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Par François Jarraud

Par deux discours importants, le 8 janvier et le 15 février 2008, le président de la République a annoncé des changements importants pour l’Ecole. L’accent est mis sur les fondamentaux, l’instruction, la transmission, l’autorité. Le dernier discours, le 22 juin 2009, s’en tient prudemment à des généralités…

Acte I : le 8 janvier, Sarkozy annonce une offensive sur l’Ecole

« L’année dernière j’ai écrit à tous les éducateurs de France pour leur présenter le projet éducatif que j’avais placé au cœur de ma campagne. Ce projet éducatif, le moment est venu de le mettre en œuvre ». Lors de sa conférence de presse du 8 janvier 2008, N. Sarkozy a annoncé son intention de changer sans tarder l’école, à commencer par le primaire.

« La priorité de cette politique éducative ira à l’école primaire que l’on a trop longtemps délaissée sans voir que son affaiblissement était la cause principale des difficultés croissantes du collège », a déclaré le chef de l’Etat.

Dans sa Lettre aux éducateurs, le président annonçait des milliers de suppressions de postes et la diminution des horaires.  » Il y aura moins d’heures de cours, où les moyens seront mieux employés parce que l’autonomie permettra de les gérer davantage selon les besoins, les enseignants, les professeurs seront moins nombreux ». Il souhaitait l’autonomie des établissements. Enfin il annonçait le retour à la sélection dès le primaire. « Nul ne doit entrer en 6e s’il n’a pas fait la preuve qu’il était capable de suivre l’enseignement du collège. Nul ne doit entrer en seconde s’il n’a pas fait la preuve qu’il était capable de suivre l’enseignement du lycée et le baccalauréat doit prouver la capacité à suivre un enseignement supérieur. »

Le discours de N. Sarkozy (pdf)

http://www.elysee.fr/download/?mode=press&filename=conference_de[…]

Dansle Café, la lettre aux éducateurs de N. Sarkozy

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2007/85_pr[…]

Sur le Café Sarkozy et l’Ecole

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2007/Sa[…]

Dans le Café, l’analyse d’un discours de campagne

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/80QuandS[…]

Acte II : le discours de Périgueux le 15 février

C’est le recentrage sur les fondamentaux que promet N. Sarkozy. Les nouveaux programmes « donneront la priorité absolue à la maîtrise de la langue. Le vocabulaire, qui est un instrument de liberté ; l’orthographe, par quoi notre langue se tient debout ; la grammaire, qui est le commencement de toute pensée : toutes ces nobles disciplines sont enfin mises, ou remises, à l’honneur. Nous voulons que l’enfant apprenne. Cette démarche rigoureuse d’appropriation doit commencer très tôt : aussi n’avons-nous pas oublié l’école maternelle : il s’agira d’en faire le lieu d’un véritable apprentissage de la langue orale. Car il est impossible d’apprendre à lire et écrire, tout aussi impossible de compter et de calculer, si l’on ne sait déjà parler correctement. En mathématiques, le programme est tout aussi simple et ambitieux. Les automatismes en calcul seront créés aussi tôt que possible grâce notamment à la pratique régulière du calcul mental. Les programmes privilégient en outre la résolution de problèmes liés à la vie courante ».

Parallèlement l’évaluation sera plus fréquente pour les élèves à travers des évaluations nationales déjà organisées, et pour les maîtres : une inspection tous les deux ans sur les progrès des élèves.

Mais le point d’orgue du discours concerne la pédagogie. « De façon générale, dans toutes les disciplines, l’accent est mis sur la mémorisation de connaissances et de compétences clairement identifiées, dont on pourra facilement vérifier l’acquisition : il y a un lien direct entre ces nouveaux programmes et le dispositif d’évaluation que j’ai évoqué tout à l’heure ». Il s’agit donc bien du retour au cours magistral et à l’instruction.

S’agit-il du retour au dressage ? Le président de la République entend supprimer l’éducation civique et la remplacer par l’instruction civique et morale. L’éducation c’est l’apprentissage de la citoyenneté. L’instruction c’est apprendre des règles imposées. Quant à la transmission explicite de la morale elle a disparu depuis longtemps des programmes faute d’avoir pu prouver son efficacité.

Ce retour à l’autorité ne doit pas épargner les profs, bien au contraire.  » Tout groupe humain, quel qu’il soit, a besoin d’être dirigé. Les équipes enseignantes n’échappent pas à la règle. Il y a des principaux dans les collèges, des proviseurs dans les lycées. Sans méconnaître la grande valeur professionnelle des inspecteurs de l’enseignement primaire et des directeurs d’écoles, il faut s’interroger, même si cela ne fait pas plaisir à tout le monde, sur le pilotage de l’enseignement primaire ».

Discours de Sarkozy

http://media.education.gouv.fr/file/fevrier/09/4/discours_presid[…]

Les réactions syndicales

Les syndicats n’ont pas été longs à réagir. Ainsi le Sgen critqiue les orientations pédagogiques du président.  » Sur les contenus d’enseignement, le Président prône le retour aux fondamentaux de l’école, le français et les mathématiques. Personne ne niera l’importance de ces outils de la pensée, mais ce que décrit le Président, c’est limiter l’enseignement à l’acquisition de mécanismes opératoires, c’est accentuer le caractère sélectif de l’école, c’est rater la démocratisation de l’école ».

Le Se-Unsa  » n’est pas en désaccord avec le rappel de l’importance décisive de la maîtrise de la langue. Il constate cependant que, bien qu’il s’en soit défendu, le Président de la République n’a pas échappé aux tentations nostalgiques. Les enseignants qui travaillent dans des conditions souvent difficiles dans les écoles, auront sans doute apprécié l’idée selon laquelle il faut « remettre de l’école à l’école ». Mais alors qu’y faisaient-ils d’autre jusqu’à présent ?  »

Enfin le Snuipp ironise sur la réduction des programmes.  » Le SNUipp tient à réaffirmer que les enseignants des écoles n’ont renoncé à enseigner ni l’ Education civique, ni le vocabulaire, ni l’orthographe, ni la grammaire ou le calcul. Laisser croire le contraire est méprisant pour les enseignants. Qui peut croire que l’abandon des programmes de 2002 remplacés par un fascicule de 24 pages permette de rendre plus aisé l’apprentissage de la lecture ou des mathématiques, des sciences ou de l’histoire ? »

Communiqué Se-Unsa

http://www.se-unsa.org/presse/comm/page.php?id=080215

Sgen

http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1597.html

Snuipp

http://www.snuipp.fr/spip.php?article5342

L’analyse de P. Frackowiak

 » On ne réalisera pas les points positifs de la Lettre aux éducateurs de Nicolas Sarkozy avec les mesures annoncées à Périgueux par Nicolas Sarkozy ». En mettant en parallèle les deux textes, Pierre Frackowiak , IEN, pose la question d’un nouveau virage de la politique éducative du pays. « Les quelques belles phrases de la lettre aux éducateurs n’étaient que des mots pour donner une apparence. Le discours de Périgueux est la vérité qui s’imposera dans l’indifférence, les silences assourdissants à gauche permettant toutes les audaces ». Les nouveaux programmes du primaire, avec le retour de « l’instruction civique et morale » sont-ils un signal fort en ce sens ?

A lire également dans ce même dossier l’article de G. de Vecchi, pour qui  » il faut bien une refondation de l’Ecole… mais pas n’importe laquelle ». Il estime que « s’appuyer (lourdement) sur les mauvais résultats de la France, permet d’augmenter l’angoisse des maîtres et des parents… et de faire accepter toutes les réorientations simplistes, politiquement orientées » et demande  » un traitement cohérent des problèmes sociaux et ethniques ».

Sur le Café, Article de P. Frackowiak

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/programme[…]

Sur le Café article de G. de Vecchi

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programme[…]

Sur le Café le sommaire du dossier Nouveaux programmes

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Programme[…]

Acte III : 22 juin 2009 : Quelle ambition pour l’Ecole ?

« Je veux que l’on propose une solution à tous les adolescents qui sortent du système scolaire à 16 ans sans rien. Je dis que cela nous fait dépenser davantage aujourd’hui, mais que cela nous permettra de dépenser beaucoup moins demain parce que ces jeunes seront alors capables de trouver un emploi, de fonder une famille, d’élever leurs enfants plutôt que de rester en marge de la société. C’est un investissement ». S’exprimant devant le Congrès réuni à Versailles le 22 juin, le président de la République s’est tenu, sur les questions d’éducation, à des propos généraux sans faire d’annonce concrète.

« Je souhaite créer les conditions d’une vie meilleure dans les lycées parce que des lycéens heureux, responsables, considérés, feront de meilleurs élèves et de meilleurs citoyens » a-t-il encore déclaré. « Je veux revaloriser l’apprentissage, la filière professionnelle, la filière technologique, la filière littéraire. Je veux que l’on mette les moyens nécessaires pour en faire des filières d’excellence au même titre que la filière scientifique ». La seule annonce un peu concrète concerne le développement « d’internats d’excellence », une formule qu’il a expérimenté à l’époque où il dirigeait les Hauts-de-Seine.

Les réactions au discours de N. Sarkozy

La FSU estime que « si le président parle en termes généraux de la réforme des lycées, il ignore l’effort indispensable à faire dans tout le système éducatif pour lutter contre l’échec et les inégalités ».

Pour l’Unsa, ce discours est de mauvais augure. « Après des mois de tensions avec les personnels de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, après des suppressions massives de postes, des provocations inutiles, une perspective d’ensemble, des gestes d’apaisement étaient attendus. Le président de la République ne les pas faits. L’Ecole est réduite dans le discours présidentiel à la réparation des difficultés ou à des formules convenues tant de fois ressassées. L’Ecole n’est plus une priorité : elle devra faire plus avec des moyens diminués. Le président de la République a parlé de changement : l’Ecole n’en connaîtra pas. Sa situation, par les choix budgétaires imposés, ne peut que se détériorer. Le prochain budget l’annonce déjà : c’est une mauvaise nouvelle pour l’avenir ».

Le discours de N Sarkozy

http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview[…]

« La seule véritable annonce pour les secteurs de l’éducation, la jeunesse et la recherche, c’est le maintien de l’objectif comptable de non remplacement des fonctionnaires partant à la retraite. Cette décision contredit dans les actes la volonté d’investir sur l’Éducation que prétend porter le discours ». Pour le Sgen Cfdt, les propos du président de la République, le 22 juin à Versailles, devant le Congrès, sont « en contradiction avec les enjeux annoncés ».  » L’annonce de la poursuite des réformes des lycées et des universités est insuffisante ; quelles réformes, dans quel but ? » note le Sgen.

La FEP Cfdt (enseignement privé) n’est pas en reste à propos de la réforme des lycées.  » L’intervention du Président de la République hier n’apporte pas de nouvelles perspectives. M. Sarkozy reprend des généralités déjà entendues avec son volontarisme incantatoire, mais sans volonté politique réelle…. Le Président confirme la juxtaposition des filières, sans même envisager la nécessité de casser les hiérarchisations sous jacentes Et pourtant les attentes étaient grandes sur la conception de l’enseignement, sur l’accompagnement des lycéens dans leur parcours, sur la nécessité de découvrir et de s’orienter progressivement… »

Sur le site du Café