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Par François Jarraud

Publié en février 2008, le rapport Pochard est la dernière étude officielle sur l’évolution du métier d’enseignant. Il reste une référence pour le gouvernement. Que propose-t-il ? Quel peut-être son impact sur le métier d’enseignant ?

Ce rapport important (plus de 200 pages) s’appuie autant sur les enquêtes précédentes (jusqu’au rapport Ribot du début du XXème siècle !) que sur les auditions. Il s’articule autour de 6 thèmes. S’agissant des salaires,le rapport estime que les rémunérations des enseignants ont en gros évolué sur 20 ans comme les salaires moyens mais qu’ils sont en baisse ces 5 dernières années et qu’ils sont nettement inférieurs (de 20 ,à 30%) aux salaires des enseignants en Europe pour les débuts de carrière. Pour autant le rapport n’apporte pas de réponse si ce n’est de faciliter les secondes carrières, un domaine où le ministère piétine.

Concernant les établissements, la commission souhaite renforcer l’autonomie.  » Les derniers résultats de PISA montrent que tous les pays qui ont de bonnes performances scolaires ont donné à leurs établissements de larges marges de responsabilité dans leur organisation » note-elle. Elle ajoute  » L’autonomie des contenus d’enseignement ou de la certification n’est pas envisagée. La conviction que les programmes et les diplômes doivent rester nationaux est un point de consensus. Même dans les pays qui ont le plus décentralisé leur système éducatif et donné une large autonomie à leurs établissements, l’Etat conserve la maîtrise des contenus et des diplômes ». Cependant la commission souhaite que les établissements puissent modifier les curricula, disposer de 10% de la DHG, signer un contrat avec chaque enseignant et choisir les affectations, fixer les conditions d’exercice des enseignants. Dans le premier degré, elle est favorable aux Epep (établissements publics).

Les conditions d’exercice du métier devraient aussi évoluer par le développement de la bivalence et l’intégration dans un horaire annualisé des tâches qui ne sont pas d’enseignement mais d’éducation.

Le recrutement serait également modifié. La commission insiste sur la nécessité d’ouvrir socialement le métier à des jeunes moins favorisés. Elle penche pour une distinction entre certification et recrutement : le concours ne ferait pas l’affectation.

Sur le plan de la carrière,la commission est attachée à une différenciation par le mérite des carrières, celle-ci pouvant être évaluée par le chef d’établissement.

Le Livre vert

http://media.education.gouv.fr/file/Commission_Pochard/18[…]

Eclairage : Pochard : Affronter ou adopter ?

Baffe sur le parent d’élève, torgnoles sur les élèves. L’ambiance semble se dégrader peut-être un peu plus qu’un mois de février ordinaire. Est-ce pour cette raison ? Rarement la profession aura été autant sur la défensive qu’actuellement. Après des mois de « Robineries » plus urticantes les unes que les autres, les enseignants encaissent une réduction drastique des postes et maintenant une série de rapports qui attaquent tous l’existant. Parmi ceux-ci le rapport Pochard a une particularité : il n’a pas recueilli pour l’instant que des jugements négatifs. C’est peut-être parce que, si certaines dispositions sont de véritables casus belli, d’autres s’appuient sur des travaux sérieux. A nous de tenter le tri.

Faut-il accorder plus d’autonomie aux établissements scolaires ? Le rapport préconise d’aller assez loin en ce sens en donnant la possibilité aux établissements d’adapter le curriculum et de disposer d’un volant de gestion de la DHG (10%). L’établissement autonome est-il plus efficace ? Oui répondent les chercheurs qui mettent en avant une meilleure adaptation de l’enseignement au public scolaire. Mais, affirmait N. Mons dans un article publié par le Café, « tout dépend concrètement du dispositif mis en place. Si l’autonomie pédagogique est associée quand elle suit certaines organisations à de meilleurs résultats des élèves, le transfert de nouvelles responsabilités aux chefs d’établissements dans les domaines budgétaires ne semble pas directement en lien avec les apprentissages. Si l’autonomie peut être bénéfique en termes d’efficacité, par contre, cette recherche montre que c’est l’organisation centralisée (programmes nationaux, recrutements centralisés, certification nationale…) qui est associée aux inégalités scolaires et sociales les plus faibles. Il est donc crucial de créer une régulation nationale qui permette à la fois d’offrir plus de flexibilité et d’encadrer l’autonomie des établissements, de façon à ne pas créer un système à plusieurs vitesses ». Il faudrait donc veiller au bon équilibre entre Etat, collectivités locales et établissement. Si on ne le fait pas on risque d’accroître rapidement les inégalités. Résultat plusieurs pays européens qui avaient décentralisé sont en train de renforcer la place de l’Etat ( Angleterre, Hongrie par exemple).

Faut-il renforcer le rôle du chef d’établissement ? Le rapport préconise de lui donner un droit de regard sur l’embauche, de lui faire évaluer les enseignants et impulser les choix pédagogiques. On sent derrière ces recommandations le modèle du leader capable de faire marcher l’établissement par son propre rayonnement. Et le rapport évoque sans cesse « l’effet chef d’établissement ». Le problème c’est que celui-ci n’est pas démontré. Le succès des établissements privés est souvent associé au fait qu’ils disposent de chefs d’établissement qui ont des pouvoirs bien plus larges que leurs homologues du public. Or ce que montre la thèse récente de M. Hassani, c’est qu’ils se distinguent de leurs collègues par un niveau d’intervention dans la vie de l’établissement beaucoup plus bas. Pour M. Hassani, bien loin d’être les patrons omniprésents que l’on imagine parfois, ils appartiennent majoritairement au modèle « individuel laissez-faire » c’est à dire qu’ils interviennent pédagogiquement très peu dans leur établissement. Les travaux sur les chefs d’établissement (Anne Barrère par exemple) mettent aussi en évidence leurs résistances à endosser un costume de manager. Là aussi s’il faut sans doute mieux encadrer les enseignants, ce sera plus compliqué que le simple renforcement des pouvoirs du chef d’établissement.

Elargir la mission des enseignants est évidemment une nécessité. De fait la démocratisation du système éducatif l’impose. Il faut reconnaître le travail d’orientation, de conseil des élèves et des parents. Il faut aussi assurer du temps au fonctionnement des équipes si l’on veut qu’elles existent. Le rapport propose d’élever le service à 22 heures avec une rémunération supplémentaire payée en HSE. Il ne dit pas si les profs peuvent valablement empiler des heures…

Les autres aspects concernent la carrière. Le rapport défend l’idée d’élargir le recrutement social des profs, rejoignant ainsi une préoccupation que P .Perrenoud avait émise il y a déjà longtemps. Il propose aussi de modifier les concours de recrutement, voire de distinguer concours et affectation. Le libre choix du chef d’établissement est-il susceptible de hisser le niveau ? On ne le sait pas.

Le dernier point que nous relèverons ici semble tenir à cœur à M. Pochard. C’est l’annualisation. Au Sénat, Marcel Pochard a encore plaidé pour la souplesse qu’une telle mesure apporterait. Il estime que le travail en équipe n’est pas suffisamment pratiqué et qu’il y aurait tout à gagner à définir clairement un temps de présence supplémentaire de 2 à 5 heures, organisé dans l’établissement et rémunéré. Il a encore défendu l’idée de l’annualisation. Il est clair que cette mesure jetterait dans la rue des milliers de professeurs. L’annualisation aboutirait à les faire travailler gratuitement. Ce serait une belle mesure de gestion mais une belle erreur politique. Entre ces deux pôles, dans une atmosphère de revanche sociale, de quel coté penchera X. Darcos ? Comment mener une réforme sans avoir à distribuer ?

La Commission a manqué à se prononcer sur ce que pourrait être une Ecole plus performante si l’on donne à ce mot une définition plus large que le coût de fonctionnement. Elle prétend que l’Ecole aille mieux sans toucher à la pédagogie, à l’organisation du temps scolaire, au climat scolaire. La véritable efficacité humaine de l’Ecole est pourtant à chercher sur ces terrains là. Comment impulser une pédagogie positive dans les classes ? Comment instituer l’interdisciplinarité ? Comment façonner des équipes ? Finalement quel type d’école veut-on ?

La commission

http://www.education.gouv.fr/pid495/commission-sur-evolution-m[…]

Le rapport Pochard divise les syndicats

 » Bivalence, temps de service flexible pour les enseignants, horaires–élèves définis en partie localement, renforcement du poids d’un chef d’établissement autocrate chargé de distribuer blâmes et récompenses au gré de l’évaluation au mérite… tout y est. Tout, sauf la revalorisation des enseignants » estime le Snes qui voit dans le rapport Pochard « une vraie provocation ». Cette position est partagée par le Snuep, le Snep, l’Unsen Cgt, le SnFOlc, le Snetaa, Sud-Education ainsi que par le Snalc et le Sncl, classés à droite. Ces syndicats ont signé le 8 février déclaration estimant que la rapport « ne peut servir de base à une négociation ».

Ce n’est pas l’avis du Sgen Cfdt qui partage « l’idée de la commission Pochard de la nécessité pour une plus grande réussite des élèves de faire autrement et de faire évoluer le métier. Mais ces évolutions pour être acceptées par les personnels doivent s’accompagner de contre-parties et de garanties pour une part inscrites dans un statut rénové ». La Fep Cfdt,premier syndicat du privé, apporte des précisions. Elle « est prête à discuter des mesures permettant d’amener de la souplesse et une meilleure adaptation de l’enseignement aux besoins des élèves » mais relève deux points précis du rapport. « Si l’autonomie des établissements peut être source de progrès et de dynamisme pédagogique, ce ne saurait être la panacée. Le fonctionnement des établissements privés sous contrat, basé sur une certaine autonomie, ne donne pas pour autant la certitude que c’est la condition de la réussite des élèves ». Enfin la Fep est satisfaite que la commission ait repris une de ses demandes en vue d’autoriser les profs du privé sous contrat à enseigner dans un établissement public.

Communiqué Snes

http://www.snes.edu/snesactu/IMG/pdf/8_p_Rapp_Pochard.pdf

Communiqué Sgen

http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1580.html

Communiqué Fep

http://www.fep-cfdt.fr/actu/presse/pdf/CP7022008.pdf

Sur le Café : affronter ou adopter ?

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/02[…]

En perspectives… En Alsace des lettres de mission fixent des objectifs aux profs

« Dans le cadre d’une plus grande autonomie des établissements, de la recherche d’une meilleure adéquation poste/personne, d’une évaluation plus explicite des personnels, en concertation avec nos partenaires sociaux et sur la base du volontariat, l’académie prépare des lettres de mission destinées à un certain nombre d’enseignants. Quatre groupes sont visés à la rentrée 2007 : les professeurs principaux de 3ème, de 2de et de 1ère dont la lettre de mission, ne portant que sur cette fonction, sera préparée et signée par le chef d’établissement ; les enseignants recrutés sur un poste à profil dont la lettre de mission, préparée en concertation avec le chef d’établissement, l’inspecteur de la discipline et la DRH, sera signée par le recteur ; les enseignants intervenant dans les collèges relevant des réseaux Ambition réussite, dont la lettre de mission, à l’instar de celle des 23 professeurs référents, préparée en concertation avec le responsable du réseau, l’inspecteur référent et la DRH, sera signée par le recteur ; enfin, les néo-titulaires, dont la lettre de mission sera également signée par le recteur ». L’Alsace teste depuis la rentrée ces lettres de mission qui fixent pour chaque enseignant des objectifs à atteindre .

Dénoncées par Sud Education, selon l’AFP, ces lettres « introduisent des salaires au mérite et des possibilités d’avancement dans la carrière » affirme le syndicat.

De son coté, le Se-Unsa confirme l’existence d’un projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires. Il a été présenté au Conseil supérieur de la fonction publique le 18 mars. L’Unsa parle de « liquidation de la fonction publique ». La « réorientation professionnelle » prévue par le projet de loi permet la mise en disponibilité d’office des fonctionnaires excédentaires.

Communiqué rectorat

http://www.ac-strasbourg.fr/sections/lacademie/a_propo[…]

Dépêche AFP

http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_a[…]

Surle site Se –Unsa

http://www.se-unsa.org/page_cadres.php?id=39

Sur le Café, L’Expresso du 17

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/03/17032008Accueil.aspx

Entretien avec Marcel Pochard : Réformer, une nécessité pour faire réussir les élèves.

Annualisation, bivalence, élargissement des missions et du temps de présence, Marcel Pochard n’a éludé aucune question du Café. Il explique les propositions de la commission sur le métier d’enseignant. Avec conviction.

Le Livre vert suscite passion et réactions. Que pensez-vous de l’accueil que les enseignants lui ont fait ?

J’ai senti deux types de réaction. D’abord, du côté de certains syndicats, une sorte de rejet de principe, quasi épidermique, qui me stupéfie ; cela voudrait-il dire qu’il y a des sujets que l’on ne peut mettre sur la table et que l’on ne veut pas regarder en face ? Et puis, j’ai perçu chez de nombreux interlocuteurs un intérêt pour la mise à plat entreprise par la Commission. Vous savez, on a travaillé de façon très libre avec une volonté de dire ce qui est et de présenter objectivement les alternatives de solutions dans leur réalité.

Au Sénat, vous avez défini trois points particulièrement importants du rapport. En premier vous avez mis l’autonomie des établissements.

C’est au centre de gravité de beaucoup de préoccupations et susceptible de remédier à l’individualisme, à l’isolement des enseignants, à l’absence de marge de manoeuvre dans les établissements. On a pu laisser entendre que nous abordions la question sous l’angle institutionnel ; ce n’est pas le cas ; on est arrivé à cette question de façon très concrète : comment construire des communautés éducatives vivantes ?

Sur ce point il y a les bases d’une convergence avec les syndicats : comment créer une dynamique du collectif ? Et pour cela comment doit-on organiser les responsabilités, le travail en équipe.

Vous avez des modèles ?

A vrai dire, il y a peu de pays où il n’y ait pas des responsabilités accordées aux équipes pédagogiques, à l’échelon de l’établissement. Nulle part ailleurs on a un système où l’enseignant dans sa classe ne se situe que par rapport à des normes nationales, un programme et des obligations de service définis nationalement. Ça ressemble à la façon dont les révolutionnaires de 1789 concevaient la démocratie : un rapport direct entre les citoyens et la loi. Pas de corps intermédiaire. Il y a un peu de cela chez les enseignants. Dans cette optique, ce qui importe c’est la liberté complète de l’enseignant. Ce modèle là n’existe que chez nous sous cette forme aussi tranchée.

Mais peut on instituer de l’autonomie ?

On sait bien que cette notion constitue un thème difficile. Pour que l’autonomie se crée, il faut que les enseignants disposent de marges de manœuvre. Si les enseignants sentent qu’ils peuvent exercer une vraie responsabilité pour faire avancer les élèves, alors ils utiliseront cette autonomie.

Mais elle est où la marge de manoeuvre ?

Essentiellement dans le fait de donner plus de responsabilités à l’équipe dans l’organisation pédagogique ou celle du travail des enseignants. Par exemple en dégageant un volume d’heures qui soit à disposition pour de l’approfondissement, de l’accompagnement…

N’est-ce pas en contradiction avec l’idée, que l’on trouve également dans le rapport, d’avoir une gestion plus proche des enseignants ?

La gestion de proximité n’a pas pour objet d’encadrer les enseignants, mais de leur permettre un accompagnement, et un suivi professionnel.

J’ai été frappé par un enseignant qui écrivait « l’administration mène sa vie de son coté et nous du nôtre ». On voit bien que les enseignants souhaitent, à certains moments, avoir des contacts avec l’administration, pour faire le point de leurs perspectives de carrière. Il y a beaucoup de générosité chez eux.

Mais on a l’impression que ces cadres intermédiaires pour vous ce sont les chefs d’établissement. Vous pensez qu’ils peuvent se transformer en managers gérant l’autonomie ?

Comme l’a expliqué Michel Rocard : « si on attend que toutes les conditions soient remplies pour faire passer une réforme, on risque de ne jamais la faire ». On voit bien qu’il y a des réserves devant l’idée de renforcement du rôle des chefs d’établissement et qu’eux-mêmes ont des interrogations. Souvent ils ne souhaitent pas que leur rôle change. Et cela se comprend. L’institution éducation nationale vit en vase clos. Les chefs d’établissement partagent souvent les mêmes craintes que les enseignants et donc les mêmes réticences.

Quand on lit le rapport on a l’impression que sur ce point le modèle de référence c’est l’enseignement privé. C’est le cas ?

C’est en premier lieu l’enseignement agricole. Il fonctionne selon des modalités remarquables. Il a des missions qui ne sont pas seulement d’enseignement, il mélange les publics, il est enraciné en contact avec les professions. Il y a des tas d’ingrédients qui lui donnent une certaine dynamique. Les entretiens d’évaluation que les enseignants ont avec leur chef d’établissement ne posent pas de difficultés.

Un autre point du rapport concerne l’allongement du temps de présence des enseignants dans les établissements. Vous croyez que cela va être facile à négocier ?

Les syndicats demandaient qu’on libère trois heures d’enseignement pour la concertation, le travail en équipe, les relations avec les parents, mais sans encadrement. Ça je n’y crois pas. Il faut un minimum d’organisation de ces activités : une des options est de prévoir un temps de présence dans l’établissement. Presque partout en Europe, ça marche comme cela.

Pour nous, au Café, l’annualisation semble la question qui peut susciter le plus de résistance. C’est votre avis ?

Ce n’est pas la plus facile. Mais on voit bien que le découpage hebdomadaire est source de rigidités et si on veut de la souplesse pédagogique, il faut aborder autrement les obligations des enseignants. L’objectif consiste à ce que les communautés éducatives puissent s’organiser sans avoir l’œil rivé sur les 18 heures. Et après tout, les enseignants déclarent tous qu’ils font beaucoup d’heures, et il ne s’agit pas d’accroître le temps d’enseignement, mais de l’organiser autrement. Ce qu’on veut d’abord, c’est que le sujet soit débattu vraiment. Ce qui est surprenant c’est le refus de débattre.

Il en est de même pour la question de la bivalence. Didactiquement, c’est quand même plus logique de faire découvrir aux élèves de façon globale sciences et vie de la terre, physique et technologie qu’isolement. Les élèves pénètrent mieux le sujet.

Encore faudrait-il que les enseignants se sentent capables de le faire. Ils ont reçu une formation strictement disciplinaire…

C’est frappant que les enseignants soient regardés comme aptes à traiter de toutes les matières jusqu’à 11 ans, et qu’après 11 ans ils ne le soient plus. Le projet Langevin Wallon envisageait cette bivalence « en fonction des besoins des enfants » de 11 à 15 ans.

La formation disciplinaire des enseignants devra évoluer. Sans brutalité mais il faut bien ouvrir ces opportunités. Les profs de LP le font déjà. On est le seul pays arc bouté sur la monovalence. Le seul…

Autonomie des établissements, annualisation, élargissement de la mission des enseignants : c’est une rupture avec la tradition française et un alignement sur les systèmes scolaires des pays protestants (anglo-saxons, Europe du nord). La France peut-elle passer ainsi d’un modèle à un autre, de Durkheim à Dewey ?

Rupture, alignement, modèle ; pourquoi cette volonté de théoriser. Restons pragmatiques. Le seul « juge de paix » de la Commission a été ce qui est bon pour les élèves. Et il y a bien longtemps qu’en France on a mis en évidence le mal de l’individualisme, la rigidité des emplois du temps, l’insuffisance de coordination. Il s’agit de se donner les moyens d’y remédier. Rendre autonomes et responsabiliser les équipes éducatives, assouplir les règles d’organisation des emplois du temps, impulser une dynamique du travail en équipe, cela n’est ni du Nord, ni du Sud, ni anglo-saxon, ni latin ; c’est une nécessité pour faire réussir les élèves.

Entretien avec Christian Maroy : « une bonne partie des enseignants sont prêts a changer mais pas à n’importe quelle condition »

Avec le regard du sociologue, Christian Maroy suit depuis des années l’évolution du métier et de la condition enseignante. Il situe les travaux de la Commission Pochard entre une demande générale dans les pays développés et la réalité d’un métier complexe et difficile à manager.

Peut-on réformer le métier d’enseignant ?

C’est une vaste question ! Il faut distinguer ce qu’on entend par métier : le métier prescrit ou le travail réel ? Ce n’est pas la même chose. Si je prends la question du travail prescrit, il y a une évolution générale de la manière dont on définit les taches des enseignants en Europe. La tendance est nette : aller vers l’annualisation; redéfinir le temps de travail. Il n’y a plus que 3 ou 4 pays où il n’est défini que par des heures de cours. Beaucoup de pays cherchent à organiser le temps de travail de façon plus large. Depuis l’Angleterre qui va dire c’est un temps disponible pour le chef d’établissement, jusqu’à des formules d’annualisation. On y fait entrer alors du temps de concertation, de la formation. De nombreux pays prescrivent des heures de concertation. C’est le cas en Belgique au primaire par exemple. D’autres pays incluent la formation continue obligatoire. Donc partout le travail prescrit change. Mais ça ne suffit pas à faire changer les pratiques réelles.

Pourtant, par exemple, instituer des temps de concertation ça semble simple. Est-ce vraiment le cas ?

Non. On attend que les gens développent un travail collectif. .Or il faudrait que ce travail soit bénéfique. On peut décréter la concertation mais elle ne sera bénéfique que si les enseignants se l’approprient. Anne Barrère a montré par exemple qu’en France les profs s’investissent sur des sujets qui les concerne : la classe par exemple. Quand la concertation porte sur des points qui ne leur semblent pas importants, par exemple une information sur la présentation à la mairie de projets de l’école, ça ne marche pas. Si on veut vraiment améliorer le travail éducatif il ne suffit pas de changer les formes prescrites. Il faut créer les conditions pour que les enseignants s’y investissent.

Sur ce point on voit bien que l’on compte sur l’action des chefs d’établissement pour entraîner les enseignants.

Comment expliquez-vous le blocage sur l’annualisation ?

Dans plusieurs pays il y a une forme de méfiance envers l’institution. C’est le cas aussi bien en France qu’en Belgique ou au Québec. C’est plus fort en France parce que le système est centralisé et les enseignants n’ont pas l’habitude d’avoir un chef d’établissement qui a prise sur eux. Souvent ces réformes ne sont pas portées par les enseignants eux-mêmes mais voulues par le gouvernement. Aussi, en général il y a le sentiment chez les enseignants que les réformes sont toujours un recadrage de leurs pratiques. L’enseignant voit cela comme une diminution de sa marge d’autonomie.

Un des points débattus concerne l’élargissement du métier. C’est là aussi un problème strictement français ?

Il y a certes une spécificité française car l’identité disciplinaire (au second degré), une conception du métier fortement centré sur les savoirs , sur la dimension académique semblent plus prononcés en France qu’ailleurs où la dimension relationnelle du métier et les finalités proprement éducatives peuvent être davantage mises de l’avant. Mais, plus généralement, il y a deux facteurs qui expliquent les résistances. D’abord souvent les taches données en plus ne sont pas toujours compensées. Je m’empresse d’ajouter que ce n’est pas le cas je crois dans le rapport Pochard. Surtout, les activités supplémentaires qui leur sont demandées (participation à des tâches de gestion, de concertation, de remédiation, de formation…) se développent alors que par ailleurs, le travail avec les élèves dans les classes tend à se complexifier pour multiples raisons, notamment mais pas seulement dans les contextes d’enseignement « difficile ». Bref il y a une tendance à l’intensification du travail des enseignants. Dans ce contexte, ce qui n’est pas directement lié au travail en classe, paraît toujours être des activités de « second ordre », qui nuit à leur implication dans le « cœur » de leur métier. Si une formation continue n’est pas directement utile ou utilisable dans les cours, elle tend à être considéré comme du temps perdu. Si une réunion n’est pas perçue comme utile, directement ou indirectement, par rapport à la facilitation du travail avec les élèves, elle tendra à être vue comme une activité secondaire. Par ailleurs, pour ce qui concerne la remédiation avec les élèves en difficulté, le problème peut aussi relever de la formation des enseignants.

Quand on rencontre des gens du privé, qui ne sont pas dans l’univers éducatif, souvent ils ne comprennent pas que le ministre ne puisse changer les choses par autorité. C’est une spécificité des enseignants ou c’est une crise de l’autorité plus globale ?

Je crois que ça montre surtout une méconnaissance du travail des enseignants. Il y a une forme d’image négative véhiculée sur les enseignants. On dit qu’ils investissent peu dans leur travail et plus sur le hors travail. Cette image négative les pousse à se durcir face aux réformes. Or les études montrent que la plupart des enseignants s’investissent dans leur métier par rapport à son contenu du travail (goût pour leur discipline, le goût d’enseigner et du contact avec les élèves par exemple), bien davantage que pour le salaire ou les conditions d’emploi.

Si les enseignants ont une relative autonomie c’est bien parce que le métier est complexe, les élèves divers. En fait on aurait du mal à leur prescrire en détail ce qu’ils doivent faire. Et puis l’organisation même des écoles fait que tout est déjà organisé. La classe est un module de base qu’il est difficile de changer. De ce fait, quand on parle de travail collectif, c’est toujours à la marge. Ca suppose un investissement important pour des taches toujours marginales. Ca ne joue pas sur ce que chaque prof va faire. Par rapport aux représentations du travail qu’on peut avoir dans l’industrie c’est très différent. Le contenu du travail des enseignants est difficilement, modifiable. Il est difficile de dire a un enseignant ce qu’il doit faire pour devenir plus efficace. On peut le former, l’accompagner mais ce qui compte au final c’est ce qui se passe dans la classe et particulièrement le relationnel avec les élèves. Et ça ce n’est pas totalement programmable. Du coup les commentaires des milieux économiques reposent souvent sur une vision assez naïve et réductrice de la complexité du métier d’enseignant.

En fait, une bonne partie des enseignants sont prêts a changer mais pas à n’importe quelle condition. Quand on leur envoie dans la figure cette injonction négative on ne crée pas les conditions du changement.

Certaines études montrent que les enseignants sont prêts à accepter des managers (M. Hassani). D’autres, comme une étude belge récente, montrent que quand on tente de les faire travailler ensemble ça pose des questions relationnelles. Il y a aussi des réactions nationales : en France, quand on réunit les profs c’est tout de suite l’idéologie qui est mise en avant. Au final, le métier est-il un métier d’isolé ?

Oui dans une certaine mesure car comme je l’ai dit, il est fortement structuré par la forme scolaire, la structure modulaire des classes, qui fait que chacun se retrouve finalement devant une classe et que rares sont les expériences où les enseignants peuvent dépasser cette donne de base. Mais cela ne signifie pas que tous les enseignants soient, par une sorte d’atavisme professionnel, rebelles à tout changement et à tout travail d’équipe. Ce qui pose problème ce sont les modalités et le sens du travail d’équipe. Dans quel but se fait-il ? Porte-t-il sur ce qui est au cœur du métier ? Par ailleurs, des difficultés organisationnelles (trouver les plages de temps disponibles, de bonnes conditions matérielles) se surajoutent parfois. A cet égard, l’assouplissement de la définition des conditions de service peut être une condition favorable au développement d’un travail plus concerté, mais cela dépendra surtout d’une dynamique collective dans l’établissement et de l’équipe de direction, de sa légitimité auprès des enseignants, du temps qu’elle peut consacrer à l’animation pédagogique dans l’établissement.. . A cet égard, en France la durée d’exercice des chefs d’établissement dans un établissement est trop courte. Il faut du temps pour construire un projet, des réalisations avec les enseignants. Le problème n’est pas uniquement du coté des enseignants.

Christian Maroy , Professeur de sociologie à Université catholique de Louvain, Directeur du Girsef

En perspectives… Comment sortir l’Ecole de l’inefficacité ? demande B. Suchaut

« L’ensemble de ces remarques conduit à s’interroger sur le fonctionnement actuel de l’école primaire française et ses modalités de gestion pédagogique, d’évaluation et de pilotage ». Bruno Suchaut (Iredu) a calculé l’évolution de l’efficacité du système éducatif français depuis les années 1970, en s’appuyant sur les résultats de l’enquête internationale Pirls.

« L’examen de la qualité des apprentissages des élèves français dans une perspective comparative ne permet pas de conclure à une amélioration du niveau global des élèves de l’école primaire française. La position de notre pays dans le contexte international s’est même plutôt dégradée au cours de ces quinze dernières années dans le domaine de la langue écrite. Quand on met en relation ce niveau d’acquisition avec les ressources allouées, on observe là encore une situation peu favorable de la France dans le contexte international. Cela se traduit par une faible efficience, à la fois qualitative et quantitative ».

Pour B. Suchaut, ces résultas montrent que l’Ecole n’arrive pas à  » transformer efficacement les ressources en résultats ». Le système éducatif  » parvient difficilement à mettre en place les réformes portant sur les activités d’enseignement et les pratiques pédagogiques au sein des écoles. Or, ce sont bien ces pratiques qui influencent directement les apprentissages des élèves ». La solution n’est donc pas dans le retour en arrière mais dans une meilleure gestion.

Etude

http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00204597/fr/

Le dossier Pisa Pirls du Café

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2007/[…]

Le métier vu par les enseignants du privé : enthousiastes mais inquiets

« Dans leur très grande majorité, les collègues aiment leur métier, travaillent en équipe, “se défoncent” souvent pour aider les jeunes à réussir scolairement et humainement. Mais ils souffrent de ne pas être reconnus à la hauteur de leur investissement, ils regrettent l’absence d’un véritable pilotage du système éducatif, pilotage sans lequel il n’y a ni sens ni permanence ». L’enquête réalisée par la Fep-Cfdt auprès d’environ 5 000 professeurs du privé sous contrat apportent des éclairages qui dépassent probablement l’enseignement privé.

D’abord sur l’engagement des enseignants : 29% trouvent leur métier passionnant, 55% intéressant, des taux qui montent à 51 et 43% chez les plus jeunes. Les profs du privé se reconnaissent plutôt dans l’image de l’éducateur : dans l’ordre le métier c’est « apprendre à apprendre » (56%), « éduquer » (50%) puis « transmettre des savoirs » (44%).

Ils se sentent peu soutenus pour 40% d’entre eux. Seuls 4 enseignants sur 10 considèrent,par exemple, que leur dernière inspection leur a apporté de vrais conseils pédagogiques. Enfin surgit la peur de l’avenir :44% demandent une possibilité de reconversion en fin de carrière. On sait qu’au Café, avec la rubrique Carrière, on veille à y aider.

Fep Cfdt

http://www.fep-cfdt.fr/

Sur le Café la rubrique Carrière

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme[…]

Sur le site du Café