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Par François Jarraud

« Rien ne justifie que les Polonais ou les Allemands aient rattrapé, puis dépassé les Français, rien sauf leur gestion différente du système éducatif. Il n’y a pas de fatalité française, il y a en revanche une mauvaise organisation de l’école ». Dans la bouche du Premier président de la Cour des Comptes, ces mots devraient peser lourdement sur l’avenir de l’Ecole dans les jours à venir.

Mercredi 12 mai, la Cour des Comptes, par la bouche de son Premier président, Didier Migaud, publiait son rapport d’expertise du système éducatif français. Fruit de 3 années de travail, il a emmené l’équipe de Jean Picq, président de la 3ème Chambre, dans 6 académies (Bordeaux, Clermont-Ferrand, Orléans-Tours, Aix-Marseille, Montpellier, Paris). Des experts, des syndicats, en nombre limité, ont été entendus.

Un constat accablant. Le rapport estime les résultats du système éducatif français « peu satisfaisants ». Les résultats globaux de la France dans l’évaluation internationale Pisa sont médiocres. La proportion d’élèves maîtrisant mal la lecture augmente et atteint 21%. L’écart entre les élèves les plus forts et les plus faibles augmente. « La France est un des pays où les destins scolaires sont le plus fortement corrélés aux origines sociales ». Dans son discours, Didier Migaud donne quelques chiffres : la France est le pays où le retard scolaire à 15 ans est le plus important, un jeune sur six quitte le système éducatif sans diplôme, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur long est faible (24% contre 35% en Norvège et Corée du Sud).

La boussole et le thermomètre. La Cour fustige assez durement le ministère pour la rareté et l’imprécision de ses indicateurs. Mais c’est l’organisation du système éducatif qui est sa cible. Pour D. Migaud, « nos difficultés ne viennent pas des moyens financiers disponibles, mais bien de l’inadaptation du système éducatif qui n’est pas suffisamment orienté vers les besoins des élèves. Le ministère privilégie une gestion uniforme des établissements et de ses personnels plutôt que d’adapter les missions des enseignants et l’organisation administrative aux publics dont il a la charge. C4est donc bien l’organisation de l’enseignement scolaire qui est un facteur explicatif important des résultats décevants de notre système éducatif. Ces choix d’organisation ne permettent pas à notre système éducatif de réduire suffisamment les inégalités ».

Les recommandations. Pour la Cour, il s’agit d’abord de transformer la gestion du système éducatif en accordant plus d’autonomie aux établissements. « Le système doit passer d’une logique de gestion par une offre scolaire uniforme qui est inefficace… à une logique de gestion par la demande scolaire, c’est-à-dire fondée sur la prise en compte des besoins très différents des élèves ». La Cour recommande « une allocation fortement différenciée des moyens d’enseignement ». Elle s’appuierait sur une évaluation des besoins d’accompagnement personnalisé des élèves établissement par établissement. Cela s’accompagnerait d’une augmentation de la responsabilité des établissements : « faire déterminer par les équipes pédagogiques les modalités de répartition des moyens d’enseignement et d’accompagnement personnalisé ». Au total il faut « une forte différenciation (du financement) selon les établissements ».

Un second aspect concerne l’évaluation. La Cour recommande une évaluation des besoins mais aussi « un système d’évaluation des établissements et des équipes pédagogiques à partir des bonnes pratiques relevées en France et à l’étranger ».

Mettre l’effort au primaire. La Cour recommande « d’accroitre la part des financements allouée à l’école primaire en privilégiant le traitement de l’école primaire ». Au passage elle égratigne la semaine de 4 jours recommandant une redéfinition de l’organisation du temps scolaire. On sait que cette recommandation a été entendue dans la circulaire de rentrée qui conseille le retour à la semaine de 9 demi-journées de cours.

Et sur l’éducation prioritaire. Un des grands moments de la conférence de presse a sans doute été le commentaire de Jean Picq sur le coût de l’éducation prioritaire. Estimé à un milliard par le ministère, il précise que « ce chiffre n’est pas confirmé par la Cour ». Compte tenu du profil des enseignants en zep, le coût pourrait aussi bien être inférieur de 10% à celui des autres établissements ! La Cour recommande de « donner aux équipes des moyens dans le cadre de contrats d’objectifs pluriannuels » et de « systématiser les affectations sur profil des responsables et des enseignants ». Une mesure qui a été reprise récemment par le président de la République mais dont on voit mal comment elle pourrait être appliquée.

Un nouveau service pour les enseignants. Si la Cour ne manque pas de rendre hommage au travail des enseignants (« c’est grâce à leur implication personnelle, à leur dévouement et à leur imagination que le système scolaire peut fonctionner en dépit de ses rigidités »), elle décrit un système scolaire où les intérêts des élèves passent après ceux des personnels. Elle demande une révision du statut et « un cadre réglementaire conforme à la diversité de leurs missions qui comprennent l’enseignement disciplinaire, la coordination des équipes pédagogiques et l’accompagnement personnalisé ».

La réaction embarrassée du ministère. Vivement critiqué, le ministère de l’éducation nationale juge le rapport de la Cour excessif. « Ce rapport dresse un constat dont nous partageons à grands traits les principaux éléments. Mais il fait trop peu de cas des réformes que nous avons engagées depuis cinq ans et qui, en grande partie, répondent à ses préconisations », déclare le ministère. « Les développements sur le manque d’autonomie des établissements et sur l’insuffisance de l’approche pluridisciplinaire ignorent largement les réformes structurelles en cours et l’évolution des pratiques au sein des Etablissements publics locaux d’enseignement », ajoute-il. « La rénovation de la voie professionnelle et la réforme du lycée général et technologique ont notamment conduit à un renforcement substantiel de l’autonomie et de la responsabilité des établissements dans l’utilisation des moyens qui leur sont délégués ». Le ministère estime que l’allocation des moyens est déjà tres différenciée selon les établissements. Mais il n’apporte pas de réponses aux critiques portant sur le financement insuffisant du primaire et de l’éducation prioritaire.

Le rapport

http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPT/Rapport-educati[…]

La réponse du ministère

http://www.education.gouv.fr/cid51605/reponse-au-rapport-[…]

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