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Par François Jarraud

Mathématiques ça s’écrit au masculin ? Mercredi 9 juin 2010, le ministre, le directeur de la Dgesco assistent à la remise des prix des Olympiades de mathématiques, un événement majeur pour l’Education nationale. Les maths ont-elles vraiment besoin d’être soutenues ? Comment expliquer la faible part des filles dans les lauréats : 6 sur 25 ?

Ouvert aux lycéens de première des séries générales et technologiques, ce concours vise à développer le goût des maths et de la recherche, à stimuler la créativité et à encourager l’émergence d’une culture scientifique. Près de 7 000 candidats ont participé aux Olympiades en 2010 (+8%), encadrés par des centaines de professeurs de maths, sous la houlette de l’association Animath. Les lycéens ont subi une épreuve de 4 heures et affronté des sujets qui nécessitaient de la réflexion mais aussi des qualités de persévérance. Un des sujets nationaux portait sur une rosace, un autre sur une chaînonze.

C’est Luc Chatel qui a ouvert la cérémonie de remise des prix, un geste d’autant plus salué que Xavier Darcos avait manqué la 9ème édition. Après lui Wendelin Werner, professeur à l’ENS et médaillé Fields 2006, a prononcé une conférence sur « arbres généalogiques et stabilité des systèmes électoraux ». Un titre surprenant pour le profane mais à l’image de ce jeune mathématicien imaginatif et entraînant. Il a fait découvrir aux lycéens les joies et les désillusions des chercheurs. « Si vous voulez faire des études de maths, faites les parce que vous aimez les maths ».

Puis Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire, a procédé à la remise des 25 prix. Pour lui, « les maths sont au centre du système éducatif. Ils font partie des connaissances que chacun doit pouvoir maîtriser ». Il a rappelé la volonté du ministère que chaque élève ait un niveau minimum en maths, un objectif encore lointain puisque 20% des élèves ont un niveau faible. Pourtant « la maîtrise des maths est centrale » pour la construction des connaissances et le fonctionnement de la mémoire.

Curieuse géométrie des maths scolaires en France : l’hexagone se plie à une étrange loi des probabilités. Celle d’obtenir un prix aux Olympiades est six fois plus forte dans l’académie de Versailles (6 prix) qu’à Créteil (1 prix). Paris est entre les deux : 3 prix. Les maths préfèrent l’ouest… Treize autres académies se partagent le restant des 25 prix. Quelle est la probabilité d’avoir un prix dans un lycée favorisé ? Très forte semble-t-il puisque les 25 candidats viennent d’établissements célèbres (Henri IV (deux prix) ou Louis le Grand à Paris, St Jean d’Hulst à Versailles (deux fois), le lycée international de Saint-Germain-en-Laye (deux fois aussi), Janson de Sailly etc.). Ainsi le premier prix en S est attribué à Nicolas Forien (lycée La source de Meudon 92) et Diane Gallois-Wong (Louis le Grand Paris). Le premier prix de STI va à Jordan Savariaud (lycée Saint Joseph de Saint Sabastien sur Loire 44). Celui de la série ES à Côme Frize (Henri IV). Le premier prix de L revient à Astrid d’Illiers (lycée Saint Jean d’Huslt, Versailles) et celui de STG à Lucie Crevolin (Lycée A Briand Gap 05).

Les maths ont-elles un poids écrasant dans le système éducatif français ? Pas du tout estime Jean-Michel Blanquer. Car pour lui il s’agit d’un savoir fondamental dont les fondements doivent être acquis. « Loin d’un savoir abstrait », nous confie-t-il, « c’est un savoir au service des autres savoirs ». Sur la faible part des filles (6 prix sur 25) il rappelle que « les filles sont excellentes en sciences,meilleures même que les garçons. Il reste encore à développer les ambitions ». L’enjeu de la parité lui semble important.

Un avis partagé par Charles Torossian, inspecteur général de mathématiques et président du jury des Olympiades. Pour lui les maths ne sont pas écrasantes. Elles font partie des fondements de l’humanité depuis 5 000 ans, comme les arts. « L’être humain fait des maths comme il fait des arts », nous dit-il. « Les maths servent surtout à former l’esprit ». Pour autant elles ont particulièrement intégré les nouvelles technologies. « On ne fait pas des maths comme il y a 100 ans ». Les TIC ne sont pas qu’un outil au service des maths elles contribuent aussi à les former. L’enseignement des maths se rénove et Charles Torossian a pu nous annoncer l’arrivée du calcul formel au lycée dans quelques années.

Inégalitaires les maths ? Pour lui, elles sont « un vecteur efficace de promotion sociale rapide ». D’où le souci de conquérir de nouveaux territoires pour cet enseignement parmi les jeunes. Faire augmenter la part des filles est un travail au quotidien pour lutter contre les représentations sociales. « On demande aux enseignants de ne pas freiner les filles quand elles ont du talent. Leur part a augmenté en prépa même si ce n’est pas satisfaisant. Elles sont bien représentées en médecine, en biologie. Ce sont les sciences dures qui résistent ». Pour Charles Torossian, un grand frein est à chercher dans le statut de l’erreur. Notre système éducatif ne valorise pas l’erreur alors qu’elle est souvent pleine de sens. « Or les filles hésitent plus que les garçons à manifester leurs erreurs. Quand nos élèves auront compris que ce n’est pas grave de faire des erreurs, les filles auront moins d’appréhension ». La notation par compétences devrait faire progresser cette idée.

Et les filles qu’en pensent-elles ? Nous avons demandé à Diane Gallois-Wong, premier prix de la série S, ce que peut-être le quotidien d’une fille dans une première S. Sa classe de 34 élèves compte 7 filles. Pour elle, « ce n’est pas un problème ». « J’ai l’habitude », nous dit-elle, « et j’ai de bons amis aussi chez les garçons. Ca ne me dérange pas mais je trouve dommage qu’il n’y ait pas plus de filles ». Quelle est la clé qui permet à une fille de s’épanouir en S ? « J’aime les maths et pour moi c’est évident d’être en S », ajoute-elle. « Cela m’est venu en 5ème. Au collège le professeur de maths était très rigoureux. Il nous laissait chercher les démonstrations et réfléchir ». Les maths c’est aussi pour soi-même un sport.

Liens :

Olympiades 2010 : le dossier de presse

http://www.education.gouv.fr/cid52036/remise-nationale-des-prix-de[…]

Association Animath

http://www.animath.fr/

Sur le Café :

Sos garçons : la bosse des maths n’existe pas

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2009/Dossier[…]

Les Olympiades 2006

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/olympiades_index.aspx