les lycéens des filières technologiques et professionnelles s’inscrivent en université c’est souvent faute d’avoir trouvé une place dans une filière courte gratuite de l’enseignement public. Si le ministre n’annonçait pas mercredi l’ouverture rapide de milliers de places dans ces filières, et on voit mal comment il les financerait, il ne ferait que leur fermer tout accès à l’enseignement supérieur. Dans cette perspective, l’application du rapport Hetzel signifierait simplement que le ministre dégage des moyens pour des universités fréquentées par les enfants des familles aisées sur le dos des enfants des milieux défavorisés. Une perspective qui ne laisserait ni les lycéens, ni les enseignants, ni les parents indifférents.

Des décharges au blocage. On ne reviendra pas ici sur la question des décharges. Leur suppression diminuera fortement le salaire de dizaines de milliers d’enseignants. Sous prétexte de justice catégorielle, on finance son fonctionnement en rackettant les enseignants. Dans la plupart des cas cela se traduira par une perte de revenu de 6%. Nous avons pu montrer que dans certains cas cela sera beaucoup lourd.

Dès septembre nous avons annoncé que cette question mobiliserait les enseignants. Partout cette ponction est ressentie comme une injustice inadmissible. Pire encore, elle pose dans les pires termes la question des missions des enseignants et risque d’entraîner une crispation à long terme.

L’avenir de l’Ecole peut-il se lire dans les rapports d’audits ? D’autant qu’il suffit de lire les rapports d’audits pour se persuader que cette mesure n’est qu’un pas timide sur un chemin qui nous mène jusqu’à 2010. Car si Gilles de Robien dans tous les cas de figure vit ses dernières semaines de ministre de l’éducation nationale, les prévisions budgétaires annexées aux audits sur les décharges, le lycée et le collège courent jusqu’en 2010. Et on ne peut qu’inviter les enseignants à les découvrir.

Ils y verront qu’ils vont bien au-delà de la suppression de toutes les décharges. Le rapport d’audit sur les collèges prévoit de diminuer de 20% les heures d’enseignement. Ainsi pour le cycle central, on n’aurait plus que 250 heures de français pour les deux années, 230 de maths, 280 de langues, 100 de SVT, le tout sur 36 semaines. S’y ajouteraient 200 heures annuelles de dotation non affectée. Au lycée, par exemple en seconde, les élèves ne pourraient avoir plus de 900 heures d’enseignement annuelles, au lieu des 1 044 à 1 188 actuelles. En première et terminale le plafond serait à 950 heures (par rapport à 1 050 à 1 386 heures actuelles). Ces plafonds seraient calculés sur 36 semaines de cours grâce à l’allongement de deux semaines de l’année scolaire effective. Comme parallèlement l’enveloppe horaire de chaque discipline serait annualisée, on obtiendrait une forte économie de postes. Le rapport réorganise les enseignements sur ces bases. Par exemple, les horaires de français en seconde passeraient de 4 h 30 hebdomadaires à moins de 3 heures (100 heures annuelles), ceux de langue vivante 1 de 3 heures à 1 h 50 minutes (70 heures annuelles). En première ES, les SES passeraient de 5 heures à moins de 4 heures, l’histoire-géographie de 4 heures à moins de 3 heures.

L’application intégrale de ces rapports permettrait de dégager « près de 24 000 ETP, sans compter les économies générées par une révision du système des décharges. Une partie de ces marges de manoeuvre supporterait le coût de déploiement de la loi d’orientation, une autre partie permettrait de piloter le système en redéployant des moyens en fonction d’objectifs pédagogiques exigeants, et enfin une partie représenterait des gains de productivité qu’un plan de gestion des ressources humaines adapté pourrait concrétiser pendant la période 2006-2010 ».

Des perspectives devant lesquelles le ministre, dans une lettre du 15 décembre, déclare « rester prudent ». Mais pas au point de n’avoir fait étudier par ses services précisément l’utilisation des moyens dégagés pour les 4 années à venir.

2007 : Faut-il faire toujours payer les jeunes ? C’est dire que 2007 sera une année importante pour l’Ecole. Depuis des années elle accumule les blocages : démocratisation et réussite de tous les élèves, intégration des tic, éthique professionnelle, révision des programmes, évolution des missions des enseignants, place des parents dans l’Ecole etc.

Ce qui se prépare tire partie de ces difficultés pour un terrible ajustement par le bas. La réduction drastique des horaires d’enseignement dans le secondaire, celle de la scolarisation à deux ans, l’apprentissage à 14 ans pour les plus faibles, la sélection à l’entrée du supérieur, toutes ces mesures ont un point commun : elles sacrifient la jeunesse populaire. Voilà l’enjeu de 2007.
Sur le rapport Hetzel
Le rapport sur le lycée
Le rapport sur le collège