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Par Françoise Solliec

Certes, en invitant 600 membres des comités de vie lycéenne à participer aux « Ateliers du nouveau lycée », ce 15 septembre, il n’était pas question pour Xavier Darcos d’une réelle consultation sur la réforme du lycée. Mais les lycéens conviés à l’école Polytechnique auraient bien aimé voir leurs questions prises en compte et l’ont exprimé avec force avant de repartir, souvent insatisfaits de cette journée « coup de pub ».

Levés souvent bien avant l’aube, venus de toute la France par groupes de 15 ou 20, accompagnés de leur recteur, 600 lycéens se sont retrouvés ce samedi dans les locaux de la prestigieuse école Polytechnique pour participer aux Ateliers du nouveau lycée. Comme Quentin, l’un des participants, nous l’affirme, beaucoup de ces jeunes gens estimaient que cette journée était pour eux une chance. Ils s’attendaient à pouvoir exprimer les positions et les questions, d’abord préparées (en urgence, car l’invitation ne leur est parvenue que peu de jours avant la rencontre) dans leur établissement, puis pendant les temps d’échanges du voyage. Ils espéraient peut-être, comme leurs aînés en 1998, participer, bien qu’à une toute autre échelle, à une réflexion de fond sur le lycée, en réponse à l’engagement qu’ils ont affirmé en candidatant aux comités de vie lycéenne.

« Mais », nous dit Quentin, « dès l’arrivée, on a su que ça ne se passerait pas comme cela. Après la présentation du recteur de Gaudemar, où nous avons compris que tout était déjà bouclé, les questions posées dans les ateliers nous sont apparues très orientées : « Quels sont selon vous les principaux avantages de ce découpage (en deux semestres) ? » ou « Pensez-vous que l’actuel projet de classe de 2nde est de nature à mieux permettre aux lycéens de définir leur propre parcours de formation ? ». De plus, comme nous l’avons découvert dans les discussions sur l’heure du déjeuner, dans beaucoup d’ateliers la présence d’un recteur comme expert technique et l’attitude des animateurs, étudiants en communication, attentifs à canaliser la discussion, n’ont pas permis au débat de se tenir. Certains des participants étaient très remontés et ont même évoqué l’idée d’un sit-in ! »

« L’après-midi », ajoute Quentin, « les questions étaient plus ouvertes et concernaient directement notre engagement, notamment celle portant sur les instances de vie lycéenne. Mais l’impression qui domine, c’est qu’on n’a pas été très entendus ».

Une impression certainement partagée par beaucoup d’autres lycéens, à entendre les cris et les huées de l’assemblée lors du temps consacré à la restitution et à la synthèse des ateliers, auquel était conviée la presse, en présence de Xavier Darcos.

« On n’a pas pu aller jusqu’au bout de nos idées et on n’est pas sûr qu’elles seront prises en compte »déclare l’un des 6 témoins présents sur scène au moment de cette restitution.

« C’est une chance que cette journée » affirme son voisin, « mais on n’en ressort pas complètement satisfaits. Les nombreuses questions qu’on avait discutées dans notre établissement n’ont pas reçu de réponses. On nous a fait travailler sur l’organisation, mais nous aurions voulu travailler sur le fond. Nous attendons d’autres initiatives ».

La synthèse des discussions en atelier, formulée dans une atmosphère souvent houleuse, met en avant la crainte des lycéens de parcours trop déterminés et d’organisation trop rigide. Ils demandent qu’un suivi réel de l’élève soit mis en place, que les bilans soient le fruit d’un travail de préparation et que la semaine d’orientation soit l’occasion d’un véritable entretien. Ils expriment aussi le souhait d’un professeur référent, d’un interlocuteur qui les connaisse et les suive sur les 3 ans, d’informations approfondies sur les modules (pourquoi pas une semaine de présentation) et de possibilités de changement d’orientation entre les 2 semestres.

Les demandes vis-à-vis des enseignants portent toujours sur davantage de contacts, y compris dans des situtations extra-scolaires, davantage d’implication dans les processus d’orientation et enfin une place accrue pour les TICE.

Selon cette synthèse, les lycéens portent une grande attention à l’environnement et souhaitent que se développent dans leurs établissements des agendas 21, des constructions HQE et des espaces de rencontre.

Ils souhaiteraient enfin un poids décisionnaire plus grand du CVL dans la vie de l’établissement, pouvoir rencontrer les institutions et instances régionales et intégrer davantage une dimension de soutien aux actions associatives ou aux causes humanitaires.

Interpellé vivement à plusieurs reprises par les lycéens, sur la non prise en compte de leurs questions, sur la diminution des horaires du tronc commun qui pourrrait conduire à une discrimination scolaire encore plus importante, sur les réductions de postes d’enseignants, Xavier Darcos a tenté de désamorcer la situation.

Il a ainsi affirmé qu’il serait possible de continuer à s’exprimer sur le forum Internet dédié à la réforme du lycée et que son ministère faisait beaucoup pour lutter contre la discrimination sociale, en reprenant « le vaste marché du soutien scolaire » et en le remettant entre les mains des enseignants, en attribuant des moyens supplémentaires aux 200 lycées qui accueillent le plus d’élèves en difficultés scolaires et sociales. Il a accepté l’idée d’un statut lycéen et d’un renforcement de l’accès à la culture. Il a enfin rappelé qu’il s’était déjà engagé, en initiant cette réforme, à ce qu’aucun poste ne soit supprimé en lycée.

Y-aura-t-il des suites à cette journée ? Les lycéens réussiront-ils à inquiéter le ministre sur sa politique ? La semaine qui vient devrait apporter des éléments de réponse à ces questions. « En attendant », nous explique Quentin, « je vais convoquer une réunion du CVL pour, peut-être, préparer une campagne d’affichage et d’explications de la réforme aux lycéens ».