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Par François Jarraud

L’arrivée de Luc Chatel avait été accueillie avec soulagement. Nommé pour renouer le dialogue avec le monde enseignant après les années désastreuses de Xavier Darcos, le ministre avait excellé à établir un climat nettement plus positif sans pour autant changer l’orientation donnée par le président de la République. La publication de ses projets, l’annonce du gel salarial, la politique des retraites se conjuguent pour faire de sa seconde année d’exercice un moment bien difficile.

Les projets du ministère dévoilés par la RGPP

Etablissements du primaire, chasse aux postes et spécialement aux Rased… Pas besoin de fuites : les objectifs du ministère de l’éducation nationale s’affichent dans le dernier rapport d’étape de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

Le document publié le 30 juin par le Ministère des finances fixe les objectifs pour les ministères : globalement réduction de 100 000 postes de fonctionnaires d’ici 2013 et de 10% des dépenses de fonctionnement et d’intervention. Pour l’éducation nationale, la RGPP fixe 4 axes de transformation : réforme du primaire, réorganisation de l’offre du second degré, nouveaux services aux familles, rationalisation.

Au primaire, la RGPP entend « optimiser l’organisation scolaire et la mettre au service des objectifs de lutte contre l’échec scolaire et d’ancrage du socle commun de connaissances ». Pour cela c’est « l’organisation du réseau des écoles » qui est privilégié. « Le ministère travaille à la création de groupements d’établissements, nommés « Etablissements du socle commun », constitués autour d’un collège. Au-delà de la rationalisation de l’organisation et d’une plus grande souplesse de l’action pédagogique, cette mesure vise à renforcer la continuité des apprentissages du socle commun et la communication entre les enseignants des 1er et 2nd degrés, au bénéfice des élèves et de leurs familles. Cette mesure s’accompagnera d’une optimisation de la taille des classes, prenant en compte les spécificités de chaque établissement ». Ce dernier pont rejoint les instructions envoyées aux académies pour revoir à la hausse le nombre d’élèves par classe.

La réforme du lycée est aussi mobilisée pour ces économies. « Le ministère s’est donné comme objectif de rationaliser l’offre scolaire, dès la rentrée 2011. Plusieurs pistes sont explorées, à partir d’une analyse des marges de manoeuvre existantes : possibilités de mise en réseau des établissements pour assurer de manière optimale certains enseignements, mise en place de troncs communs réunissant des élèves de différentes séries, rationalisation de l’enseignement de certaines disciplines… »

Dans le secondaire, « l’optimisation de l’utilisation des moyens, de même que la nécessité de proposer une offre de formation diversifiée, conduit le ministère à une réflexion sur la taille optimum des établissements, leur maillage territorial, ainsi que sur l’optimisation de la taille des classes au collège ». Là encore les consignes ministérielles publiées par le Café envisageaient d’augmenter le nombre d’élèves par classe et de fermer les petits établissements.

Des suppressions de postes sont annoncées plus directement. « Il convient pour l’avenir d’améliorer la disponibilité de la ressource enseignante. L’analyse de la part du potentiel enseignant en responsabilité d’une classe permet de mettre en évidence la possibilité de recentrer certains personnels assurant des fonctions non directement liées à l’action éducative sur la prise en charge de la difficulté scolaire. De la même manière, il apparaît nécessaire que chaque académie, en fonction de ses spécificités, recense les activités que recouvrent certaines décharges horaires non statutaires et les limite à celles qui confortent l’acte éducatif. Il appartient également à chaque recteur de redéfinir, en concertation avec les inspecteurs d’académie, les modalités de la mobilisation des maîtres E et G dans le cadre de la réforme du temps scolaire à l’école primaire, afin de mieux prendre en compte la difficulté et de garantir une continuité pédagogique entre les maîtres spécialisés et leurs collègues ». Un décryptage du jargon administratif pourrait traduire ces mesures en la suppression des décharges et mises à disposition, l’envoi des enseignants des Rased (réseaux d’aide spécialisée) dans les classes. Enfin, « le ministère cherchera également à optimiser l’enseignement des langues dans le premier degré. Le développement du cursus des professeurs des écoles leur permet aujourd’hui d’être habilités à enseigner les langues vivantes ». C’est-à-dire que les intervenants qui enseignant les langues seront licenciés, même si la majorité des enseignants du primaire ont été recrutés bien avant la réforme des concours.

Feu vert. Sur ces différents objectifs , le ministère avance à un rythme jugé suffisant par la RGPP. Un seul « feu rouge » pour Luc Chatel : « améliorer la disponibilité de la ressource enseignante ». Nul doute que Luc Chatel s’emploie à passer au vert…

Le rapport

http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/fileadmin/imgs/dossier_cmpp4.pdf

François Baroin a présenté trois années d’austérité budgétaire

C’est trois années de rigueur budgétaire et de baisse réelle du budget de l’éducation nationale que François Baroin, ministre du budget, a présenté aux députés le 7 juillet.

Un budget stabilisé en euros. « Le montant global du budget de l’Etat diminuera en volume de 0,2% en 2011″ a annoncé F. Baroin. Hors charge de la dette et des pensions, le budget s’établira à 274,84 milliards en 2011, 2012 et 2013. Pour la première fois depuis la déflation Laval en 1935, il ne suivra pas l’inflation. Pour cela l’Etat compte à la fois réduire le nombre de fonctionnaires, les dépenses de fonctionnement mais aussi les prestations servies par l’Etat.  » Pour les dispositifs de guichet (bourses, minima sociaux, exonérations de charges etc.), la maîtrise de la dépense peut passer par une modification des paramètres législatifs ou réglementaires qui régissent le niveau et les conditions d’ouverture des droits aux prestations », écrit F Baroin.

Le budget de l’éducation en baisse réelle. Les crédits de la mission « enseignement scolaire » qui représentent 44 milliards en 2010, resteront à hauteur de 44 milliards de 2011 à 2013. Ils perdront même une quarantaine de milliards. Cette stabilité correspond en fait à une baisse réelle, compte tenu de l’inflation.

16 000 postes d’enseignants supprimés en 2011. Ainsi c’est trois années de suppressions massives de postes qui sont programmées. Le ministre a confirmé la disparition de 33 493 emplois en 2010 et a annoncé 31 400 suppressions de poste en 2011, 32 800 en 2012, 33 000 en 2013. Cela correspond à un départ en retraite sur deux. C’est l’éducation nationale qui fera le gros de l’effort. F Baroin a confirmé la disparition de 16 000 postes dans l’éducation nationale en 2011. On passerait de 963 000 à 947 000 emplois.

Les enseignants paient la note. Pour réaliser cet objectif, le gouvernement réduira nombre de prestations sociales et peut-être par exemple les bourses. Mais 3 milliards d’économies seront faits sur les salariés de l’Etat. Comme les salaires tendent à augmenter compte tenu de l’ancienneté acquise par les fonctionnaires, la stabilité ne peut être atteinte que par des pressions sans précédent sur eux. « La hausse du point fonction publique de 0,5% réalisée au 1er juillet 2010 et ses effets sur 2011 sont bien entendu intégrés à la programmation. En revanche, la contribution des fonctionnaires au nécessaire redressement de nos finances publiques passe par l’absence de revalorisation du point fonction publique en 2011. Pour 2012 et 2013, le rendez vous salarial annuel permettra de déterminer l’évolution du point d’indice, compte tenu de la situation économique ». En clair, le gel des salaires est annoncé de juillet 2010 à 2012.

Des députés UMP veulent aller plus loin. Mais le débat à l’Assemblée nationale le 6 juillet a révélé que certains députés UMP veulent aller plus loin encore. Ainsi Gilles Carrez, rapporteur du budget : « En ce qui concerne, d’abord, la masse salariale, nous avons tous pensé qu’avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite la masse salariale était stabilisée en valeur. Pas du tout ! Si l’on regarde l’exécution 2009, la masse salariale, malgré cette règle du « un sur deux », a progressé par rapport à 2008 de 800 millions d’euros. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous étudiiez un objectif de stabilisation en valeur de la masse salariale, si ce n’est en 2011, en tout cas en 2012 ».

Le document budgétaire

http://www.budget.gouv.fr/themes/finances_publiques/document_dofip2010.pdf

Les débats à l’Assemblée

http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2009-2010-extra/20101009.asp#P511_97154

La hausse salariale de juillet sauvée

Menacée par la nouvelle politique de rigueur, la hausse de 0,5% des salaires de la fonction publique est maintenue. Mais, à en croire F Baroin, ce sera la dernière jusqu’en 2012 ou 2013…

Communiqué

http://www.gouvernement.fr/gouvernement/remuneration-des-personnels-civils-et-mi[…]

Sur le site du Café