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L’interrogation peut faire sourire même si nous ne la voulons pas blessante. Car l’actualité est pleine de la touche personnelle du ministre. On y parle du calcul, de la grammaire tels que le ministre les voit. Il y a cette circulaire de rentrée publiée précipitamment pour conjurer l’avenir. Robien y annonce la mise en place des mesures qu’il a prises. Ceux qui savent lire entre les lignes y aperçoivent parfois l’échec de ces politiques (par exemple sur l’apprentissage junior ou sur l’enseignement des langues). Le lecteur ordinaire y trouve l’expression de la continuité, solennellement mise en forme par une déclaration préliminaire inhabituelle et pompeuse. Robien réagit comme si son action était durable.

Pourtant pour le ministre tout est déjà joué. Quel que soit le résultat de la présidentielle, il semble avoir peu de chances de retrouver un portefeuille. Ses positions ont souvent irrité le candidat de la droite. Ne parlons pas d’une éventuelle victoire de la gauche. Ou du candidat de l’UDF…

On aurait pourtant tort de sous-estimer l’héritage. Le passage de Robien au ministère aura vu la promotion de réseaux ultra-conservateurs. C’est ce que montre par exemple la commission réunie par l’Académie des sciences, à la demande du ministre, pour la réforme du calcul. On y trouve par exemple un ancien président d’un groupuscule particulièrement conservateur, hissé ici au rang d’expert et qui semble avoir influencé extraordinairement les travaux.

Plus grave, on a vu se constituer sous Robien une idéologie conservatrice sur l’Ecole. Le ministre a sorti de l’ombre des groupes et des idées qui n’auraient jamais eu une telle visibilité sans lui. Même si ces groupuscules ne sont pas encore implantés solidement, leur influence était très perceptible par exemple dans la convention UMP du printemps dernier. Quelles que soient les orientations des leaders UMP, ils seront obligés de tenir compte de l’évolution de leurs militants. Il y a bien maintenant un discours de droite sur l’Ecole : c’est celui de ces groupuscules. D’autant que cette tendance s’appuie sur des professionnels des médias et un réseau de diffusion efficace et surtout sur une idéologie montante dans le pays qui plaide pour le déclin,le repli et se méfie de la jeunesse.

Une des réussites du ministre et de ces réseaux est d’avoir jeté le trouble dans l’opinion et singulièrement d’avoir encouragé les parents à se méfier des enseignants. Si les appels à la délation n’ont pas produit ce qu’en espéraient leurs promoteurs de sos-éducation, malgré tout le ver est dans le fruit.

Mais l’héritage est surtout la gestion. Les pressions financières exercées sur l’Ecole sont-elles susceptibles de s’atténuer ? On peut en douter. Les documents publiés avec les rapports d’audit montrent que la gestion du ministère a été conçue pour 4 ans jusqu’en 2010. Elle repose sur les impératifs nés de la loi Fillon et des besoins des universités. Pour faire face aux uns et aux autres et en même temps ne pas aggraver le déficit budgétaire (une obligation européenne),le ministère doit prélever fortement sur le budget de l’enseignement scolaire. C’est cet impératif qui justifie peut-être l’appui aux discours qui dénigrent l’Ecole. Ces pressions sont durables et les objectifs fixés par les audits pourraient être poursuivis.

Et pourtant rien n’est joué. Tout va dépendre de la réactivité des acteurs de l’Ecole. Plusieurs rendez-vous vont en ce sens. C’est le cas par exemple de la journée organisé le 3 février par le Crap sur le thème « résister et proposer ».
La journée du 3 février