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Par Jeanne-Claire Fumet

C’est dans l’ambiance conviviale du Café Lili et Marcel, Quai d’Austerlitz, que s’est tenu le premier rendez-vous du Café de pédagogie vivante, mercredi 23 juin, autour de Christian Alin et de son essai « La geste formation ». L’occasion pour l’auteur de rappeler quelques idées fortes issues de son expérience et de ses recherches en sciences de l’éducation : la valeur symbolique, d’abord, du geste professionnel de l’enseignant, puis l’analyse méthodique des pratiques qui peuvent l’éclairer et le rendre plus sûr, la dimension irréductible du temps, enfin, nécessaire à toute transmission.

Former, c’est faire comprendre : mais quelle dimension de la pratique est la mieux à même de réaliser cette alchimie de la transmission du savoir et de l’expérience acquise ? Peut-être la dimension symbolique d’un geste esthétique, parce qu’architecturé par la compétence, et éthique par les valeurs qui le sous-tendent.

C’est dans la dimension langagière et pragmatique de l’enseignement que se déploient ces qualités fécondes et inventives, que l’on croit volontiers innées ou inexplicables. Christian Alin aime évoquer le pouvoir poétique et créateur de la langue – sa découverte du créole lui a appris quels obstacles, mais aussi quelles ressources pouvait constituer le décalage culturel dans les usages des termes – mais il souligne aussi la rigueur éclairante de la grammaire analytique dans la mise à jour méthodique les « gestes professionnels » de l’enseignement, parfois considérés comme « allant de soi ».

L’exemple de la « prise en main » d’une classe en est significatif: moment clé du rapport au groupe, où tout se joue dès les premiers contacts, ce geste professionnel particulier repose sur une symbolique précise : il met en jeu la relation de pouvoir et de contrôle sur la classe – c’est-à-dire aussi, forcément, sur soi-même. Si on réduit ce geste au talent personnel ou à des techniques efficaces, on en ignore les implicites au risque d’un échec éprouvant.

Comprendre ce qui se passe quand on agit professionnellement requiert plus qu’un simple échange de pratiques entre professionnels chevronnés et débutants : il y faut l’outillage conceptuel et analytique de dispositifs élaborés à force d’expérience et de recherches, le recul d’un moment en dehors de la classe, le positionnement d’un conseil lui-même pédagogique. C’est pourquoi la suppression de la formation initiale des enseignants et de leurs formateurs, remplacée par un « tutorat » improvisé, est pour Christian Alin une catastrophe en termes d’éducation.

L’enseignement est un métier qui s’apprend, comme les autres métiers, mais à sa manière spécifique, rappelle-t-il. Quelles que soient les querelles idéologiques et politiques qui s’y opposent, il faut accorder à la formation professionnelle des enseignants et de leurs formateurs le temps et les méthodes nécessaires. Ce sur quoi s’accordaient d’ailleurs visiblement les assistants présents, enseignants ou non, au terme de la discussion qui a terminé la rencontre.

Ne manquez pas le prochain rendez-vous du Café de Pédagogie vivante en septembre !

Jeanne-Claire Fumet

L’ouvrage de C Alin :

Christian Alin, La geste formation – Gestes professionnels et analyse des pratiques

(l’Harmattan, 2010 – 24€)