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A l’occasion de la semaine de la semaine de la chimie, du 10 au 16 mai, Exploradôme, musée interactif de sciences, multimédia, développement durable, de Vitry sur Seine, accueillait mardi 11 mai le pharmacologue et chercheur Marcel Hibert pour une conférence sur l’ocytocine, dite « hormone de l’attachement ».

Une simple molécule serait-elle la source de nos sentiments et de nos vertus les plus élevés? Sur ce thème un tantinet provocateur, Marcel Hibert se livre à un fascinant exposé sur la chimie des sentiments et ébauche des perspectives thérapeutiques encore inexplorées de la recherche en biologie moléculaire humaine. Pharmacologue et chercheur, Marcel Hibert enseigne à la Faculté de pharmacie de Strasbourg et dirige le Laboratoire d’Innovation Thérapeutique du CNRS à Strasbourg.

Qu’est-ce que l’amour ? s’interroge Marcel Hibert. A cette question essentielle, on peut répondre sur le mode philosophique de la distinction entre Eros, Philia et Agapè (désir, joie et charité) ; on peut interroger la psychanalyse ou la littérature. Mais on peut aussi se tourner vers l’analyse scientifique : « après tout, remarque M. Hibert, nous ne sommes que des gros tas de molécules organiques en équilibre atomique précaire et associées par des liaisons réversibles », comme l’avait pressenti Démocrite en -420. La connaissance scientifique devrait-elle s’arrêter au seuil de l’alcôve, pour préserver nos rêves ?

Les premières observations significatives sur le rôle de l’ocytocine émanent de populations de voles (campagnols) aux comportements surprenants : deux populations similaires, vivant l’une en prairie, l’autre en montagne, manifestaient des tendances reproductives opposées : monogames et présents à leurs progénitures en prairie, les voles sont volages et indifférents à leurs petits en montagne. Des dosages hormonaux ont révélé des taux très différents d’ocytocine entre les populations. L’idée d’une hormone de l’attachement était née.

Au fil des études, l’ocytocine et la vasopressine (une hormone voisine) se sont révélées très influentes sur toute une gamme de comportements humains, de l’attachement maternel à la sociabilité, en passant par l’orgasme et l’érection. Déjà utilisée en obstétrique pour déclencher les accouchements et favoriser la lactation, l’ocytocine jouerait un rôle fort dans le plaisir et l’addiction, l’altruisme, la confiance, la mémoire sociale, la fidélité conjugale, la protection des enfants des enfants, bref : dans toutes les attitudes « favorables à la conservation de l’espèce ».

Sommes-nous les jouets de la nature ? Pas vraiment, corrige Marcel Hibert : le comportement humain se situe à un degré de complexité beaucoup plus élevé que l’ordre moléculaire. Une molécule peut influencer (ou « déranger ») un comportement, pas le déterminer. Cependant, il est indéniable que des dispositions ou des tendances physiologiques existent chez les individus, même si l’environnement, l’histoire et la culture les compensent.

Les recherches pharmacologiques sur l’ocytocine se révèlent difficiles : instable, la molécule qui ne peut ni s’ingérer ni s’injecter sans se détruire, se révèle difficile à copier : protégée par un récepteur unique à double entrée, « elle est aussi sécurisée qu’un coffre-fort suisse, déplore Marcel Hibert. Mais c’est peut-être préférable : il faudrait bien réfléchir sur les usages qu’on pourrait en faire. Sérum de vérité, abus de confiance, incitation aux décisions… Les effets potentiels sont assez terrifiants.». Seule application vérifiée, l’ocytocine permet le développement du lien social chez de jeunes autistes. Mais les recherches cliniques qui permettraient d’en valider l’usage ne sont pas assez rentables pour l’industrie pharmaceutique.

Jeanne-Claire Fumet

Conférence de Marcel Hilbert téléchargeable sur le site de l’Université de Strasbourg.

http://audiovideocours.u-strasbg.fr/avc/courseaccess?id=396[…]

(Voir aussi notre article dans le prochain mensuel n°113 – Rubrique : Lettres – Philosophie).

L’Exploradôme de Vitry

Un musée où il est « interdit de ne pas toucher ».A l’Exploradôme, les petits curieux peuvent s’initier aux phénomènes de la science en toute liberté. Conçu comme un espace ludique et convivial, il propose des installations étonnantes : machine à nuage, dunes de sable mouvantes, tornade et illusions d’optique, mais aussi dispositifs de sensibilisation au développement durable, intégrés à l’équipement du bâtiment : consommation d’énergie, bilan carbone personnel, etc.

Deux catégories d’ateliers sont proposées aux jeunes visiteurs : « Les mains dans le réel » pour les 5-12 ans et « La tête dans le virtuel » pour les 8 -16 ans. Les plus jeunes réalisent des expériences scientifiques, les plus grands créent des objets numériques. Une Cyber-base multimédia permet de s’initier aux nouvelles technologies. On trouve même des prestations « Goûters d’anniversaire » (sur réservation) pour joindre l’apprentissage au plaisir. Jusqu’en août 2010, l’exposition Le cirque sort sa science s’attache à dévoiler les lois physiques mises en œuvre dans les numéros de cirque.

Associé au Mac Val, centre d’art contemporain du Val de Marne, les parcours thématiques permettent de croiser les ressources des deux centres : ainsi, à l’occasion de la semaine de la chimie, un parcours arts et sciences Amour, chimie et chimie de l’amour propose de découvrir l’exposition « Emporte-moi » qui rassemble des œuvres d’une quarantaine d’artistes, en complément de l’approche scientifique d’Exploradôme.

A ne pas manquer ce week-end : les ateliers scientifiques sur l’amour et la chimie, une initiation à la démarche expérimentale avec le chimiste Bruno Vincent et le parcours Arts et Sciences (Gratuits sur inscription).

Exploradôme (Musée interactif – sciences – multimédia – développement durable).

18 avenue Henri Barbusse – 94400 Vitry-surSeine