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Le retour aux programmes de 1945 ne fera pas monter le niveau en maths Photo CP

Le Monde du 17 janvier révèle le contenu de l’avis de la commission mise en place à la demande de Gilles de Robien par l’Académie de sciences pour réformer l’apprentissage du calcul.

Cet avis sera publié le 23 janvier. Mais selon Le Monde il comporterait 8 points.  » Le quatrième point, déterminant au regard de ses conséquences sur les programmes, affirme que « l’enseignement du calcul doit commencer par une pratique simultanée de la numération et des quatre opérations, manipulant aussi bien nombres « concrets » (nombre de pommes) qu' »abstraits » (nombre de fois) ». Le cinquième point juge « toutes pertinentes, nécessaires et complémentaires » les modalités que sont le « calcul mental, calcul posé écrit, calcul approché, calcul instrumenté » (avec une calculette), et préconise de « fixer et structurer les connaissances en s’appuyant sur l’écrit ». Le sixième point affirme que « les liens entre géométrie et calcul doivent être introduits très tôt », et souligne que « la recherche cognitive montre l’existence de liens étroits entre la représentation des nombres et celle de l’espace, qui font en partie appel aux mêmes régions cérébrales ».

Le texte reprend donc les thèses des ultra conservateurs et impose un retour aux programmes de 1945. Rien d’étonnant à cela : la commission fait une large place aux personnalités proches de cette tendance et aucune à leurs contradicteurs et aux experts qui ont initié les programmes de 2002.

Cet avis sera d’autant plus contestable que si ceux-ci divergent sur bien des points, il y a un consensus pour estimer que débuter la division au C.P., comme c’était le cas dans les programmes de 1945, a un effet désastreux sur les mécanismes d’acquisition des mathématiques. Encore une fois le ministre essaie de reconstruire l’Ecole d’il y a un demi-siècle.

On connaît pourtant les défauts de ces anciens programmes pour l’enseignement des maths. Ainsi Joël Briand estime que « le débat sur la division très tôt à l’école est bien sûr très médiatiquement porteur et nous aurons des difficultés à nous faire entendre pour modérer les délires. Demandez à trois enfants de CP qui ont acquis l’usage des premiers nombres, de se partager 6 bonbons équitablement : sauf allergie aux bonbons, ou prise de pouvoir intempestive de l’un d’eux, la répartition s’effectuera correctement. On pourra dire qu’ils ont divisé 6 par 3. C’est facile à mettre dans les programmes, cela plaira. Quel bel effet Jourdain. Bien sûr, pour autant la construction de la division n’est pas terminée ! Mais allez donc expliquer cela au journal de 20 heures ! Il faudrait aussi expliquer que les élèves de CP qui construisent la numération sont confrontés à des questions de partage équitable (paquets de dix). La division est en acte, très tôt, dans les apprentissages mathématiques. Il n’y a donc pas de temps perdu. Il faudrait encore expliquer que les élèves en difficulté en mathématiques sont souvent signalés trop tardivement alors que, bien souvent, ils ont décroché lors de la construction de la numération. La question est : est-ce que les élèves progressent si on institutionnalise la division immédiatement après, par exemple, l’activité sur les bonbons ? On sait bien que non et qu’il y a plus urgent ».

Reprenons ce que Rémi Brissiaud affirmait au Café en mai 2006. « Si nous devions revenir aux programmes de 1945 et si ces programmes devaient créer à nouveau… un ennui important dans les classes du fait de la répétition, un désintérêt généralisé des enseignants pour le fonctionnement intellectuel de leurs élèves, un enseignement élitiste parce que seuls les enfants qui s’auto-questionnent progressent en résolution de problèmes…, malgré toutes ces difficultés, nous n’en garderions pas moins ces programmes pendant 50, voire 100 ans. En effet, quiconque voudrait dénoncer le prétendu enseignement de la multiplication et de la division dès le CP, qu’une campagne de type populiste le ramènerait bien vite à la raison : « Ils ne veulent plus que nos enfants apprennent la multiplication et la division dès le CP ! ». L’enjeu, aujourd’hui, est qu’une campagne de même type ne nous emmène vers cette situation bloquée ».
Article du Monde
Le calcul : débats et analyses
Le dossier mensuel d’octobre 2006