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Tous capables ? La recherche en neurosciences, recours contre la désespérance…

Michel Duyme nous en convainc : « Il n’y a pas de fatalité à l’échec scolaire ». Une démonstration qui nous tiendra en haleine malgré les caprices du power-point et une découverte qui est une révélation pour chacun-e dans l’auditoire : nous sommes tous et toutes des chauffeurs de taxi (en puissance) ! Chauffeurs de taxi ? En effet, il citera dans son exposé un résultat de recherche qui montre que les chauffeurs de taxi développement des compétences bien supérieures à la moyenne dans leur capacité d’orientiation, montrant ainsi que l’expérience est de nature à modifier en profondeur des « capacités » naturelles.

Avec une pointe de malice, Michel Duyme fait d’entrée référence à l’héritage de « trois barbus par lesquels tout le mal est venu » : Marx, Freud et Galton, excusez du peu ! Il se demande s’ils n’ont pas une part dans le développement de certains fatalités, sociales (« on ne peut rien faire ») ou génétiques (« tout se joue avant 6 ans »). Bref, si on résume les idées parfois dominantes, s’il est issu d’un milieu social pauvre, l’enfant aura un développement intellectuel faible qui lui assignera une place sociale déterminée.

Pour lui, les neurosciences renouvellent aujourd’hui ce modèle, avec la théorie « épigénétique » (le rôle de l’environnement sur les gènes). L’idée générale est simple à comprendre, même s’il va devoir la démontrer : les capacités du cerveau évoluent très tard, et modifient les capacités cognitives d’un sujet. Autrement dit, les différents environnements interagissent entre eux et donc luttent à leur manière contre les fatalités.

Démonstration :
Dès avant la naissance, l’environnement joue sur la génétique, les synapses se développent, et les interrelations entre neurones augmentent jusqu’à l’âge de 2-3 ans. L’environnement influe sur le développement des synapses et des connexions neuronales. Plus l’environnement suscite des relations (affectives proches, stimulations), plus les connexions synaptiques sont nombreuses. Aux environs de 5 ans, elles se stabilisent puis décroissent : le cerveau élague les synapses qui ne lui sont pas utiles, afin de gagner en efficacité pour celles qu’il conserve.
Mais contrairement à ce qu’on a pu penser à une certaine époque, les travaux de M. Duyme montrent qu’un sujet a toujours le potentiel de développer de nouveaux neurones, si on met en place des situations qui stimulent aussi le cerveau, « qui envoient des messages envers l’environnement pour l’inciter à se servir de lui ».
A la puberté, de nouvelles connexions, de nouveaux neurones se créent. Certes, les ados ne sont pas faciles à vivre, mais « il faut voir cette période comme l’opportunité de tout redémarrer avec eux, puisque leurs neurones sont dans une phase stimulante où ils sont prêts à recevoir de nouvelles choses, où certains obstacles sont levés » précise M. Duyme. Par leurs expériences sur les performances intellectuelles des enfants issus de milieux pauvres, Schiff et Duyme montrent la prédominance de l’environnement sur le développement du cerveau : lorsqu’ils sont à nouveau stimulés par leur environnement, ils ont la capacité de construire de nouvelles ressources cognitives, directement mesurables par une évolution de performance de QI
Les nouvelles technologies, telles l’IRM, permettent de voir les zones du cerveau en activité. En changeant d’environnement, de nouvelles zones de leurs cerveaux se sont mises en activité, ce qui constitue une preuve que tout travail intellectuel transforme le cerveau. « On peut lutter contre les fatalités grâce à l’extraordinaire potentiel du cerveau qui se réadapte en continu ».

Michel Duyme conclut par une pirouette : « pour les enfants de milieu en grande difficulté, il faut un enseignant qui soit bon, pour un petit groupe d’enfants, que ce soit prolongé, qu’il y ait un travail avec les parents (de formation des parents, d’information des parents). Lutter contre les fatalités, on peut, même si je vous souhaite bon courage ! »

Michel Duyme est auteur d’un chapitre dans le livre collectif édité récemment par le GFEN : « Pour en finir avec les dons, le mérite et le hasard… »