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Par François Jarraud

Pas vu, pas pris, ou « juste pour rire », le harcèlement est une pratique omniprésente dans les établissements mais parfaitement occultée. Ses effets sont ravageurs : démobilisation, décrochage scolaire, perte de confiance et de l’estime de soi. Clairement identifié par la plupart des pays développés, le « bullying » est l’inconnu de l’éducation nationale. Alors levons le voile…

Nicole Catheline :  » Les adultes ne s’intéressent pas suffisamment aux temps autres que le seul enseignement »

Pédopsychiatre, Nicole Catheline lève la tabou et informe le grand public sur les ravages du harcèlement. Parents et profs n’ont plus le droit d’ignorer.

De Créteil à Berlaimont, l’actualité est pleine de violence scolaire. Pourtant le thème que vous traitez dans votre livre, celui du harcèlement entre élèves (le bullying), est rarement évoqué en France. Si l’on prend les derniers textes officiels sur ce sujet, ceux de G. de Robien, ils sont focalisés sur la violence des jeunes vers les adultes. Est-ce parce que ce harcèlement est négligeable ? Comment l’expliquer ?

Le harcèlement n’est pas reconnu par les adultes parce qu’ils pensent parfois qu’il est normal entre enfants de se mesurer, de se bagarrer parfois, de se faire des farces. Ils pensent qu’il faut s’aguerrir, les romans mettant en scène ces situations sont d’ailleurs intitulés romans d’apprentissage. Dans d’autres situations les adultes refusent de croire que les enfants puissent être aussi « sauvages ». Beaucoup d’adultes aujourd’hui (ceux qui ont entre 40 et 50 ans ) ont été élevés avec des méthodes où le respect d’autrui passait par le fait de ne pas se moquer des autres. Actuellement la dérision fait partie de l’univers des jeunes : on filme les chutes, les bonnes blagues, des émissions comme les guignols de l’info ridiculisent les politiques ou les people. Cela permet de sortir d’un système très paternaliste du pouvoir, mais il a pour conséquence que les enfants eux n’y voient qu’une légitimation de ces pratiques. Par ailleurs à force de dire qu’il faut autonomiser les enfants on les laisse bien trop seuls et tout groupe d’enfants ou d’adolescents non régulé par un adulte se donne ses propres règles comme le montre le dur roman de W. Golding « sa majesté des mouches ».

Est ce lié au fait qu’en France éducation et instruction relèvent de deux métiers différents (profs et CPE) ?

Quand je dis qu’on laisse les enfants bien trop seuls c’est que les adultes ne s’intéressent pas suffisamment aux temps autres que le seul enseignement. Ils ne considèrent pas que l’école constitue aussi un lieu de vie. Il ne me parait pas souhaitable de distinguer l’intervention du CPE de celle des enseignants. Un enfant, un adolescent voient d’abord l’adulte avant de voir la fonction. Tous les adultes quelle que soit leur fonction doivent remplir ce rôle auprès des enfants. Il ne faut pas seulement les laisser libres de courir dans la cour encore faut-il s’être assuré qu’ils ont les moyens de s’occuper de se détendre.

Ceci devient de plus en plus nécessaire car les enfants ont peu l’habitude de la collectivité « physique ». Ils ont beaucoup de relations virtuelles mais ne savent pas toujours comment se comporter dans un groupe « réellement constitué » par des personnes physiques. Ils ne savent pas toujours comment occuper ce corps. Les jeux ancestraux ont disparu pour la plupart. Ils permettaient pourtant de s’exercer à beaucoup de situations : habileté, évaluation de sa popularité, etc. Il est par ailleurs regrettable en terme de formation que les CPE soient mieux formés par exemple en matière de psychologie de l’enfant que les autres enseignants (même si cette formation est notoirement insuffisante). Tout ce qui tourne autour de la dynamique de groupe par exemple n’est pas abordé.

Quels sont ses effets du harcèlement sur les élèves ?

Les effets sur les élèves ? Sur les enfants plutôt. Cela fragilise durablement l’estime de soi parce que le harcèlement dure et qu’il est incompréhensible pour celui qui le subit. Il finit par se demander pourquoi cela lui arrive qu’est-ce qu’il a de moins bien que les autres. Ensuite cela peut conduire d’abord à l’anxiété puis à la dépression voire aux tentatives de suicide ou aux troubles des comportements alimentaires quand la persécution porte sur le physique.

Est-ce un phénomène français ou est-il universel ?

Le phénomène est universel. Depuis 20 ans de nombreuses enquêtes internationales le montre le chiffre de 15% est un chiffre moyen. Vous pouvez à cet égard lire l’ouvrage qui vient de sortir d’Eric Debarbieux sur les dix commandements contre la violence chez Odile Jacob (fin septembre 2008).

Peut-on chiffrer ces effets en terme de réussite scolaire par exemple ?

Concernant les chiffres en terme de réussite je n’ai aucun chiffre à vous donner mais je sais aussi que certains enfants et adolescents en proie à des harcèlements se sont cramponnés à leurs études, y réussissant bien mais incapables d’avoir une vie sociale et affective. La réussite scolaire contrairement à ce que l’on pourrait croire n’est pas toujours le signe d’un équilibre. Nous voyons beaucoup d’investissement « défensifs » qui servent à donner le change socialement mais qui sont des impasses au plan personnel.

Dans ce harcèlement les « bons  » élèves sont plus souvent victimes que les autres. Ce harcèlement est-il une réaction à l’Ecole, une forme de violence contre l’institution ?

Oui cela peut être le cas de certains mais il ne faut pas généraliser. Lorsque de bons élèves sont pris pour cible par de plus mauvais c’est le cas. Mais il y a beaucoup d’autres situations où ce sont des enfants fragiles ou simplement différents et là ce n’est pas du tout une réaction contre l’école. Il ne faut pas faire du harcèlement un problème « sociétal ». Le harcèlement a toujours existé quelle que soit la place de l’école dans la société

Vous pensez que le harcèlement relève uniquement de la psychologie personnelle ? N’est -il pas aussi en rapport avec le fonctionnement de l’Ecole, avec les conflits de classe (sociales) ?

Je suis pédopsychiatre, pas sociologue, je ne parle que de ma clinique, des dégâts que je constate et j’essaie de voir en terme individuel comment on peut comprendre d’abord aider ensuite les personnes. Le harcèlement n’existe pas seulement à l’école mais au travail entre collègues sans qu’il y ait de conflits de classe. Il ne faudrait pas utiliser cet éclairage pour charger l’école.

Les profs ne savent souvent pas quoi faire face à cette forme de violence. Par exemple, en cours de maths, Pierre prend systématiquement la trousse de Pierre, bon élève, et lui vole jusqu’a ce que vous interveniez. Ca garde l’apparence d’un jeu. Que peut faire le prof ?

Il faut faire en trois temps : 1° interdire sans commentaire, éventuellement sanctionner mais comme pour d’autres infractions au règlement. 2° après l’heure de classe, il faut se faire aider par les collègues et parler un peu de Pierre, connaître son caractère pour mieux cibler l’intervention du professeur. Ce n’est pas aux actes qu’il faut réagir sur le plan individuel mais à la personnalité de l’élève sinon cela ne portera pas. Par ailleurs il a peut-être déjà fait cela avec un autre prof et celui-ci aurait trouvé une réponse qui aura marché. Il faut donc que les professeurs se parlent.. Cela aussi leur permettra d’avoir Pierre à l’oeil et d’intervenir plus précocement ou d’avoir des informations sur la manière dont il réagit avec les bons élèves Ensuite, une fois la question individuelle réglée il faut traiter le problème de fond et organiser des débats, des exposés généraux sur le respect de l’autre, de la différence, la non violence et parler de la limite de la plaisanterie. Il ne s’agit pas forcément de parler de la situation qui vient d’avoir lieu mais il faut tenter de généraliser.

Dans les pays anglo-saxons il y a des programmes de lutte contre le lobbying. Sont-ils efficaces ? Dans la culture pédagogique française, certaines méthodes affrontent-elles mieux ce défi ?

Ces programmes sont intéressants mais comme toujours ils ne doivent pas être systématiques. Il faut réfléchir à leur implantation. Des enseignants qui ne voudraient pas le mettre en oeuvre ne doivent surtout pas se le voir mis d’office. Ils n’habiteraient pas cette action et la rendraient ridicule voir nocive car plaquée et vidée de tous son sens. A cet égard Eric Debarbieux témoigne longuement des missions qu’il a faites dans le monde. Il vient d’être nommé à la tête d’une mission par l’observatoire national de la délinquance en France. Il faut déjà penser au harcèlement , considérer que ces enfants et adolescents ne sont pas des monstres, juste des jeunes que les adultes ne regardent pas assez et dont ils ne s’occupent pas vraiment du moins au niveau de leur morale et la relation à autrui. Il convient de trouver des solutions pour y remédier. Cela peut passer par des jeux de rôles, des visites, des voyages, des discussions, bref beaucoup de choses qui permettent aux jeunes d’utiliser intelligemment leur envie de comprendre de monde et d’y trouver leur place.

Nicole CATHELINE

Entretien François Jarraud

Dernier ouvrage de Nicole Catheline : Harcèlements à l’école, Albin Michel, 2008, 224 pages.


Jean-Pierre Bellon : Harcèlement : « Les pouvoirs publics ignorent le phénomène »

Professeur de philosophie, Jean-Pierre Bellon a créé une association qui aide les équipes pédagogiques à affronter le harcèlement.

Jean-Pierre Bellon, vous êtes professeur de philosophie. Donc à priori à l’abri, en terminale, du harcèlement entre élèves. Comment en êtes vous arrivé à monter une structure assez unique en France ?

Ce serait à mon sens une erreur de considérer que le harcèlement disparaît entièrement au lycée. Il diminue, certes, mais lorsqu’il subsiste, les cas que l’on y rencontre sont infiniment plus graves. C’est en travaillant sur des cas de violence survenus dans des lycées, au début des années 2000, que j’ai pu me rendre compte que la partie visible de la violence scolaire en dissimulait une autre beaucoup moins apparente, faite de toutes petites choses répétées au quotidien mais qui sont très souvent invisibles aux yeux des adultes. C’est à ce moment que j’ai commencé à m’intéresser aux cas de harcèlement et que j’ai découvert cette population des malmenés de l’école, ceux qui vont en classe à reculons parce qu’ils savent que leur quotidien sera insupportable. J’ai donc commencé par prendre le temps d’écouter les victimes, ceux qui, à chaque fois que j’intervenais dans un établissement sur ces questions, restaient à la fin pour raconter leur histoire. J’ai commencé par recueillir leur témoignage au magnétophone d’abord puis en vidéo. C’est à cette même période que j’ai découvert qu’il existait toute une littérature étrangère sur ces questions, mais qu’elle était en grande partie ignorée en France. C’est l’ensemble de ces témoignages et de cette littérature qui a constitué la base de notre site.

Comment expliquez vous le peu d’intérêt de la communauté éducative (institution mais aussi enseignants) à cette question ?

Les enseignants ignorent le phénomène parce qu’on ne leur en parle quasiment jamais. Pour percevoir un fait de harcèlement, il faut, en quelque sorte, avoir les bonnes lunettes. Toute une série d’actes de ce type passent inaperçus aux yeux des enseignants d’abord parce qu’ils sont difficiles à repérer. Dans un fait de harcèlement, tout le monde va conspirer pour se taire : l’agresseur, la victimes et aussi les témoins. Aussi, travailler sur le harcèlement impose-t-il à un enseignant de se montrer très attentif à toutes ces petites choses qui émaillent la vie quotidienne de la classe. C’est pour cela que la formation des personnels est essentielle. Mais dans l’état actuel, les formations sur cette question sont très rares. Lorsqu’elles existent, c’est de façon très ponctuelle à l’initiative d’un chef d’établissement vigilant ou avec le soutien d’un IUFM. Certains établissements font, de ce point de vue, un travail exemplaire. Les pouvoirs publics ignorent le phénomène. Le harcèlement ne faisait même pas partie de la liste des cas de violence répertoriés par le logiciel SIGNA mis en place par le ministère. Quand un établissement tente quelque chose contre le harcèlement, ou quand des professionnels s’engagent localement, il n’y a pas vraiment de relais. En France, on préfère s’imaginer que la violence est contenue dans quelques établissements réputés difficiles et qu’ailleurs tout va bien. Travailler sur le harcèlement montre que les choses sont nettement plus compliquées. C’est en réaction à cette indifférence générale que nous avons ouvert notre site et créé l’APHEE.

Votre site dispose de ressources très riches et accessibles à tous les publics. Quelle est sa cible? Comment avez vous réussi à monter un éventail aussi riche de ressources ?

Le site est le résultat de plusieurs années de travail. Avec Bertrand Gardette, nous l’avons ouvert en 2006 et nous avons crée l’A.P.H.E.E. l’année suivante. Notre objectif était de mutualiser tout ce qui se fait localement pour lutter contre le harcèlement. Le site s’adresse aux professionnels pour qu’ils trouvent des ressources qui peuvent les aider dans leurs pratiques mais il s’adresse aussi aux victimes et à leur famille. Nous recevons beaucoup de courrier émanant de familles désemparées.

Qui est le mieux placé dans un établissement pour peser sur ces comportements ?

Il n’y a pas, dans un établissement scolaire, quelqu’un de mieux placé qu’un autre. C’est la vigilance de chacun qui peut permettre de déceler un cas de harcèlement et c’est un travail d’équipe qui peut permettre de le résoudre. Le travail sur le harcèlement impose, pour être efficace, à tous les personnels à travailler conjointement. C’est difficile, cela bouleverse souvent nos habitudes de travail. Mais partout où un travail collectif a été entrepris, on a vu les cas de harcèlement diminuer et disparaître. Des établissements ont, de ce point de vue, mené des actions exemplaires avec formation des personnels, sensibilisation des classes, information des familles…

Comment votre association peut-elle aider concrètement des enseignants qui voudraient s’investir dans ce sujet ?

Nous proposons sur notre site une série de ressources : des études de cas, des vidéos, des articles, des liens sur le web. Nous rendons compte également de certaines initiatives prises par des enseignants dans leur classe. Cette base de données est mise à la disposition de tous ceux qui souhaitent s’investir dans la prévention du harcèlement. Nous travaillons actuellement à la rédaction d’un guide complet sur le harcèlement : en quoi il consiste et comment on peut le prévenir et le combattre. Il sera disponible dans le courant de l’année 2009

Comment peut-on aider les familles qui ont un enfant harceleur. Déjà comment le détecter ?

Il n’est pas forcément simple pour une famille de reconnaître que leur enfant est harceleur. Un comportement d’élève de ce type peut parfois être interprété comme la marque d’une personnalité forte, charismatique. C’est la première erreur à ne pas commettre. La seconde est de soutenir l’élève agresseur, en minimisant les faits. Les enfants qui harcèlent ont d’abord besoin qu’on leur dise NON ! Le harcèlement pose fondamentalement le problème des valeurs. Harceler, c’est nier la personne de l’autre, l’humilier, le rabaisser. La première prévention du harcèlement, c’est l’éducation : enseigner à l’enfant que le respect absolu de la personne humaine n’est pas négociable. Quand l’école et la famille tiennent le même langage et se battent pour les mêmes valeurs, le harcèlement peut être efficacement combattu.

Jean-Pierre Bellon

Entretien : François Jarraud

Le site de l’APHEE

http://www.harcelement-entre-eleves.com

Le point de vue d’un CPE : Bertrand Gardette

En première ligne, les CPE doivent affronter le harcèlement. CPE au Lycée Professionnel Vercingétorix de Romagnat (63), Bertrand Gardette a une longueur d’avance.

Peut-on dire que les CPE sont bien formés pour affronter le harcèlement ?

Le harcèlement entre élèves est une violence particulière tant dans sa dynamique que dans le mode de réponse à apporter. La répétition de petites agressions anodines, en apparence, l’installation d’une routine de l’embêtement et le silence de la victime font qu’il est très difficile de détecter ce processus. Il n’est pas rare que plusieurs mois s’écoulent avant d’un adulte, généralement alerté par un évènement spectaculaire (acte de violence majeur, décrochage scolaire, effondrement des résultats, fugue, tentative de suicide), ne se rende compte de la situation. Pour le CPE, une seule solution s’impose : rétablir la victime dans sa dignité et sanctionner le harceleur. Or, la sanction de l’agresseur, absolument indispensable à ce stade du harcèlement, ne fera que renforcer le processus. Elle semblera disproportionnée aux yeux des élèves de la classe qui, en réaction à cette « injustice », vont afficher leur solidarité avec l’agresseur, culpabiliser la victime (ce qui se passe est de sa faute) et l’exclure définitivement du groupe. Le changement de classe, voire d’établissement, seule alternative possible, consacre alors l’échec éducatif de l’établissement.

C’est après avoir subi, en tant que CPE, un revers de la sorte que j’ai commencé à m’intéresser à la question avec Jean Pierre Bellon, professeur de philosophie, dont les premières investigations en la matière ont servir de support à notre travail.

Le contenu de la formation initiale des CPE est largement pluridisciplinaire et le thème de la violence à l’école est, bien entendu, abordé à plusieurs reprises. C’est le lien qu’il existe entre la culture générale éducative du CPE, sa maîtrise de la problématique de la violence et sa connaissance des élèves dans leur globalité qui en font un personnage référent dans ce domaine. Malheureusement, en matière de harcèlement, cette compétence professionnelle est inopérante. La lutte contre ce phénomène requiert un mode opératoire particulier et donc une formation spécifique. Or, mises à part des expérimentations menées dans le cadre de l’IUFM de l’académie de Clermont-Ferrand, il n’existe, à ma connaissance, aucun dispositif de formation ou d’information officiel sur le harcèlement entre élève. Pas plus pour les CPE que pour les enseignants.

Comment reconnaître les victimes et globalement avoir une idée de l’ampleur du phénomène quand on est CPE ?

La première erreur consisterait à penser qu’il existe un profil de victime clairement identifiable. L’attention du CPE se porterait naturellement vers le premier de la classe, celui affiche un léger embonpoint, vers le boutonneux ou le myope, le gothique ou le danseur sur glace. En fait, il n’en est rien. Si ces types de personnalités peuvent, effectivement, devenir des victimes, les autres élèves peuvent être concernés dans des proportions à peu près similaires. Nous avons rencontrés des victimes ceintures noires de judo, d’autres qui ne se distinguaient pas, à première vue, de cette norme adolescente qui constitue généralement une protection efficace. Si le grand peut se faire harceler, le petit aussi, le premier de la classe comme le dernier, l’adolescente « habillée en femme » comme la « camionneuse » (propos d’élève). Finalement, ce qui attire les foudres de l’agresseur, c’est l’isolement de l’élève, le fait de ne pas avoir d’ami. La sociabilité constitue une protection efficace. Le second facteur discriminant est un mal être provisoire, un complexe ou une blessure, bref une de ces fragilités passagères dont l’adolescence regorge.

Combien d’élèves sont victimes de harceleur durant leur scolarité ? Nous avons réalisé une enquête auprès de 2500 collégiens au terme de laquelle 9% d’entre eux disent avoir été harcelé. Ces chiffres confirment les proportions des quelques enquêtes disponibles en Europe.

Comment reconnaître un élève harceleur ?

S’il n’existe pas de profil avéré de victime, le harceleur a des caractéristiques plus identifiables. Il entretient un rapport aux autres très ambigu car il est à la fois un personnage doté d’un certain charisme et un individu qui suscite la méfiance de ses camarades. Certains peuvent avoir des bons résultats scolaires, mais, en règle générale, le profil scolaire est terne, il passe facilement inaperçu. Le harceleur possède une sensibilité psychologique empirique qui lui permet d’évaluer rapidement les forces en présence. Il sera un élève perturbateur dans le cours d’un enseignant en difficulté, mais sympathique et attentif avec le professeur à l’autorité incontestable. De la même manière, il se montrera convivial avec des camarades à la personnalité affirmée, et exécrable avec les plus fragiles. Il sait faire rire et se sert d’ailleurs de cette qualité pour harceler sa victime (surnoms, moqueries, ironies).

Une fois pris, il éprouve de grosses difficultés à assumer son rôle de harceleur. Sa défense va consister à minimiser ses nuisances et à faire porter sur la victime la responsabilité du harcèlement.

Peut-on y remédier seul ? Sinon sur qui s’appuyer ?

Le harcèlement à l’école prospère tant que la réponse apportée n’émane pas de l’équipe éducative toute entière. Pour lutter contre ce phénomène, il faut parvenir à briser cette loi du silence qui constitue le carburant du harcèlement. La réponse est la parole, parole obligatoirement collective et concertée. Pour cette raison, la sensibilisation au harcèlement ne pas peut toucher que les seuls CPE. Les enseignants et les personnels de santé et les Assistants d’Education doivent être associés. L’objectif d’une formation est moins la neutralisation efficace des situations de harcèlement que leur détection précoce. Plus un cas est détecté tôt, plus les chances qu’il s’arrête définitivement sont fortes. Pour cela, d’autres interlocuteurs ont besoin d’être formés, ce sont les délégués de classe.

Peut-on citer quelques exemples de projets efficaces réalisés par des établissements ?

En matière de lutte contre le harcèlement, des établissements de l’académie de Clermont-Ferrand ont tenté des expériences efficaces. Le Lycée d’enseignement Général et Technologique La Fayette à Clermont-Ferrand a inscrit la lutte contre le harcèlement dans son projet d’établissement. Concrètement, toutes les classes de secondes sont sensibilisées à cette question, durant les heures de vie de classe, par des enseignants. Des professeurs de français et d’histoire-géographie abordent le thème pendant les heures d’ECJS. D’autres enseignants (anglais) utilisent ce thème dans leur discipline. Enfin, les délégués de classe sont formés. Résultats : en trois ans, le nombre de cas de harcèlement a été divisé par quatre, aucun élève ne quitte plus le lycée pour ce motif.

Le collège d’Aubière a expérimenté un autre dispositif sur une année scolaire. Tous les élèves d’un niveau de classe (5ème) ont reçu une formation de deux heures. Une classe pilote a particulièrement approfondi le thème en le travaillant de façon transdisciplinaire. La professeure d’anglais a travaillé sur le school bullying, l’enseignante d’histoire-géographie sur la rédaction d’une charte et la professeure d’arts plastiques a organisé un concours de dessin, dont les œuvres sont visibles sur notre site internet. Les enseignants volontaires ont eu la possibilité d’assister à une formation. Enfin, à l’initiative du chef d’établissement, une soirée d’information a été proposée aux parents d’élèves. Ces derniers semblent avoir particulièrement apprécié cette action.

Ces expériences positives prouvent qu’il est possible d’élaborer, collectivement, des dispositifs efficaces de lutte contre le harcèlement entre élèves. Cependant, la question des outils pédagogiques, supports indispensables de ces formations, se pose. Travaillant avec nos propres ressources (témoignages écrits et vidéo, fiches d’animations et articles théoriques), non publiées, nous proposons un accès documentaire libre sur le site harcelement-entre-eleves.com. Faute de mieux !

Bertrand Gardette

Entretien : François Jarraud


En classe, comment développer le vivre ensemble ?

Si l’apprentissage du vivre ensemble fait partie des compétences inscrites au socle commun, il a pour autant du mal à trouver sa place dans les salles de classe. Pourtant des outils existent pour faire parler les élèves sur leurs peurs et leurs représentations et les entraîner à coopérer. Ces compétences sont nécessaires à la vie scolaire. Elles seront demain indispensables au salarié.

Développer les compétences sociales des ados

Apprendre à se connaître, accepter l’autre, connaître ses capacités, ses limites, respecter les règles de la vie en société : voici des compétences travaillées avec cet ouvrage d’Edith Tartar Goddet.

Une centaine d’exercices précis montre comment développer ces compétences dans le cadre d’ateliers de parole. L’ouvrage est donc très pratique et apporte des réponses précises (des exercices) face à des difficultés précises. Avec E. Tartar Goddet on apprend aussi la responsabilité et la posture d’élèves.

Sans s’engager forcément dans les ateliers de parole, l’ouvrage permet au prof « ordinaire » de découvrir de nouvelles ressources pédagogiques. Elles sont parfaitement utilisables en début d’année et le professeur pourra puiser dans les 100 exercices pour faire face aux difficultés..

Edith Tartar Goddet, Développer les compétences sociales des adolescents, Retz, 2007, 192 pages.

L’ouvrage

http://www.editions-retz.com/product-653.html

Dans le Café : article d’E.Tartar –Goddet

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/20[…]

Enseigner la coopération et la non-violence

« Favoriser une participation efficace et constructive à la vie sociale et professionnelle, exercer sa liberté en pleine conscience des droits d’autrui, refuser la violence ». Ces compétences du socle commun ne sont pas les plus faciles à faire acquérir. Non-violence Actualité nous aide en publiant un numéro qui collationne les ressources disponibles pour développer les compétences du savoir-vivre ensemble.

Le numéro propose ainsi près de 250 outils pédagogiques. Ce sont le plus souvent des livres à destination des enseignants mais aussi des enfants et des adolescents. Il y a aussi de vidéos et une belle sélection de jeux de coopération dont on se dit que l’usage devrait être obligatoire…

Enfin le guide oriente vers une centaine d’organismes de formation.

Non violence actualité n° 294

http://www.nonviolence-actualite.org/#

Le développement personnel obligatoire en Angleterre dès 5 ans

Un enseignement du développement personnel, incluant l’éducation sexuelle, les relations avec les autres, la gestion de ses sentiments sera obligatoire dès l’âge de 5 ans. Cet enseignement sera mis en place dès 2010 dans toutes les écoles primaires et secondaires anglaises.

Pourtant il comprendra des sujets risqués comme la contraception, l’avortement l’homosexualité. Les établissements catholiques auront l’obligation de l’enseigner mais ils pourront y ajouter les théories catholiques sur ces sujets.

Mais ce nouvel enseignement va bien au-delà de l’éducation sexuelle. Les élèves apprendront également les lois sur la drogue et l’alcool, les bases d’une bonne alimentation ainsi que la gestion de leur argent.

BBC News

http://news.bbc.co.uk/1/hi/education/7684810.stm

Violence scolaire : La réponse communautaire l’emporte aux Etats-Unis

Quelle politique mènent les écoles américaines pour faire face à la violence scolaire ? Certes certaines écoles font appel régulièrement à des vigiles ou la police nous apprend une étude du NCES américain. C’est le cas de 34% des écoles primaires et 72% des lycées. Mais la première réponse des établissements scolaires c’est l’implication des parents. C’est le cas de 60% des écoles du primaire au secondaire. Et ce pourcentage augmente là où la criminalité est forte ou dans les établissements comptant de nombreux élèves issus de minorités. Un établissement sur cinq demande même aux parents de participer directement à la discipline. Un sur deux propose des cours pour aider les parents à mieux gérer le comportement de leur enfant.

Dans un entretien accordé au Café, Eric Debarbieux estimait que « les pays qui s’en sortent le mieux face à la violence scolaire sont aussi ceux où la place des parents à l’Ecole est la plus forte ». Il pensait au Brésil. Mais il semble avoir été entendu aux Etats-Unis.

Etude du NCES

http://nces.ed.gov/pubsearch/pubsinfo.asp?pubid=2007010

Sur le Café : E Debarbieux

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/200[…]

Pour aller plus loin

Le dossier Violence scolaire

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/200[…]

Eric Debarbieux : Je suis pessimiste

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/20[…]

Claude Lelièvre, La violence scolaire ne va pas disparaître

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/ViolencescolaireLelievre.aspx

E.Tartar –Goddet : Développer les compétences sociales

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/2[…]

Sur le site du Café