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10 juin 2009 – Benoist Apparu : « Certains éléments de mon rapport pourront être repris »

Alors que le rapport Descoings a éveillé peu de passions, le rapport du député Benoist Apparu sur la réforme du lycée, publié quelques jours auparavant, a ses partisans et ses adversaires. Quel peut être l’avenir de ce texte après la publication d’un document plus consensuel ? Quels éléments font sa force ? Benoist Apparu répond à nos questions.

Les projets de réforme se sont succédé ces dernières années. Il y a eu la tentative de réforme du bac. Celle du lycée, stoppée net fin 2008. Pensez-vous qu’on puisse mener à bien une réforme dans l’éducation nationale ?

Oui, bien sûr que c’est possible. Cela peut être délicat, difficile, voire compliqué. Mais ça s’est fait. L’éducation nationale a beaucoup changé. Récemment on peut citer en exemple la réforme LMD dans le supérieur. Il peut y avoir des retards mais des changements sont possibles.

Aujourd’hui, après la publication du rapport Descoings, comment voyez-vous l’avenir de votre projet pour le lycée ?

Des éléments vont sûrement aboutir à un moment ou à un autre. Je ne peux pas dire que mon rapport sera appliqué à 100%. Mais j’ai ouvert des pistes. Le gouvernement fera son marché dans les deux projets. Celui de R. Descoings semble plus facile à appliquer tout de suite. Si Xavier Darcos vise la rapidité il s’en inspirera. Mais certains éléments de mon rapport pourront être repris.


Justement il suscite à la fois des soutiens et des oppositions. Avez-vous identifié où se trouvent celles-ci ?

Je pense que le point plus difficile c’est l’objectif des 35 heures de classe par semaine que j’ai fixé comme un maximum pour les lycéens. Car le mettre en place implique une réforme des contenus disciplinaires. Et là il y a une résistance monstrueuse. C’est très difficile de faire accepter une réduction du temps d’enseignement en français, en maths… Si on veut éviter un lycée light et maintenir un fort volume de connaissances alors il faut réorganiser les champs disciplinaires. Et ça c’est une vraie révolution car les enseignants font toute leur carrière dans un seul champ disciplinaire. Je peux donc craindre pour mon projet l’opposition des associations de spécialistes. Du coté syndical, certains manifestent une opposition totale comme le Snes ou le Snalc. D’autres sont plus positifs.

Alors pourquoi en faites vous un point central de votre projet ?

Cela part de l’idée qu’aujourd’hui la plus forte inégalité au lycée est entre ceux qui disposent de l’aide de leur famille ou qui utilisent les services d’enseignement supplémentaire et ceux qui ne sont pas aidés. L’idée c’est que tout le travail scolaire qui se fait à l’intérieur du lycée est un élément d’égalité des chances.

Et puis le temps total passé au lycée est trop lourd. Aujourd’hui entre les cours et les devoirs à la maison on atteint environ 50 heures hebdomadaires. Je propose de redescendre à 35 heures au total. Il y aurait 30 heures pour le tronc commun disciplinaire et les heures d’accompagnement, et 5 heures d’études pour faire ses devoirs. Ca veut dire que les enseignants feront autre chose que faire cours.

C’est un véritable nouveau métier qui se dessine. Mais c’est possible car nous avons l’opportunité des départs massifs à la retraite et une réforme de la formation des enseignants.

Si vous vous souciez d’égalité des chances, alors pourquoi réformer le bac ? On sait que l’épreuve anonyme du bac est plus juste. Un contrôle continu renforcerait les inégalités dans les évaluations aux dépens des plus faibles.

Mais je n’ai jamais parlé de mettre du contrôle continu au bac. J’ai parlé de mettre plusieurs épreuves en contrôle en cours de formation. Rien n’empêchera les établissements de changer les correcteurs, de rendre les copies anonymes.

Mais je veux revenir sur la semaine de 35 heures. Si on la met en place, il faudra être cohérent et rallonger l’année scolaire. Aujourd’hui le mois de juin est tronqué de la moitié ou des trois quarts. Si on veut raccourcir la semaine de cours il faudra bien allonger l’année pour garder des contenus disciplinaires suffisants.

Des changements aussi importants peuvent-ils être ordonnés par en haut pour redescendre dans les établissements ?

Il y a un moment où soit on donne l’autonomie aux établissements, soit il faut que quelqu’un décide. On est dans ce cas et le système ne peut se réformer que par en haut. D’autant qu’envisager une concertation avec 300 000 profs , ce n’est guère possible… D’ailleurs on voit bien que dans les réformes récentes, comme au primaire, ça se passe bien. Les quelques oppositions ne doivent pas être généralisées.

Benoist Apparu

Entretien François Jarraud

Benoist Apparu a rendu son rapport sur les lycées

Nouveaux programmes, nouvelle organisation des enseignements, nouveau prof, nouveau bac, nouvelle pédagogie : la rapport Apparu propose une refonte d’ensemble du système éducatif. Travail de la mission d’information parlementaire sur la réforme du lycée, dont le rapporteur est Benoist Apparu, le rapport n’a pas été adopté par les députés socialistes de la mission.

Un nouveau système. Estimant le découpage actuel « dépassé », inquiet du taux d’échec et de redoublement, B Apparu propose un nouveau découpage de l’Ecole avec une grande école fondamentale regroupant l’école et le collège sur le socle commun, suivie par 100% des jeunes, un cycle lycée – licence et enfin un cycle supérieur long (master doctorat). Du coup le lycée est perçu comme le début du supérieur et devrait permettre d’atteindre les objectifs européens : 50% des jeunes diplômés du supérieur.

Une seconde de détermination. B Apparu souhaite faire passer la seconde du « tri sélectif » à une véritable année de détermination. Pour cela, les enseignements y sont divisés en trois parties : un tronc commun (francais, maths, histoire-géo, sciences expérimentales, langues et eps, pour 21h , soit 70% du temps. S’ajouteraient 2 modules de spécialisation et 2 modules de découverte : sciences économiques et sociales et disciplines technologiques (gestion etc.), le tout représentant 20% du temps d’enseignement soit 6 heures. « La seconde doit permettre de sortir des cours magistraux » et donc elle comprendrait 10% du temps, soit 3heures en accompagnement. Le temps de présence au lycée comprendrait aussi 5 heures de travail personnel au lycée.

Suivie d’un cycle terminal de spécialisation. La première et la terminale seraient graduellement spécialisées. Le rapport prévoit une première générale et une première technologique dans lesquelles des enseignements d’approfondissement représenteraient 40% du temps scolaire. En terminale ils pèseraient 50%. « La formule de spécialisation progressive permettrait des réorientations à mi-chemin de première ou en fin de première ».

La réforme du bac, mise en œuvre dès 2012, verrait le nombre d’épreuves diminuer : français, histoire-géo, philosophie, et deux épreuves de spécialisation seulement auxquelles s’ajouterait une épreuve sur projet personnalisé défendue devant un jury. Tous les autres enseignements seraient évalués en cours de formation.

Une autre pédagogie. Le rapport prévoit de consacrer 10% du temps scolaire à l’accompagnement des élèves. « Ces enseignements d’accompagnement doivent se présenter sous la forme d’un menu, offrant à chaque élève un droit de tirage sur différents modes de prise en charge pédagogique, en particulier : des enseignements de méthodologie ou des modules de préparation à l’enseignement supérieur ; une aide individualisée (aide aux devoirs, à la rédaction, au raisonnement, un exercice ou un devoir étant repris et décortiqué) ; des activités pluridisciplinaires ; une aide à l’orientation ; des travaux de recherche encadrés, notamment au centre de documentation et d’information ». Le rapport demande aussi aux enseignants de changer de type d’évaluation. Il prévoit aussi que chaque lycéen disposera d’un professeur référent.

Un autre lycéen. Le lycéen verra son temps scolaire ne pas dépasser 35 heures hebdomadaires soit en seconde 21 h de cours de trinc commun, 6 h de spécialisation et 3 h d’accompagnement. Pourront s’y ajouter 5 heures d’études. L’accompagnement devrait donner de la souplesse au corps. Un autre élément de souplesse sont les sas d’orientation l’été qui permettront de changer de filière ou d’éviter le redoublement.

La réforme de l’orientation. B Apparu souhaite ramener les copsys dans les établissements scolaires. Il envisage d’informer davantage les familles et les élèves sur les possibilités d’orientation.

Un nouveau prof. Le rapport prévoit que l’accompagnement soit inclus dans le temps de service et les missions des enseignants qui feraient moins de cours.

Sur bien des points (modules, spécialisation tardive, accompagnement etc.), le rapport renoue avec les propositions Gaudemar. Sans supprimer les filières, il cherche à ajouter de la mobilité dans le lycée.

Le rapport en résumé

Lycée : réforme impossible ?

Apparu : Un rapport accueilli avec scepticisme

Avant même la publication du rapport, plusieurs syndicats, dont le Snes et le Snalc, avaient pris position contre les expérimentations et la réforme. D’autres syndicats, plus favorables à une réforme, se sont regroupés en un groupe de réflexion. Ils accueillent avec réserve le projet Apparu.

Pour le Sgen-Cfdt, « Benoist Apparu reprend un certain nombre de propositions que le Sgen-CFDT partage avec le groupe « De l’ambition pour la réforme des lycées » : la classe de seconde qui doit être une année de détermination et non pas de tri, l’organisation des enseignements en trois pôles (tronc commun, exploration/approfondissement, accompagnement), l’inscription de l’accompagnement dans l’horaire élève et dans le service des enseignants, le professeur référent, la réduction de l’horaire de cours et la prise en compte sur le temps du lycée du travail individuel des élèves, la nécessité de supprimer les redoublements et d’offrir aux élèves la possibilité de revenir sur leurs choix, le recours à des formes variées d’évaluation et la réforme du baccalauréat ». Mais le syndicat juge que « ces propositions sont contredites par le maintien d’un système de voies et séries inévitablement hiérarchisées… Une certaine frilosité empêche de prendre en compte la semestrialisation et conduit à proposer la remédiation en dehors du temps scolaire (stages d’été) comme seule alternative au redoublement… Se dessine un projet de réforme manquant de cohérence, d’autant plus qu’au-delà des propositions de modifications de structures, il manque l’affirmation des objectifs éducatifs et pédagogiques propres au lycée ». Le Se-Unsa retrouve dans le rapport nombre de ses propositions mais le syndicat s’interroge sur les moyens. « A quelques jours de la publication des « recommandations » de Richard Descoings, le SE-UNSA s’interroge : qui s’en saisira, et avec quels moyens ? »

Premiers intéressés, les lycéens de l’UNL dénoncent « de nombreuses propositions potentiellement porteuses d’inégalités territoriales et sociales telles que la modularité des enseignements ou le contrôle continu au Bac… Aussi, l’UNL dénonce l’absence de propositions sur la vie et la démocratie lycéenne, ainsi que sur l’accès à la culture et le statut du lycéen. Cette absence est révélatrice d’un projet éducatif qui n’accorde pas au lycéen sa place d’acteur de l’école et de la société ».

Communiqué se-Unsa

Communiqué UNL