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Par François Jarraud

Au terme d’un combat qui a paralysé les universités pendant la moitié de l’année, le projet gouvernemental est finalement passé avec quelques aménagements. Les nouveaux enseignants auront une bonne formation universitaire avec un master. Mais quelle sera leur formation professionnelle ? A qui seront-ils capables d’enseigner ?

Former les enseignants : un dossier spécial du Café

Les analyses et les reportages pour suivre la réflexion sur ce dossier.

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/format[…]

Les décrets sont parus

Luc Chatel n’aura attendu que quelques jours après la remise des rapports Marois Filâtre pour publier les décrets sur la formation des enseignants le 29 juillet 2009. Ceux-ci instaurent les épreuves d’admissibilité en seconde année.

Les décrets fixent des conditions différentes pour se présenter au concours entre les agrégés et les autres enseignants. Ainsi pour les agrégés, « peuvent se présenter au concours externe les candidats justifiant de la détention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation. ». Pour les autres catégories d’enseignants, peuvent aussi se présenter « les candidats justifiant, à la date de clôture des registres d’inscription, qu’ils sont inscrits en dernière année d’études en vue de l’obtention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation ». Mais dans les deux cas, le ministre a tranché sur la date du concours : il aura lieu en seconde année. Sur ce point, entre le recteur Marois et le professeur Filatre, le ministre suit le recteur.

Des dispositions particulières sont prises pour 2010, année où peuvent aussi se présenter « les candidats présents aux épreuves d’admissibilité des concours externes organisés en 2009 ; ces candidats doivent remplir les conditions d’inscription en vigueur lors de la session 2009 pour le concours auquel ils postulent ; les candidats qui n’ont pu se présenter aux épreuves d’admissibilité des concours externes organisés en 2009, du fait que la section ou l’option au titre de laquelle ils s’étaient présentés aux épreuves d’admissibilité lors de la session 2008 n’a pas été ouverte en 2009 ».

L’année de stage n’est pas définie de façon identique entre premier et second degré. « Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d’une formation dispensée, dans le cadre des orientations définies par l’Etat, sous la forme d’actions organisées à l’université, d’un tutorat, ainsi que le cas échéant d’autres types d’actions d’accompagnement » précisent les décrets concernant les enseignants du secondaire. Ces derniers types d’actions disparaissent au primaire.

CPE

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Agrégation

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Certifiés

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Peps

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PE

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PLP

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Masterisation : quelle articulation master/concours de recrutement ?

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Et le Dossier formation du Café

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Les réactions à la publication des décrets

Luc Chatel est-il vraiment un homme de dialogue, se demandent les syndicats après la publication des décrets sur la formation des enseignants.

« Cette décision prise en urgence pendant la période des congés, alors que l’ensemble des organisations syndicales avaient demandé le rapport de leur publication, anticipe sur des points importants de la réforme, comme la place du concours et l’avenir des IUFM. Les annonces ministérielles sur la volonté d’un véritable dialogue social resteront-elles un vain mot ? » interroge le Snuipp. Il demande la suspension des décrets.

Pour le Sgen Cfdt,  » Le rapport Filâtre, remis le 17 juillet dernier, argumentait qu’un concours pendant la deuxième année de master était la pire des solutions pour permettre la mise en place d’une véritable formation professionnelle et universitaire. Pour rester en cohérence avec ses déclarations invitant au dialogue, le ministre de l’Éducation nationale ne devait pas publier les décrets tels qu’ils avaient été adoptés au CTPM du 28 mai 2009. Il n’en n’a rien été ».

L’Unsa éducation parle également de « publication précipitée » et estime que « les promesses ministérielles de dialogue sont restées un vain mot ».

Les aides pour les futurs enseignants

Annoncée dans L’Expresso du 18 juin, une circulaire publiée au B.O. du 9 juillet précise les conditions d’aide aux étudiants préparant le métier d’enseignant. Le dispositif est proposé aux seuls étudiants de M2 préparant un concours d’enseignant. Il s’agit d’un complément versé aux étudiants boursiers,de façon à atteindre 2500 euros par an, ou d’une aide versée au mérite aux étudiants dont « la réussite en M1 a été excellente » dans la limite de 12 000 personnes avec un montant maximum de 2 500 euros. La répartition des 12 000 bouses a soulevé une polémique. Elle ne semble pas vraiment tenir compte des inégalités territoriales. Ainsi si Paris a droit à 1079 boursiers, des académies peu favorisées en ont beaucoup moins comme Créteil (513) ou les Antilles (Martinique 158 par exemple). Pour Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM de Créteil, « une telle répartition est scandaleuse et tourne le dos à une démocratisation de l’accès à l’enseignement ».

Au B.O.

http://www.education.gouv.fr/cid28758/esrf0914309c.html

Aides aux futurs enseignants : une répartition scandaleuse ?

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Formation des enseignants de maternelle : le cahier des charges est presque prêt

Présenté le 16 avril aux syndicats dans une version très avancée, le « cahier des charges pour une formation des enseignants des écoles maternelles », que le Café s’est procuré, définit des compétences spécifiques à ce niveau d’enseignement. Réalisé par un groupe d’experts qui associe la Dgesco, l’Ageem (Association des enseignants de maternelle) et l’Inspection générale, il s’appuie sur le référentiel de compétences de 2006 et les programmes de 2008.

Il exige des enseignants une formation pédagogique poussée : connaissance des mécanismes d’apprentissage du langage par exemple, des phases du développement psychologique et physiologique de l’enfant jusqu’à 6 ans, capacité à différencier son enseignement pour prendre en compte des enfants avançant à des rythmes différents, et à repérer les troubles du langage ou encore capacité à travailler en équipe.

Un grand retour en arrière : l’analyse de Jean-Louis Auduc

Alors que le ministère a publié les décrets sur la masterisation, Jean-Louis Auduc, directeur adjoint d’IUFM, les décrypte. Comment seront recrutés les candidats à l’enseignement ? Que nous disent les décrets concernant l’année de stage ? Ces décrets présentent-ils donc une modernisation, un progrès de la formation ? Alors que les discussions se poursuivent, une certitude, « les dés sont pipés ».

La publication le 29 juillet 2009 des décrets concernant les conditions de recrutement des enseignants tranche le débat concernant la place du concours de recrutement.

En indiquant dans le texte des décrets que pourront au minimum se présenter au concours externe « Les candidats justifiant, à la date de clôture des registres d’inscription, qu’ils sont inscrits en dernière année d’études en vue de l’obtention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation. », les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur choisissent de placer le concours en 2e année de Master.

Ce positionnement du concours en deuxième année de Master risque de déboucher sur des situations inquiétantes.

Le rapport du recteur Marois s’inspirant de la rédaction des projets de décret désormais publiés avait à la mi-juillet proposé que les concours de recrutement des enseignants aient lieu « fin septembre-début octobre ». Il semble bien que cette solution va être retenue.

Cette proposition apparait d’autant plus aberrante dans un cursus de master que le rapport Marois n’hésite pas à écrire « qu’il est possible d’organiser une période intense de préparation du concours au mois de septembre » !!! et propose que le démarrage effectif du M2 « métiers de l’enseignement » et de fait des autres parcours liés n’ait lieu qu’au début novembre après les résultats de l’admissibilité puis qu’il indique l’existence « d’une période charnière, début novembre, qui permet à l’étudiant de M 2 de clarifier ses choix après connaissance des résultats de l’admissibilité.(…)° Après connaissance des résultats de l’admissibilité, possibilité est donnée aux étudiants de modifier leur choix »

Préparer un concours de recrutement sélectif en trois semaines après deux à trois mois d’interruption, n’est pas très sérieux.

Reculer le démarrage du Master2 a début novembre, non plus….

Gageons que si cette solution est retenue, les préparations commerciales privées sableront le champagne promptes à organiser des cours d’été payants accessibles à ceux qui en auront les moyens et qui n’utilisent pas leurs congés pour travailler afin de pouvoir se payer leur année de formation.

Le rapport Filatre avait pourtant mis en garde contre les dangers d’un tel positionnement du concours. : « Si cette solution est réalisable techniquement, elle implique un ensemble de conséquences quasi absurdes pour le M2 tout en semblant préserver l’année de M1. »

Le rapport des différents représentants des instances universitaires n’a visiblement pas été écouté alors qu’il avait très clairement pointé les inconséquences d’une telle place du concours en début de M2. :

« • Cette solution retarde significativement le démarrage de la seconde année de master. (…)

De plus, et compte tenu de la durée de correction des épreuves, elle transforme la première moitié du S3 en une situation d’attente superflue. Les corrections prenant au moins six semaines, cela porte la date de publication des résultats fin octobre ou début novembre dans le meilleur des cas. Il s’ensuit une incertitude forte pour les étudiants inscrits car l’attente des résultats d’admissibilité les place dans une situation peu propice à des apprentissages et des acquisitions de compétences de qualité.

• Elle induit un renforcement du bachotage durant l’été, ce qui pénalise certains étudiants et fragilise l’ouverture sociale des concours.

• Elle rend impossibles des réorientations en cours de semestre ce qui pose problème à tout étudiant inscrit en seconde année de master et « non admissible».

• • Elle rend le lien entre formation et recherche difficile à assumer en M2 .

• Elle retarde l’organisation des stages par rapport au calendrier scolaire. »

Un recrutement à Bac+4

Avec ses décrets, le niveau minimum pour se présenter à un concours de recrutement d’enseignants est donc fixé à Bac+4.

Le master ne sera exigible qu’à la rentrée suivant la réussite au concours, ce qui peut sans doute permettre à des candidats reçus au concours de travailler pendant l’été pour obtenir les « crédits » manquants.

En tout état de cause le texte prévoit que les reçus aux concours qui n’auraient pas le master auront un an pour l’obtenir puisqu’ils gardent le bénéfice de l’obtention du concours pendant une année scolaire supplémentaire.

Des précisions sur l’année de stage différenciées premier et second degré

Si les décrets sont muets sur la place des IUFM et formateurs de terrain, quelques précisions sont apportées sur la formation pendant l’année de stage qui suivra l’obtention du concours.

La répartition entre exercice du métier et formation n’est malheureusement précisée et risque d’être conforme aux prévisions, c’est-à-dire autour d’une journée de décharge par semaine pour le premier degré et six heures de décharge pour le second degré.

Que nous disent les décrets concernant l’année de stage ?

Pour le premier degré : « Les professeurs stagiaires accomplissent un stage d’un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d’une formation dispensée, dans le cadre des orientations définies par l’Etat, sous la forme d’actions organisées à l’université et d’un accompagnement. »

Pour le second degré : « Le stage a une durée d’un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d’une formation dispensée, dans le cadre des orientations définies par l’Etat, sous la forme d’actions organisées à l’université, d’un tutorat, ainsi que le cas échéant d’autres types d’actions d’accompagnement. »

On ne peut que s’interroger sur la différence de rédaction entre les degrés qui fait apparaître pour le second degré ( certifiés, PLP) « le tutorat et d’autres types d’actions d’accompagnement ».

Cela veut-il dire que le ministère, certain pour le second degré que les stages en établissement pendant le cursus de master seront insignifiants compte tenu des épreuves du concours, prend la précaution de prévoir une aide renforcée pendant l’année de stage ?

On peut aussi remarquer que la formation sera « organisée à l’université » et non pas « par l’université », ce qui est significatif du pilotage effectif de celle-ci par les corps d’inspection.

Un éloignement des formations premier et second degré

Il faut également remarquer qu’au-delà des formulations, les décrets marquent une volonté de rupture entre le premier et le second degré.

Les IUFM sont actuellement organisés à l’échelon académique aussi bien pour le premier que le second degré, ce qui peut permettre de faciliter les formations communes entre les enseignants de différents niveaux.

Les décrets prévoient dorénavant :

Pour le premier degré : « A l’issue du stage, les professeurs des écoles stagiaires sont titularisés par l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale du département dans le ressort duquel le stage est accompli »

Pour le second degré : « – A l’issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l’académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli »

Ainsi donc, si l’organisation de l’année de stage et de la titularisation reste académique pour les certifiés et PLP, elle est départementalisée pour les professeurs des écoles.

Quand on connait le poids des structures dans l’éducation nationale, on ne peut qu’être inquiet à l’ère du socle commun de connaissances et de compétences sur des possibilités effectives de formation commune CM2/6e.

Ces décrets présent-ils donc une modernisation, un progrès de la formation ?

On a plutôt l’impression d’un grand retour en arrière avec des sous-produits : Ersatz de master qui , compte tenu de la place des concours, ne pourra pas articuler de manière satisfaisante initiation à la recherche, maîtrise disciplinaire, exercice professionnel et approches pédagogiques ; ersatz des anciens Centre Pédagogiques régionaux (CPR) sous l’égide des corps d’inspection pour le second degré ; ersatz des anciennes écoles normales pilotées par l’Inspecteur d’académie pour le premier degré.

Jean-Louis AUDUC

Les rapports Filâtre Marois remis aux ministres

Publié à la mi-juillet 2009, le rapport Marois-Filâtre devait trouver le compromis entre le projet ministériel, les formateurs et les universités. Au bout du compte, il n’y a pas même de compromis entre D Filâtre et W Marois mais deux textes dont les décrets se sont inspirés.

Vendredi 17 juillet, D. Filâtre et W. Marois ont remis à Luc Chatel et Valérie Pécresse leurs deux rapports sur la réforme de la formation des enseignants. Ils font des propositions sur le référentiel de compétences et l’organisation du concours. En effet, après le départ de la CPU, la Commission nationale de concertation de la formation des enseignants s’est divisée en deux groupes.

Le groupe animé par W Marois, propose de « donner une existence propre  » au référentiel de compétences professionnelles des maîtres et invite à compléter le texte avec de nouvelles compétences : l’évaluation par compétences, le travail en équipe entre enseignants, la maîtrise des TICE par exemple. Le groupe cherche l’équilibre entre le « haut niveau scientifique reconnu dans une discipline » et la formation professionnelle. Il pense l’avoir trouvé en créant un « cœur de master » disciplinaire qui dominerait l’ année de M1 à 60-70% et des crédits de préprofessionnalisation (30-40%). En M2 ces proportions s’inverseraient. Le groupe propose que le concours ait lieu en début d’année de M2 (octobre), voire que les concours du premier et second degré soient bien espacés. Il demande que la formation des enseignants soit « sous la responsabilité des autorités académiques » et non des universitaires.

Le rapport Filâtre affirme poursuivre trois objectifs :améliorer la formation professionnelle des enseignants, tout en élevant les exigences scientifiques et en revalorisant le métier. Il propose que le concours ait lieu soit en fin de M1, soit en fin de M2 et explique pourquoi tout autre choix serait négatif. « L’hypothèse 1 (admissibilité en fin de M1) est certainement le compromis le plus apte à concilier l’organisation de la formation sur deux ans et la gestion des flux étudiants. Elle se révèle la plus propice pour traiter le problème de la formation et du recrutement des professeurs des écoles. L’hypothèse 3 (admissibilité et admission en fin de M2) est la solution qui permet la meilleure mise en oeuvre du modèle de formation intégré. Sa réussite implique de penser finement l’articulation entre concours et master. Cette hypothèse pose cependant la question de la gestion des flux ».

Le rapport demande un référentiel national pour les concours et envisage une épreuve de construction de séquence d’enseignement, une épreuve sur dossier, un stage industriel (« indispensable »). Mais il souhaite des formations différentes selon les concours. « Il est indispensable d’introduire une différenciation entre les candidats se préparant au professorat des écoles qui sont issus de cultures disciplinaires et de pratiques scientifiques différentes et les candidats au professorat des collèges et des lycées aux profils plus homogènes dans chaque grand champ disciplinaire. Enfin, le métier visé au-delà de la formation et du concours s’exerce dans des environnements sociaux et professionnels différents, soumis à des contraintes spécifiques. Il est donc indispensable d’aborder formation et concours de façon différenciée et adaptée à ces particularités. On peut ainsi dessiner cinq grands modèles de master et d’articulation master – concours » : PE, PLC, PLC sciences et techniques, PLP, agrégés. Certains PLP seraient même recrutés par la VAE.

On a donc des visions parfois éloignées de la future formation des maîtres. Les ministres ont promis que ces propositions « seront prises en compte par les groupes de proposition qui seront installés dès la rentrée ». Le dossier semble donc encore ouvert.

Le rapport Filatre

http://www.cpu.fr/uploads/tx_publications/MasterisationR[…]

Le rapport Marois

http://www.sauvonsluniversite.com/IMG/pdf/Rapport-groupe-[…]

Analyse : Une révolution conservatrice – Jean Houssaye

Professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Rouen et responsable du laboratoire CIVIIC, Jean Houssaye explique pourquoi la réforme de la formation des enseignants n’est pas seulement anti-pédagogique. C’est surtout une impasse.

1 – La réforme en cours de la formation des enseignants, qui doit commencer à entrer en vigueur en 2009, est bien une révolution, au moins sur deux points. Le premier réside dans l’incorporation de la formation des enseignants à l’université. Jusqu’ici les enseignants étaient formés à côté de l’université, dans les écoles normales (EN) et les centres pédagogiques régionaux (CPR) d’abord, dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ensuite. Désormais ils le seront au sein même de l’université. Le second tient au niveau du recrutement. Il faudra maintenant un master (et non plus une licence), soit une formation de cinq ans après le baccalauréat, pour être intégré comme enseignant. On ne pourra pas aller plus loin. C’est une révolution.

2 – Cette révolution se fait au prix de quatre dissolutions. L’IUFM était une structure fédératrice qui réunissait, sur deux ans, l’ensemble des préparations aux concours et des formations professionnelles des enseignants. La formation des enseignants va maintenant être balkanisée selon l’organisation des départements universitaires. Il restera, au mieux, à l’IUFM, à retrouver la surface des écoles normales. Dissoute, la structure fédératrice visait (sans y parvenir) à se fonder sur un dispositif de formation qui tentait d’entrer dans une logique de compétences, soit dans une logique qui mettait les connaissances au service des capacités professionnelles. Maintenant l’habillage des compétences reste, mais elle est dissoute dans la logique des connaissances. De plus, auparavant, dans le processus de formation, la pratique était reconnue comme évaluatrice et comme formatrice de la capacité d’enseigner (c’était la deuxième année à l’IUFM). Elle disparaît au profit de la seule logique des savoirs. Enfin le nouveau dispositif réduit de manière dramatique la possibilité d’organiser une formation continue des enseignants.

3 – Si cette révolution passe bien par l’affirmation de la logique des savoirs, en même temps elle signe la prédominance des savoirs scolaires sur les savoirs universitaires dans la formation des enseignants. A première vue, l’université balkanisée s’affirme institutionnellement dans la formation des enseignants, mais c’est sans compter sur le fait que, désormais, dans les masters eux-mêmes, ce sont les savoirs des concours, donc les savoirs du premier et du second degrés, qui vont servir à délivrer les diplômes du supérieur. Quant au concours en tant que tel, il tourne autour de trois types de savoirs : la connaissance des programmes du premier ou du second degré, l’adaptation théorique d’un savoir à une classe à travers une leçon modèle, la connaissance de l’institution scolaire. De la maîtrise de ces savoirs dépend le droit d’enseigner.

4 – Cette révolution signe enfin un refus, celui de la pédagogie ; c’est en ce sens qu’elle est conservatrice. On sera déclaré capable d’enseigner et mis en demeure de le faire quand on aura fait la preuve qu’on maîtrise les programmes du primaire ou du secondaire, qu’on sait théoriquement les adapter à un niveau de classe et qu’on connaît les règles de l’institution scolaire. On est alors prêt à faire la classe… Faire la preuve des savoirs tient lieu de mise à l’épreuve dans la classe. Nous sommes là dans une logique d’enseignement qui omet la logique de l’apprentissage, celle des élèves et celle des enseignants. Et on ne peut croire que le master enseignement qui sera délivré aux futurs enseignants les rendra « professionnels ». En matière de professionnalisation, il ne sera qu’une couverture : les stages sont réduits, juxtaposés et centrés sur une observation modélisante ; les concours sont prédominants ; l’ouverture sur la recherche est limitée. Il n’y a donc pas de formation pédagogique des enseignants, car la formation pédagogique, en tant que formation à un savoir faire et à un savoir être, suppose que le formé puisse construire son savoir faire et son savoir être à partir de sa propre expérience en s’appuyant sur des savoirs théoriques et pratiques mobilisables et adaptés. Nous aurons donc des enseignants diplômés et lauréats de concours à qui il restera à apprendre à faire la classe, une fois qu’ils y seront.

L’université, qui hérite donc pleinement de la formation des enseignants, va se trouver dans une impasse. Elle va préparer aux concours et diplômer les enseignants, mais elle sera rapidement accusée de ne pas réellement former les enseignants à leur métier. Ceci, c’est pour ceux qui seront reçus aux concours. Pour ceux qui vont échouer, et ils seront nombreux, elle va les diplômer d’un master enseignement, étrange lot de consolation pour des diplômés qui justement ne pourront pas enseigner. Quant à ré-orienter ces reçus-collés, on voit la gageure : obtenir un nouveau diplôme alors qu’on a déjà un bac + 5. La révolution conservatrice de la formation des enseignants est grosse de bien des impasses…

Jean Houssaye

Sciences de l’éducation

Université de Rouen

Dernières publications :

Femmes Pédagogues T.1 ; De L’antiquite Au Xx Siecle, Fabert, 2008.

Nouveaux Pédagogues T.2 ; Pédagogues De Demain ?, Fabert 2007.

Autorité et éducation, ESF 2001

Professeurs Et Eleves . Les Bons Et Les Mauvais, ESF 2001.

Liens

« Professeurs et élèves : les bons et les mauvais », dernier article de Jean Houssaye dans le Café

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pa[…]

P. Meirieu : Centrer la formation des enseignants sur « le cœur du métier »

Les États généraux de la formation des enseignants qui se sont tenus samedi dernier ont représenté un temps fort de la mobilisation, associant, de manière inédite, la plupart des organisations professionnelles du premier et second degré, mais aussi des mouvements pédagogiques et d’Éducation populaire, des associations de spécialistes, des syndicalistes étudiants et des parents d’élèves. La quasi totalité des IUFM de France était représentée et, même s’il est difficile de dégager des conclusions communes définitivement stabilisées, il me semble que quelques principes peuvent être maintenant avancés :

– Enseigner est un métier d’expert, à tous les niveaux de l’institution scolaire et universitaire : en tant que tel et parce qu’il nécessite en permanence des prises de décisions rigoureuses, informées par des modèles théoriques pertinents, il requiert une formation spécifique et de haut niveau.

– Les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres ont permis de faire avancer la professionnalisation d’un corps enseignant qui doit faire face aujourd’hui à de nouveaux défis pour permettre une plus large démocratisation de l’accès aux savoirs. Il n’est pas question, pour autant, de se satisfaire de la situation actuelle : les IUFM sont un outil, aujourd’hui intégrés ou en voie d’intégration dans les universités, qui doivent être interrogés sur leur capacité à concevoir une véritable formation professionnelle, universitaire, d’adultes et en alternance. Dans ces quatre domaines, ils ont des recherches à conduire et des progrès à faire.

– La mastérisation n’est pas en soi une mauvaise chose, mais le calendrier imposé, les incertitudes qui règnent sur l’articulation entre le master et le concours de recrutement, l’absence de cadrage national et la diversité des contextes locaux, comme les perspectives d’un désengagement progressif de l’État sur un enjeu de toute première importance… engendrent de très grandes inquiétudes qui nécessitent une forte mobilisation.

– Face aux dangers qui nous menacent, trois exigences peuvent guider l’action et l’implication de tous dans le processus en cours :

1. Il faut concevoir la formation des enseignants comme un continuum qui s’étend de la première année d’université à l’ensemble des dispositifs de formation continue. Dans ce cadre, la formation initiale d’un professeur ou d’un conseiller principal d’éducation doit, comme celle d’un médecin, être conçue sur sept années : trois années de licence comportant, à côté des enseignements disciplinaires, des apports et travaux pratiques centrés sur les conditions nécessaires à l’exercice du métier (de la maîtrise de la langue à la gestion de la classe, de la connaissance de l’institution scolaire à celle des TICE, etc.) ; ensuite deux années de master centrées sur toutes les questions relatives à la transmission des savoirs à enseigner ; deux années d’accompagnement, enfin, lors de la prise de fonction pour permettre la construction d’une véritable pensée réflexive sur le métier… Ainsi la France passerait d’une formation en modèle « successif » à une formation en modèle « simultanée », comme cela paraît souhaitable à la quasi totalité des experts.

2. Il faut que, tout au long de leur formation initiale, les étudiants puissent s’impliquer progressivement dans des actions auprès des élèves : à travers des stages d’observation, de pratique accompagnée, puis en responsabilité dans des contextes divers. Il faut que ces stages soient l’occasion d’expérimenter le travail en équipes homogènes et hétérogènes (intercatégorielles et interdisciplinaires). Il faut, enfin, absolument, que ces stages soient l’objet de travaux de reprise systématique, avec des formateurs, et que les modèles théoriques proposés permettent de mieux comprendre les enjeux et les exigences du métier.

3. Il faut, enfin, adosser l’ensemble du dispositif à un développement de la recherche en éducation sur le processus enseigner/apprendre et les questions afférentes à la transmission. Dans ce cadre, le « cœur du métier », qui doit guider l’ensemble du travail formatif, ne peut se concevoir ni autour de la seule maîtrise des savoirs académiques, ni dans la seule étude des conditions institutionnelles, organisationnelles et méthodologiques de l’enseignement. Le cœur du métier est bien « la transmission des savoirs »… au nom du principe simple que, si l’on enseigne toujours quelque chose, on l’enseigne toujours à quelqu’un.

Certes, ces trois exigences ne règlent pas tous les problèmes. Mais elles constituent un référent possible pour l’action à court, moyen et long terme. À court terme, pour investir les espaces ouverts à la professionnalisation pendant la licence et les concevoir de manière progressive, avec des activités réellement formatrices. A court terme aussi, pour penser des masters qui ne soient pas de simples collages ou bricolages, mais qui placent la question de la transmission et de ses conditions comme vecteur de tous les apports, de toutes les activités et de la validation… A moyen et long termes pour concevoir des alternatives à la politique actuelle de régression éducative et faire véritablement de l’enseignement le « métier du futur ».

Philippe Meirieu

Quelle formation ? Par André Ouzoulias

Formateur, André Ouzoulias nous livre un appel et un texte de réflexion sur la réforme de la formation des enseignants.

L’appel d’A. Ouzoulias pour une formation réfléchie

« L’évolution récente du dossier « mastérisation » fait craindre le pire, à savoir une grave détérioration de la qualité de la formation des maîtres, et par là même du service public d’éducation. Deux ensembles de faits étayent ce point de vue : d’une part, les « 10 principes » que le Ministère de l’éducation nationale (MEN) vient de rendre publics pour cadrer les discussions sur la réforme de la formation des maîtres avec les organisations syndicales, d’autre part, les premiers pas de la réforme avec le dépôt en urgence des premiers projets de mastères enseignement dans la cadre des habilitations des plans quadriennaux des universités par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ». Professeur à l’IUFM de Versailles, André Ouzoulias connaît bien les enjeux de la formation des enseignants.

Appuyé sur le  » Texte proposé par le ministère pour la négociation avec les syndicats » et sur ce qu’il observe dans son université, il appelle à stopper « la course folle » dans laquelle est engagée la réforme de la formation des enseignants : construire en 3 semaines les nouveaux cahiers des charges de la formation des enseignants.

Il pose aussi la question de la formation professionnelle des futurs enseignants. La France sera-t-elle le seul pays d’Europe à former ses maîtres sans véritable stage pratique ? Continuera-t-elle à opposer formation initiale et continue ?

 » Personne ne peut dire où nous allons, mais on nous demande d’y aller excessivement vite… Il serait normal », écrit-il,  » que la ministre de l’Enseignement supérieur et la recherche promulgue très rapidement une dérogation aux délais de dépôt des projets pour les masters enseignement : non pas le 15 octobre, mais en mars par exemple, afin que chaque concepteur ait des informations fiables et des orientations claires. Si Mme Pécresse est une personne raisonnable, elle conviendra que l’on ne peut guère travailler autrement, quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur cette réforme de la formation des maîtres… Pour ouvrir ces issues, nous voyons bien qu’il faut partout une intervention forte et cohérente de tous ceux qui sont attachés à la qualité du service public d’éducation. Il y a urgence ».

L’appel

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Le dossier formation du Café

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Formation des enseignants : un texte pour préparer les Etats généraux…

« La charte ne remédie pas aux défauts les plus graves du projet gouvernemental. Il semble même que ses principales options se trouvent maintenant confortées ». A la veille des Etats généraux de la formation des enseignants, qui se tiennent le 4 octobre, et au lendemain de la signature d’une « charte de la formation » entre les ministres, la CDIUFM et la CPU, André Ouzoulias analyse ce document.

Il en montre les insuffisances. Par exemple :  » La charte réintroduit la référence au cahier des charges national de la formation des maîtres (arrêté du 19/12/2006) qui ne figurait pas dans le texte des « 10 principes ». Il reste à préciser comment la formation universitaire tient compte de ce cahier des charges. Cela ne sera pas aisé. En effet, si la formation se déroule en M1 et M2 sans aucun stage en responsabilité, on voit mal comment les futurs enseignants pourront vraiment développer certaines des dix compétences de ce cahier ».

La tribune d’A. Ouzoulias

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/For[…]

Sur la charte et les Etats généraux du 4 octobre

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/10/0[…]

Le dossier formation du Café

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Communiqué

http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1720.html

Perspectives : Quelle formation pour les enseignants au Québec ?

Le magazine québécois Vie pédagogique interroge la formation des enseignants. « Enseigner n’est plus uniquement transmettre des connaissances! ». Par conséquent la formation doit évoluer. C’ets ce que montre brillamment la réflexion de nos collègues.

« Enseigner n’est plus uniquement transmettre des connaissances! C’est aussi, pour l’enseignant, placer l’élève dans des conditions qui lui permettront de s’approprier des savoirs. Dans ce contexte, la concertation est essentielle pour donner à la formation son sens et sa fonction première; elle est également nécessaire pour garantir aux jeunes enseignants et enseignantes une insertion professionnelle harmonieuse dans la profession. » Le magazine québécois Vie Pédagogique réunit les avis d’enseignants, de formateurs.

Il revient sur la question de la formation des professeurs et montre le rôle du portfolio. « Quels sont les enjeux de la formation des enseignants et des enseignantes pour le développement de leurs compétences tout le long de leur carrière? Ils sont nombreux; et il devient essentiel, en ces temps de changements, de poser la question et d’essayer d’établir des balises pour guider la réflexion sur cette question. D’ailleurs, les observateurs constatent que l’identité enseignante est amenée à se redéfinir et le rapport à la discipline enseignée est en train de se transformer ».

Vie pédagogique

http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/viepedagogique/147/index.asp

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