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Je continue mon enquête en sous-marin, après le vocabulaire, je m’intéresse à la « découverte du monde ». Rendez-vous salle Fransisco Ferrer où bruissent les inquiétudes à propos des jardins d’éveil, restons vigilants. Mais pour l’heure au boulot. Il s’agira encore de s’atteler à la tâche, de faire émerger les concepts.
piqueLa question posée : « comment avec des élèves de maternelle aborder le domaine de la géométrie, comment ne pas créer des malentendus avec nos façons de dire ? »

Sylvie Chevillard, une responsable du GFEN, nous propose elle aussi une « démarche » et nous met en situation.


Lignes, pleins et déliés
Des feuillets sont distribués, une consigne : il s’agit de dessiner deux lignes qui doivent être différentes. Comme les autres, je m’y colle, on me dit ligne, je pense droite, point…
piquePar petit groupe, classons nos lignes : les lignes courbes, les lignes droites ou « presque droites ». Comme en maternelle, le vocabulaire est très vite imagé, les lignes sont « presque droites » parce qu’il nous manque les « outils ». Mais il est entendu pour chacun de nous qu’une ligne droite, ce sont des points alignés dans une même direction… On devient précis dans le vocabulaire, on évoque le terme de «segment », on parle de ligne ouverte ou fermée…

Mon point dans ta figure !
On nous distribue cette fois-ci un ensemble de figures qu’il va à nouveau falloir classer, d’abord individuellement, puis confronter nos classements en petits groupes. Là c’est dur : comment expliciter nos classements, quels critères avons-nous retenu ? Les souvenirs lointains remontent, on s’essaie à employer le bon vocabulaire : « c’est quoi déjà un sommet ? », « C’est le « point, là, dans ta figure ». On peut être très loin de la rigueur du mathématicien : on classe ensemble les figures qui ont des arrêtes : « ça pique, ça coupe », « là c’est arrondi », « bon d’accord, là ça pique mais ça tourne quand même »…
Hé bien, ce n’est pas gagné. Pourtant ma voisine m’avoue qu’elle enseigne au CM2. « Au CM2 ? »
Je m’autorise une parenthèse (pendant que la prof vaque auprès d’un autre groupe), « et pourquoi donc venir à un colloque sur la maternelle? », « pour mieux pouvoir la défendre » me répond l’appliquée qui se débat avec le classement des « pointus », des « sans angles », etc…


3 angles = triangle ; 4 angles = quatrangle !
piqueRevenons à nos moutons, à nouveau il va falloir justifier et argumenter. Au final les trois groupes ont classé un même ensemble de figures, certains avec une argumentation mieux étayée que d’autres, ou du moins plus précise, les gros mots sont sortis : « polygones ». Sylvie Chevillard nous interroge : « Qu’est ce qui est commun dans cette façon de catégoriser ? ». Avec nos mots, nous faisons référence comme les premiers mathématiciens, aux côtés, aux angles. Nous nous débattons avec « concave, convexe », ou « creux et bosse » et Sylvie Chevillard précise : « intuitivement, les enfants ont eux aussi la conscience de la mesure de l’angle », ils repèrent aisément l’angle droit « le coin de la feuille ». Il leur est aisé de se servir de ce « coin » et de comparer des angles qui sont plus petits ou plus grands.
Il nous faut « définir avec les mots des enfants », « trouver des images qu’ils peuvent réemployer ». Ainsi dans la figure convexe, il y a «la possibilité de mettre un arrondi à l’intérieur». Il nous faut passer par le sensoriel, le visuel, créer des images mentales pour immortaliser le concept. Waouh…
Ainsi donc, le problème n’est pas le manque de vocabulaire des enfants, mais de faire le lien entre les images des enfants (leurs savoirs) et les notions mathématiques, tout en veillant à ne pas leur inculquer de « faux savoirs ».

La maternelle, c’est l’école où l’on classe, répertorie, définit, où l’on construit des concepts. Puisqu’on vous le dit…