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Par Françoise Solliec

Pour le Sgen-CFDT, comme pour les autres syndicats rassemblant des enseignants, le constat est plutôt à la baisse du nombre d’adhérents et au peu d’intérêt porté par les jeunes aux organisations et aux préoccupations syndicales. En organisant le 21 mars une journée destinée aux jeunes, le Sgen-CFDT entendait prouver que ce « type de syndicalisme, non corporatif, ouvert sur la société … ayant à cœur la transformation du système scolaire et l’amélioration des conditions de travail est toujours d’actualité ».

Les thématiques abordées dans les tables rondes et les ateliers avaient été soigneusement choisies pour être en prise avec les préoccupations des jeunes collègues.

Ainsi, la table ronde « débuter dans le métier », répétée 2 fois dans la journée, était-elle proposée en complément d’ateliers, par exemple la pédagogie de projet, la violence à l’école, la main à la pâte, ou de deux autres tables rondes, Discrimination ou Agenda 21.

Jean-Pierre Fleury y présentait une enquête, menée par la MGEN en 2006, en partenariat avec les 3 fédérations FSU, UNSA-Education, Sgen-CFDT. Un questionnaire aux internautes, proposé sur les sites de la MGEN et de ses partenaires, a permis de recueillir un certain nombre de données sur les conditions de travail et la santé des enseignants du premier et du second degré dans les premières années de leur carrière. Largement utilisée dans le récent rapport Pochard, cette enquête fait apparaître une représentation positive du métier, jugé par la majorité des répondants intéressant voire enthousiasmant, mais aussi une impression de difficultés concernant les conditions de travail (métier stressant, manque de reconnaissance sociale de la profession, gestion des élèves difficile) et une grande demande de soutien pédagogique.

Sans surprise, 60% de ces jeunes déclarent vouloir changer de poste (éloignement du domicile, difficulté à trouver un logement dans la région, contraintes familiales, désir de changement d’établissement, etc). Les enseignants « satisfaits » représentent près de 30% des répondants. Ils sont plutôt dans les recrutés les plus récents et exercent en lycée, où ils enseignent majoritairement des disciplines techniques et scientifiques. Les « stressés » représentent 40% des répondants : ils exercent le plus souvent en école maternelle ou primaire et sont très souvent des femmes (dans les répondants, celles-ci représentent 72% de l’échantillon).

Près de 5% des répondant se déclaraient « découragés » par leurs conditions de travail (ils ont de 3 à 5 ans d’expérience, estiment vivre dans un cadre scolaire tendu et ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie). Enfin, 3% des répondants se déclarent carrément désenchantés et insatisfaits de leur orientation professionnelle. Ils enseignent essentiellement en collège et souvent en ZEP ou APV.

Pour Philippe Watrelot, du CRAP-Cahiers pédagogiques, les jeunes enseignants sont souvent « parachutés » dans leur première affectation et leur premier contact de professeur titulaire avec les élèves réveille des sentiments ambivalents par rapport à la formation reçue en IUFM. Même si le nombre des nouveaux recrutés qui ne sont pas directement sortis de l’université et ont acquis une expérience professionnelle, soit de métiers précaires dans l’éducation, soit autre, a tendance à augmenter, il y a encore, selon Philippe Watrelot, trop de bons élèves qui ne sont jamais sortis de l’école et qui conservent une vision quasi-libérale du métier. Pourtant, insiste-t-il, on ne peut s’en sortir seul. Il faut faire place à des formes de mutualisation et d’action collective, et pas seulement dans sa discipline. Sortir de l’isolement, néfaste à l’action pédagogique, doit être une maxime des jeunes enseignants.

Eric Malo, conseiller fédéral Sgen, rappelait l’action menée par le syndicat en faveur des jeunes enseignants, pour obtenir un changement de leurs conditions d’entrée dans le métier. Des propositions ont été élaborées et soumises au ministre et à différentes instances. Elles portent sur l’allongement de la durée de formation (2 années pleines à l’IUFM, décharge horaire les premières années d’exercice), l’amélioration des conditions d’accueil (qui devraient faire partie intégrante des projets d’établissement), tout en étant hostiles à un recrutement direct au niveau de l’établissement et la mise en place d’aides sociales systématiques, notamment pour faciliter l’aide au logement. Un travail particulièrement suivi est mené en Ile-de-France qui accueille près de la moitié des stagiaires IUFM du second degré de toute la France. Ainsi, dans l’académie de Créteil, il a été acté que ces nouveaux entrants ne pourraient plus être affectés en extension sur des postes EP1.

Les questions et remarques des jeunes participant à la réunion faisaient effectivement apparaître les difficultés ressenties au niveau du logement et, au niveau pédagogique, le souhait de tutorat, les différences d’évaluation et des contenus de formation dans les divers IUFM ainsi que les inquiétudes liées au flou de l’application concrète du nouveau cahier des charges de ces instituts. La question de la prise en mains de la classe était sans doute la plus révélatrice des angoisses de certains débutants. Sans vouloir obliger les formateurs à donner des recettes, Philippe Watrelot estimait quand même qu’on pouvait donner des indications et surtout mettre en garde les jeunes contre « un certain nombre de choses à ne pas faire ».