Print Friendly, PDF & Email

Par François Jarraud

Peut-on envoyer devant les élèves des enseignants sans stage pratique ? C’était la question posée par l’annonce de la suppression de l’année de stage dans la nouvelle formation des enseignants voulue par le ministre dès 2010. La signature, le 30 septembre, d’une « charte » entre le ministère, les IUFM et les universités, vient fixer des règles de formation. Reste à les rendre applicables…

Valérie Pécresse, Jean-Pierre Finance, président de la Conférence des présidents d’université (CPU), Patrick Baranger, président de la Conférence des directeurs d’IUFM (CDIUFM) et Xavier Darcos ont signé le 30 septembre une  » charte relative à la formation des enseignants ». Le texte fait suite aux inquiétudes formulées par la CDIUFM en juin dernier et reprend l’essentiel d’un document adopté par la CPU le 18 septembre.

Avant le master, la licence. Le document signé le 30 septembre ne revient pas sur le principe d’un concours suivant un master et sur celui de l’autonomie des universités dans la définition des formations. Mais il intègre la formation des enseignants dans le temps long de la licence.  » Dans le cadre du plan de réussite et du cahier des charges de la licence, les universités organiseront des parcours attractifs apportant une réelle valeur ajoutée pour les étudiants intéressés par les métiers de l’enseignement et de la formation… Durant la deuxième année, année de consolidation, l’étudiant pourra découvrir le monde professionnel, en l’occurrence celui du système éducatif, sous forme de séminaires, de forums, de tutorat étudiant… Enfin, la troisième année, année de spécialisation, finalise le projet d’études… L’orientation vers le champ des métiers de l’enseignement et de la formation y est plus affirmée. Tous les étudiants diplômés de licence disposeront au moins d’un stage validé dans le cursus, de préférence dans l’enseignement, pour les étudiants dont les métiers de l’enseignement et de la formation constituent leur projet professionnel ». Le contenu du stage n’est pas davantage précisé.

Les concours nationaux sont maintenus mais le recrutement se localise. « Les signataires réaffirment le caractère national des concours des premier et second degrés tout en rendant possible une politique de première affectation plus conforme aux souhaits des jeunes enseignants et plus proches de leurs lieux de formation initiale » précise la charte, laissant entendre une régionalisation du recrutement. Les concours, Capes et agrégation, comprendront trois types d’épreuves évaluant  » les connaissances disciplinaires, la capacité à planifier et organiser un enseignement adapté aux niveaux de classe, et enfin la connaissance du système éducatif ». Les concours sont déconnectés de tout stage pratique.

Le stage pratique arrivera-t-il à se nicher dans le master ? Car c’est dans le master que vient se glisser la formation professionnelle. « , les masters devront articuler quatre volets complémentaires, sans que leur poids soit nécessairement équivalent :

a. disciplinaire (ou multidisciplinaire) qui renvoie aux savoirs scientifiques actuels ;

b. épistémologique en lien avec l’histoire des disciplines d’enseignement;

c. didactique qui prend en charge la réflexion de fond sur la transmission des savoirs disciplinaires en lien avec les programmes scolaires ;

d. professionnel qui aborde les différentes facettes du métier d’enseignant et le rôle d’agent du service public d’éducation… Jamais une formation ne devra pouvoir ignorer un de ces aspects, ce qui sera à vérifier au moment des demandes d’habilitation. « .

Des enseignants embourgeoisés. Le recrutement au niveau du master filtre socialement les candidats. La seule réponse apportée par la charte c’est de promettre des « bourses au mérite ».

Pour Patrick Baranger, interrogé par le Café, « il est important qu’il y ait un texte écrit qui lève les ambiguïtés ». La CDIUFM s’était inquiétée en juin du projet gouvernemental craignant une formation strictement disciplinaire et s’inquiétant de l’avenir des étudiants engagés dans la formation aux concours. P. Baranger relève que la dimension professionnelle est reconnue dans la charte. La formation ne sera pas que disciplinaire comme on avait pu le craindre. Si la CDIUFM aurait souhaité que la charte aille plus loin, elle estime que cette signature est un progrès. Un nouveau document, signé entre la CPU et la CDIUFM devrait cadrer précisément la mise en œuvre très prochainement.

Le nouveau dispositif devrait permettre aux étudiants en cours de formation de se présenter au master en2010 grâce à des équivalences. Pour Patrick Baranger, l’avenir des IUFM est sauvegardé : les universités élaborent avec eux les futurs masters.

Des doutes demeurent. Même si la formation professionnelle est étalée en amont vers la licence, sera-t-elle suffisante ? Pourra-t-on apporter aux futurs enseignants l’équivalant d’une année de stage pratique ? Qui mettra-t-on face à des publics difficiles ? Le caractère local et social du recrutement, tel qu’il est annoncé, ne risque-t-il pas d’accentuer les inégalités et le fossé entre enseignants et élèves des milieux populaires ? Autant de questions qui seront sans doute évoquées le 4 octobre aux Etats-Généraux de la formation enseignante.

Liens :

Le texte de la charte du 30 septembre

http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22538/signature-[…]

Le texte de la CDIUFM en juin

http://www.iufm.fr/applis/actualites/article.php3?id_article=486

Le texte de la CPU

http://www.cpu.fr/fileadmin/fichiers/actu/PositionCPU_recrutement_ensei[…]