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Interview de Marie-françoise BOOS, professeur-documentaliste au collège Rosa Bonheur – Châtelet-en-Brie (Créteil – 77)

L’ouverture culturelle est unanimement admise comme étant un des volets de notre mission. C’est dans notre choix de la forme qu’elle va prendre, que nos parcours vont différer. Certains ont choisi de dépasser les frontières et d’opter pour une vision européenne. C’est là qu’interviennent des structures comme Comenius. Se pose alors le problème de la mise en place. Comment fonctionnent ces dispositifs ? Comment le professeur-documentaliste peut-il se positionner dans le projet ?

Marie-Françoise Boos, professeur-documentaliste au collège Rosa Bonheur du Châtelet-en-Brie (77), nous fait partager son expérience. Depuis plusieurs années en effet, son établissement renouvelle l’expérience Comenius, expérience dans laquelle elle joue un rôle moteur. Elle a accepté de répondre à nos questions, convaincue que les projets Comenius, pour être au début quelque peu intimidants, se révèlent rapidement être une formidable aventure.

Café Pédagogique : Quand et comment l’aventure Comenius a-t-elle commencé dans votre établissement ?

Marie-Françoise Boos : Elle a commencé dans l’établissement en 1999 après l’acceptation d’un premier projet, en 1998 pour moi avec l’obtention d’une bourse de formation continue (au Danemark ; thème : « comment promouvoir les projets européens dans les établissements scolaires »). Ce stage a en fait tout déclenché : formation, rencontres, discussions et naissance d’une idée de projet.

Café : Votre participation a-t-elle été sollicitée dès le départ ou vous êtes-vous intégrée à force de persévérance et de persuasion ?

M.-F. B : Ma participation n’a pas été sollicitée ; c’est plutôt moi qui ai sollicité la participation des enseignants (trois : lettres, histoire géographie, technologie).

Café : Qui s’occupe de la rédaction du dossier ? Quelles sont les difficultés rencontrées ?

M.-F. B : La rédaction du dossier se fait collectivement lors de la réunion préparatoire. En fait nous discutons de ce que nous voudrions faire et autour des rubriques du dossier à déposer. Puis je synthétise et envoie le projet aux autres et quand nous sommes d’accord, la version définitive est proposée à tous.

Café : Comment se déroule la recherche de partenaires ?

M.-F. B : Tous les moyens sont bons : rencontres lors des stages individuels, connaissances personnelles, recherches sur les bases dédiées.

C’est un moment difficile : il faut avoir déjà une idée assez claire de ce que l’on veut, interroger les candidats, « sentir » les peu fiables, dire non assez souvent…et malgré la prolifération des propositions les « bons »partenaires sont difficiles à trouver.

Café : Quel rôle , d’après votre expérience, le professeur-documentaliste peut-il jouer dans ce type de projet ?

M.-F. B : Les projets Comenius scolaires sont extrêmement productifs pour un travail avec le CDI et le professeur-documentaliste : travail en projet, travail en équipe interdisciplinaire et en situation fonctionnelle, travail en partenariat avec d’autres établissements européens, ouverture citoyenne et culturelle européenne, répercussions sur l’ensemble de l’établissement et de la communauté scolaire, …<

Pratiquement cela se traduit par : l’écriture commune d’un projet – puis des évaluations, des bilans, des concertations, des rencontres régulières, et le choix d’élèves ambassadeurs -, l’utilisation des ressources du CDI, l’utilisation des compétences propres à la recherche documentaire, intégrées dans les cursus disciplinaires, l’utilisation des technologies de l’information, des rencontres avec les partenaires européens et enfin un enrichissement du fonds (Les projets approuvés bénéficient d’un budget de fonctionnement conséquent, dont une partie peut-être consacrée à des acquisitions, pour le bon fonctionnement du travail)

Café : Parlez-nous des élèves ambassadeurs.

M.-F. B : Ils représentent la classe et le collège. Le choix se fait sur critères et après un oral (idée piquée aux Belges). Enfin depuis plusieurs années il est possible d’emmener des élèves ambassadeurs lors de nos réunions de travail. Nous les préparons à leur rôle.

Café : Quels ont été les thèmes abordés lors de vos différents projets ? Quel projet vous a paru le plus porteur ?

M.-F. B : Les deux précédents projets que nous avons réalisés s’appelaient : « Identité et Cultures » et « Mémoires d’écoles. »

Les projets les plus porteurs sont ceux qui touchent à l’identité, à la personne. L’implication et la motivation sont beaucoup plus flagrantes et importantes.

Café : Qui choisit le thème et les actions qui en découleront ?

M.-F. B : Le thème est en général issu d’une idée émise par une personne. Il est rediscuté collectivement. Les actions se déterminent ensembles et c’est une grande richesse.

Café : Pouvez-vous nous décrire le projet de cette année : le thème, les actions, vos partenaires, votre rôle…

Le projet actuel, qui en est à sa seconde année, s’appelle « Des métiers en Europe d’hier à aujourd’hui, pour demain ». Nous travaillons sur les métiers, mais l’idée profonde est de travailler autrement le projet personnel des élèves. Pour cela j’ai participé à un stage sur la constitution de « portfolios » qui sont très utilisés dans les pays anglo-saxons.

Nos partenaires sont tous francophones : Belgique, Espagne, Pologne, Portugal et Roumanie. Je suis la coordonnatrice pour l’équipe française et pour l’ensemble du projet.

Café : En terme de productions, sur quoi débouche-t-il ?

M.-F. B : Ces restitutions que nous demandons aux élèves sont intéressantes du point de vue documentaire, mais aussi du point de vue des disciplines.

Les élèves produisent un dossier personnel qui regroupe tous les travaux individuels de l’année : recherches sur les pays partenaires, arbre généalogique des métiers de la famille, interview d’une personne sur son métier, portrait (en français et en anglais), recherches sur un métier qui attire (productions obligatoires). Bien sûr ce dossier doit respecter les règles du genre.

D’autre part on fait constituer un portfolio personnel à chaque élève. C’est un peu difficile à expliquer : travail très personnel et privé (que les enseignants ne peuvent regarder, sauf le contenant, qu’avec l’autorisation de l’auteur). Nous partons de jeux que j’ai appris lors de mon stage, puis nous leur demandons d’ajouter tout ce qui pourrait les décrire, les caractériser, les aider à mieux se connaître. Le but est une meilleure connaissance de soi-même pour mieux construire son projet personnel.

Ces travaux sont réalisés par tous les partenaires.

Enfin nous faisons un travail collectif : constitution d’un classeur de métiers emblématiques (cette année : l’enseignant, le bûcheron et le menuisier, dans les cinq pays membres). Cela a donné lieu à un travail sur les critères communs des fiches figurant dans le classeur. L’an prochain il est prévu de faire un site web avec ce travail, dans toutes les langues des pays partenaires, plus si possible, l’anglais.

Nous faisons tous une ‘exposition-goûter’ à la fin de l’année scolaire, avec les parents et ceux qui veulent venir.

Ces travaux sont obligatoires dans tous les pays mais ils ne sont pas exhaustifs : chaque partenaire a la liberté d’en ajouter d’autres en fonction de ses possibilités.

Café : Un des objectifs de Comenius est de promouvoir les TICE. Qu’en est-il chez vous ?

M.-F. B : Il est parfois assez acrobatique d’utiliser les TICE pour toute une classe et pour une année scolaire complète dans des établissements où le matériel n’est pas homogène, souvent en panne, insuffisant, etc… La généralisation de l’informatique domestique a grandement facilité les choses. Les élèves travaillent beaucoup chez eux avec des clés. Ils communiquent aussi beaucoup avec les élèves partenaires.

Tout le travail entre adultes se prépare par internet. La communication est très intense. Cependant les réunions de travail où nous nous rencontrons (2 fois par an pour nous) sont absolument indispensables.

Café : Un des autres domaines privilégiés est la formation des enseignants. Qu’apporte Comenius en terme de formation ?

M.-F. B : J’ai bénéficié de trois bourses individuelles de formation qui m’ont été immédiatement utiles.

La formation se fait aussi d’une manière peu traditionnelle, c’est à dire par co-formation ; la barrière des matières tombe assez rapidement, mais également les apports de nos partenaires sont extrêmement enrichissants. Nous pillons systématiquement les bonnes idées des autres après qu’ils nous les aient expliquées.

Café : Le bilan de Comenius est donc plus que positif mais n’avez-vous pas rencontré des difficultés, des réticences au fur et à mesure de l’avancée des actions ?

M.-F. B : La plupart des projets se font en anglais, ce qui pose problème apparemment pour beaucoup de professeurs. Même pour notre projet, qui se fait en français, les élèves ressentent assez vite la nécessité de parler en anglais pour échanger. Cela peut être une motivation et un déclencheur pour certains.

Un autre objectif des projets européens est de faire travailler autrement et c’est effectivement le cas, sans parler des façons de faire, des mentalités bien différentes d’un pays à l’autre. Des idées nouvelles pénètrent les esprits. C’est parfois assez douloureux ou tendu dans les relations entre partenaires. Mais jusqu’à présent je n’ai jamais vécu de gros conflits. Tout le monde a essayé que le dialogue continue et que des solutions se trouvent…

Nous remercions Marie-Françoise Boos pour sa disponibilité et sa participation. Les propos ont été recueillis par Audrey Fontalirant pour le site du Café Pédagogique fin mars 2007.