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Par Françoise Solliec

Comment montrer aux jeunes gens, exerçant dans les métiers de l’éducation et de la recherche que le Sgen-CFDT considère leur engagement et leur mobilisation comme primordiaux pour son avenir ? Le syndicat a choisi de symboliser sa vitalité en organisant à leur intention le 21 mars une journée d’ateliers et de tables rondes dédiée à leurs problématiques, avec deux temps de rencontre plénière pour le moins non conventionnelle.

C’est en fait à un entretien libre avec François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, et Thierry Cadart, secrétaire général du SGEN-CFDT, qu’étaient conviés en fin de matinée les quelque deux cents participants à cette journée. En introduction, volontairement très limitée, les deux secrétaires généraux ont posé la question de la représentativité et de la légitimité de l’action syndicale aujourd’hui. Comment donner toute leur place aux jeunes, alors que le système actuellement favorise les plus anciens ? Comment attirer davantage de jeunes, qui sont réticents aux pratiques revendicatives ? Comment définir dans l’institution un syndicalisme de proximité ?

Les jeunes sympathisants ou adhérents présents dans la salle ne se sont pas fait prier pour répondre à l’invitation à poser leurs questions de la manière la plus directe et la plus explicite.

Ils ont ainsi évoqué d’emblée les fonds manquants dans les comptes de l’UIMM, ce qui donna à François Chérèque l’occasion d’expliquer sa position : demande que toute la lumière soit faite sur cette affaire, refus d’une loi d’amnistie qu’aurait proposée Nicolas Sarkozy (« les dégâts, on les gérera » a-t-il affirmé), regret de ne pouvoir se porter partie civile (impossibilité juridique). Il a exprimé, au nom de la CFDT, le souhait de tout savoir, en étant assez pessimiste sur les résultats d’un questionnaire qui pourrait être adressé aux militants.

En réponse aux questions portant sur le rôle du syndicat, François Chérèque et Thierry Cadart ont mis en avant la situation particulière dans la fonction publique : négociation quasi inexistante, puisque les décisions sont le seul fait du ministre, mais un rôle attendu de cogestion, allant jusqu’à pallier une administration défaillante en termes de communication et de suivi. Par ailleurs, le syndicat a défini une offre de service (soutien au militant en cas de grève longue, assurance professionnelle), mais il souhaite vivement renforcer et diversifier cette offre, par exemple autour du parcours professionnel.

D’autres questions ont abordé l’efficacité de la communication : il n’est pas rare d’obtenir des informations par d’autres canaux, cela nuit à l’image du syndicat. Certains militants se plaignent à ce sujet de la voix prépondérante de la FSU et aimeraient voir les propositions du Sgen davantage valorisées, surtout quand elles sont à contre-courant de celles de la FSU ou du Snuipp.

Dans les tables rondes et les ateliers, les thématiques abordées avaient été soigneusement choisies pour être en prise avec les préoccupations des jeunes collègues.

Ainsi, la table ronde « débuter dans le métier », répétée 2 fois dans la journée, était-elle proposée en complément d’ateliers, par exemple la pédagogie de projet, la violence à l’école, la main à la pâte, ou de deux autres tables rondes, Discrimination ou Agenda 21.

Jean-Pierre Fleury y présentait une enquête, menée par la MGEN en 2006, en partenariat avec les 3 fédérations FSU, UNSA-Education, Sgen-CFDT. Un questionnaire aux internautes, proposé sur les sites de la MGEN et de ses partenaires, a permis de recueillir un certain nombre de données sur les conditions de travail et la santé des enseignants du premier et du second degré dans les premières années de leur carrière. Largement utilisée dans le récent rapport Pochard, cette enquête fait apparaître une représentation positive du métier, jugé par la majorité des répondants intéressant voire enthousiasmant, mais aussi une impression de difficultés concernant les conditions de travail (métier stressant, manque de reconnaissance sociale de la profession, gestion des élèves difficile) et une grande demande de soutien pédagogique.

Sans surprise, 60% de ces jeunes déclarent vouloir changer de poste (éloignement du domicile, difficulté à trouver un logement dans la région, contraintes familiales, désir de changement d’établissement, etc). Les enseignants « satisfaits » représentent près de 30% des répondants. Ils sont plutôt dans les recrutés les plus récents et exercent en lycée, où ils enseignent majoritairement des disciplines techniques et scientifiques. Les « stressés » représentent 40% des répondants : ils exercent le plus souvent en école maternelle ou primaire et sont très souvent des femmes (dans les répondants, celles-ci représentent 72% de l’échantillon).

Près de 5% des répondant se déclaraient « découragés » par leurs conditions de travail (ils ont de 3 à 5 ans d’expérience, estiment vivre dans un cadre scolaire tendu et ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie). Enfin, 3% des répondants se déclarent carrément désenchantés et insatisfaits de leur orientation professionnelle. Ils enseignent essentiellement en collège et souvent en ZEP ou APV.

Pour Philippe Watrelot, du CRAP-Cahiers pédagogiques, les jeunes enseignants sont souvent « parachutés » dans leur première affectation et leur premier contact de professeur titulaire avec les élèves réveille des sentiments ambivalents par rapport à la formation reçue en IUFM. Même si le nombre des nouveaux recrutés qui ne sont pas directement sortis de l’université et ont acquis une expérience professionnelle, soit de métiers précaires dans l’éducation, soit autre, a tendance à augmenter, il y a encore, selon Philippe Watrelot, trop de bons élèves qui ne sont jamais sortis de l’école et qui conservent une vision quasi-libérale du métier. Pourtant, insiste-t-il, on ne peut s’en sortir seul. Il faut faire place à des formes de mutualisation et d’action collective, et pas seulement dans sa discipline. Sortir de l’isolement, néfaste à l’action pédagogique, doit être une maxime des jeunes enseignants.

Eric Malo, conseiller fédéral Sgen, rappelait l’action menée par le syndicat en faveur des jeunes enseignants, pour obtenir un changement de leurs conditions d’entrée dans le métier. Des propositions ont été élaborées et soumises au ministre et à différentes instances. Elles portent sur l’allongement de la durée de formation (2 années pleines à l’IUFM, décharge horaire les premières années d’exercice), l’amélioration des conditions d’accueil (qui devraient faire partie intégrante des projets d’établissement), tout en étant hostiles à un recrutement direct au niveau de l’établissement et la mise en place d’aides sociales systématiques, notamment pour faciliter l’aide au logement. Un travail particulièrement suivi est mené en Ile-de-France qui accueille près de la moitié des stagiaires IUFM du second degré de toute la France. Ainsi, dans l’académie de Créteil, il a été acté que ces nouveaux entrants ne pourraient plus être affectés, s’ils ne l’avaient pas demandé, dans des établissements ambition réussite (postes EP1).

Les questions et remarques des jeunes participant à la réunion faisaient effectivement apparaître les difficultés ressenties au niveau du logement et, au niveau pédagogique, le souhait de tutorat, les différences d’évaluation et des contenus de formation dans les divers IUFM ainsi que les inquiétudes liées au flou de l’application concrète du nouveau cahier des charges de ces instituts. La question de la prise en mains de la classe était sans doute la plus révélatrice des angoisses de certains débutants. Sans vouloir obliger les formateurs à donner des recettes, Philippe Watrelot estimait quand même qu’on pouvait donner des indications et surtout mettre en garde les jeunes contre « un certain nombre de choses à ne pas faire ».

En fin de journée, la deuxième rencontre plénière prit la forme d’une finale de spectacle pour rappeler aux participants, en saynètes et en musique, les principes fondateurs de la fédération syndicale (un syndicat laïc, multicatégoriel, confédéré, engagé dans l’international) et les moments marquants de son histoire, depuis sa création en 1937, qui ont porté et accompagné la transformation de l’école.