Print Friendly, PDF & Email

Par François Jarraud

« La réforme est un art d’application » rappelle C. Thélot sur son blog. La publication des décrets a mis en branle la préparation concrète de la réforme dans les établissements. Les premières réunions, les décisions, la publication des nouveaux programmes confirment l’appréciation de C. Thélot : en passant du papier au monde réel, quels désenchantements !

L’organisation générale du lycée est modifiée par la définition précise du conseil pédagogique. Ses membres sont désignés par le chef d’établissement sur la base du volontariat. Il comprend un professeur principal de chaque niveau d’enseignement et un professeur par champ disciplinaire (éventuellement ces deux fonctions conjuguées en une seule personne), le CPE, le chef de travaux, sous la présidence du chef d’établissement. Le conseil est consulté sur « la coordination des enseignements (par exemple la répartition du volant d’heures de mi-groupe), l’organisation de l’accompagnement personnalisé, les modalités de changement d’orientation. Car celui-ci est l’autre innovation forte de la réforme : sur demande écrite des responsables légaux de l’élève, un changement d’orientation peut être accordé par le chef d’établissement après avis du conseil de classe. Elle peut être liée à une remise à niveau. Enfin les décrets reconnaissent un rôle au professeur principal dans l’organisation de l’accompagnement personnalisé.

Orientation. Le ministre souhaite assurer « une meilleure orientation » et faire de la seconde une « vraie classe de détermination ». Cela passe par le choix en seconde de deux enseignements de spécialité d’1h30 hebdomadaire, l’un au moins doit être S.E.S. ou économie gestion. Les programmes seront ajustés. Certaines disciplines (LV3, langues anciennes, EPS, arts du cirque) seront maintenues au format actuel. L’information des élèves sera améliorée grâce à l’accompagnement personnalisé. Des stages en entreprise pourront avoir lieu dans l’année scolaire. Enfin la réorientation en première sera possible grâce à un tronc commun d’enseignement qui atteindra 60% de l’horaire. Il comprendra français, histoire-géo, LV1 et LV2, EPS et ECJS. Des stages passerelle permettront de changer d’orientation.

Accompagnement spécialisé. Chaque élève disposera de deux heures hebdomadaires d’accompagnement personnalisé de la 2de à la Tale. Il comprendra de l’aide, du perfectionnement ou des travaux en autonomie (mais les TPE sont aussi maintenus en 1ère) et aura lieu en petits groupes. Ce qui est nouveau c’est sa conception : l’équipe pédagogique définira un projet d’utilisation des 2 heures. En 2de et 1ère, l’accompagnement « est organisé de manière transversale ». En terminale il est mis en œuvre dans les enseignements de spécialisation. Un tutorat est proposé aux élèves volontaires. Il est assuré par des profs volontaires, des CPE ou des documentalistes.

Les langues. Les horaires de LV1 et LV2 sont globalisés pour faciliter l’enseignement par groupes de compétences. La série L devient « série de l’excellence linguistique ». L’enseignement est « complété par une approche plus culturelle des langues avec un enseignement de littérature étrangère en langue étrangère ». Possibilité d’apprendre 3 langues. Chaque établissement doit nouer un partenariat avec un établissement étranger.

La culture est « dynamisée » dans l’établissement. Un « référent culture » est choisi dans le lycée. Un enseignement d’histoire des arts a lieu dans tous les niveaux du lycée avec l’aide de tous les enseignants. Chaque établissement est invité à nouer des liens avec les établissements culturels.

La classe de seconde bénéficie de ces choix. Les élèves gardent une semaine bien chargée avec 23h30 de cours et 10h30 d’heures en groupe, soit 4h de français, 6 d’histoire-géo, 5h30 de langues (volume unique pour les deux langues), 4 de maths, 3 de physique-chimie, 1h30 de SVT, 2h d’EPS, 0,30 d’ECJS. A cela s’ajoutent 2 h d’accompagnement personnalisé et 2 x 1h30 d’enseignements d’exploration (dont au moins SES ou éco-gestion). Les autres enseignements d’exploration sont les SMS, biotechnologies, physique et chimie d laboratoire, littérature et monde contemporain, sciences de l’ingénieur, méthodes et pratiques scientifiques, conception d eproduits industriels, arts (danse etc.). Total 28h30.

En première le tronc commun atteint 60% de l’horaire. On a donc les mêmes horaires en français (4h), histoire-géo (4h), LV1 et 2 (4h30), EPS (2h), ECJS (0,30). En ES, l’enseignement de spécialisation concerne les maths (3h), les sciences (1h30) et les SES (5h). En S le niveau en sciences est renforcé, c’est ce qui explique que les maths ne font pas partie du tronc commun. On trouve 4h de maths, 6h de sciences. A cela s’ajoutent les TPE (1h) et , avec l’accompagnement on atteint 28h. En L, il y a 1h30 de sciences, 2h de littérature, 2h de littérature étrangère en langue étrangère, 3h à choisir entre arts, arts du cirque,maths, LV3, approfondissements langues, langues anciennes. Total 26h30.

La terminale voit un enseignement différencié. En S, on trouve 3h de philosophie, 4 de langues, 2 d’eps, 0h30 d’ecjs, 6h de maths, 5h de physique, 3h30 de SVT ou sc de l’ingénieur, 2 h de spécialité (maths, physique, svt, informatique et sciences du numérique). L’histoire géo est optionelle (2h). En ES, la philo passe à 4h, l’histoire géo garde 4h; LV1 et 2 4h, EPS 2h, Ecjs 0,30, maths 4h. L’enseignement de spécialité (1h30) concerne maths appliquées, sciences sociales. En série L, la philosophie passe à 78h, histore 4h, LV 1 et 2 en 4 h, eps 2h, ecjs 0,30, littérature 2h, littérature étrangère 1h30. Suivent 3h d’enseignement de spécilaité : arts, maths, approfondissement de langues, droit et grands enjeux du monde contemporain.

Qui y perd et qui y gagne ? L’histoire-géographie perd son enseignement obligatoire en terminale S (une option subsiste) ce qui fait grincer l’APHG mais l’enveloppe horaire a été augmentée en 1ère S de façon équivalente. Plus qu’une réduction horaire, c’est un éclatement que vivent les sciences économiques. La place de l’économie est renforcée mais pas forcément les SES et la sociologie est nettement mise à part en terminale. La baisse des horaires scientifiques en S, qui mobilise l’APBG, est réelle : 3,5 heures disparaissent en première. Mais c’est compensable par utilisation des heures de groupes globalisées qui sont plus importantes dans cette section.

Le B.O. spécial de février

http://www.education.gouv.fr/pid23791/special-n-1-du-4[…]

L’Expresso du 29 janvier

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/01/2[…]

La page spéciale du ministère : présentation de la réforme, textes officiels

http://www.education.gouv.fr/cid50348/espace-pro-pour-[…]

Différencier les filières sans établir de hiérarchie : le HCE juge la réforme du lycée

Le 10 décembre 2009, le Haut Conseil de l’Education a remis des « observations » sur la réforme du lycée. Parmi les idées avancées , la définition de compétences propres aux filières du lycée et une charge en règle contre les SES. Bruno Racine s’en explique.

« Une bonne articulation entre les différents maillons du système éducatif est essentielle pour le Haut Conseil. En amont, le socle commun définit les compétences attendues d’un élève à la fin de la scolarité obligatoire. Le Haut Conseil préconise que soient publiées les compétences dont le lycée permet la maîtrise ». C’est sans doute l’apport le plus important des observations du HCE que cette approche par compétences du lycée. « À ces compétences correspondraient des parcours dans l’enseignement supérieur, afin de diminuer les taux d’échec élevés constatés au cours des deux premières années » ajoute le HCE.  » Le principal avantage de l’approche par compétences réside dans le fait qu’elle permettrait de différencier les filières les unes des autres, sans pour autant établir de hiérarchie entre elles » précise Bruno Racine, président du HCE, dans l’entretien qu’il nous a accordé.

Seconde idée forte de ce texte, le rappel de la nécessité de formaliser les passerelles entre enseignement professionnel et technologique. « La mise en place de ces passerelles est clairement affirmée par la rénovation de la voie professionnelle, notamment dans le cadre du lycée des métiers dont elles constituent l’un des objectifs majeurs ».

Mais ce sont les SES et , à un moindre titre, l’ECJS, qui sont dans le collimateur du Haut conseil. Il « approuve la mesure qui dissocie l’économie des sciences sociales et préconise que soient fixés, dans chacune de ces deux disciplines, des objectifs en termes de compétences à acquérir, ce qui rendra nécessaire la révision des programmes de SES et le remaniement des supports pédagogiques utilisés. Pour l’économie comme pour les sciences sociales, l’enseignement doit se concentrer sur l’apprentissage des fondamentaux, c’est-à-dire des outils conceptuels et analytiques qui en constituent le socle, afin de donner aux élèves une vision plus scientifique de ces disciplines et d’instaurer dans ces domaines une continuité avec l’enseignement supérieur qui n’existe pas aujourd’hui ». On ne saurait démolir davantage cet enseignement, invité à se recadrer ou à accepter de voir ses supports pédagogiques « remaniés ». Quant à l’ECJS, le HCE souhaite « qu’en classe de première et de terminale, la demi-heure hebdomadaire consacrée à l’ECJS (éducation civique, juridique et sociale) (soit) intégrée aux autres enseignements ». Au risque de la voir disparaître…

Bientôt le collège. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Bruno Racine annonce que le HCE remettra en 2010 un rapport sur le collège. Aussi tranchant ?

L’avis du HCE

http://www.hce.education.fr/gallery_files/site/20/55.pdf

Lisez l’entretien avec Bruno Racine

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/12/2009[…]

Un lycée pour les lycéens ?

Après des années de rappels ministériels constants à un enseignement traditionnel, de retour aux fondamentaux, de glorification de l’autoritarisme, la publication des circulaires d’application de la réforme des lycées apporte une véritable bouffée d’oxygène. Est-elle durable ?

Les circulaires publiées le 4 février 2010 mettent toutes le lycéen au centre du lycée. Il y est question de son accès à la culture, de l’accompagnement personnalisé, du tutorat, et même d’une Maison des lycéens à instituer dans les établissements. Tous ces dispositifs sont imaginés pour apporter du sens aux enseignements, motiver les jeunes et les aider individuellement à progresser. Voilà donc des mesures qu’on ne peut que soutenir.

Chatel s’offre un plébiscite. Selon un sondage réalisé pour le ministre par CSA, 76% des Français sont favorables à la réforme du lycée. « Diriez-vous que vous êtes favorable à cette réforme du lycée ? » Pas de traitrise : cette question est la dernière du sondage et vient après un rappel des mesures envisagée. 76% des Français sont favorables, 20% opposés. Encore ce taux est-il inférieur à l’aval donné pour la plupart des points de cette réforme. Là on se hisse dans les nombres staliniens. 93% des Français trouvent que les stages de remise à niveau sont une bonne chose, 88% pour l’accompagnement personnalisé, 84% pour le tronc commun, 77% pour l’enseignement de l’économie généralisé en seconde. Seules la suppression de l’histoire-géo en terminale S divise les Français : 48% sont favorables contre 46%. On remarque même que socialement le ministre trouve plus d’appui dans les milieux modestes et d’adversaires chez les privilégiés et les personnes ayant fait de longues études.

La réforme éveille des espoirs. 73% des français croient qu’elle permettra de prendre davantage en compte les spécificités et de mieux orienter chaque élève. Ils sont encore 63% à croire que le lycée fonctionnera mieux. Des certitudes que les bons connaisseurs du système éducatif regardent avec plus de prudence. Il va falloir maintenant que le ministre s’arrange pour qu’effectivement cette réforme tienne au moins une partie de ses promesses. Qu’il lui en donne les moyens. Et ce ne sera pas une mince affaire.

Pour autant la lecture de ces textes met aussi mal à l’aise. En effet certains dispositifs peuvent aussi bien se retourner contre les lycéens. C’est le cas par exemple des stages passerelles. S’il est évidemment bon qu’un jeune puisse changer de filière en cours de cycle, ces stages peuvent aussi bien augmenter la sélection dans certaines filières. Il risque de rendre plus facile une réorientation et donc une sélection accrue dans certains cas. Un autre exemple est fourni par l’appel à des assistants aussi bien pour l’enseignement des langues que pour les stages. Il peut sembler positif que les enseignants soient aidés dans la prise en charge des élèves par des assistants, par exemple pour encadrer un groupe d’élèves un peu nombreux en langues. Mais l’exemple des assistants d’éducation anglais a montré que leur utilisation avait des retombées tout à fait perverse : l’habitude de confier à des assistants de petits groupes d’élèves faibles pour qu’ils soient mieux pris en charge a abouti en fait à ce que leur niveau baisse.

Enfin il y a cette atmosphère de bricolage que l’on sent dans plusieurs circulaires. Ainsi les stages de remise à niveau sont prévus durant les vacances mais rien n’est dit sur le fonctionnement d’un établissement durant les congés. Il a un coût qui sera payé par les collectivités locales si elles le veulent bien. L’énumération des projets qu’on peut mener en faveur des langues fait appel à des partenaires extérieurs à l’éducation nationale. La politique culturelle se résume elle aussi à l’appel à des organismes extérieurs et au bénévolat enseignant. Si réformer est un art d’exécution, on notera que finalement peu de moyens concrets sont mis en sa faveur. Demain comme hier l’application de la réforme dépendra de la bonne volonté enseignante. A-t-on tout fait pour la mobiliser ?

Les associations de spécialistes contre la réforme du lycée. Sept associations professionnelles d’enseignants, l’Apses, l’Aplv, l’Udppc, l’Aphg, l’Aeeps, l’Apemu et l’Apmep Lille, jugent la réforme du lycée « dangereuse ». Ils dénoncent « une baisse annoncée de la qualité de la formation des élèves » puisque « dans la plupart des disciplines, le projet de réforme aboutit à une diminution des horaires de cours ». Ils craignent « une réforme des structures qui oublie les contenus » et s’indignent du  » rôle pédagogique accru du proviseur et du  » conseil pédagogique « . Pour eux le nouveau lycée sera inégalitaire « parce que l’adaptation locale des horaires signifie des horaires différents d’un lycée à l’autre ».

Promesses non tenues ? Pour Education & Devenir la réforme du lycée ne répond pas aux attentes. C’est ce qu’affirment Françoise Clerc et Alain Boulineau dans cette tribune au vitriol, qui dissèque avec science la réforme Chatel et relève les insuffisances du projet.

Le rééquilibrage des filières leur semble un leurre, la nouvelle filière L présentant « peu d’intérêt au regard des exigences de l’enseignement supérieur ». »Il ne peut y avoir rééquilibrage entre série littéraire et scientifique lorsque tout l’enseignement littéraire fait parte du tronc commun et tout l’enseignement scientifique est considéré comme enseignement de spécialité » assènent-ils. La nouvelle série L ne serait qu’une reconstitution élitiste des ex humanités, mais dans un univers qui a beaucoup changé.

On relèvera encore deux autres critiques : l’écart entre la réforme de la formation des enseignants et les exigences du tutorat mis en place en lycée; l’impasse faite sur l’évaluation, les pratiques pédagogiques et la place de l’élève dans une réforme que les auteurs voient décidément purement idéologique.

Le sondage

http://media.education.gouv.fr/file/01_janvier/45/0/Les_Franca[…]

Dossier : Réformer le lycée

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/2008_Lyc[…]

Les deux textes sur le site de l’Apses

http://www.apses.org/

Lire la tribune de F Clerc et A Boulineau

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/reforme_[…]

De nouveaux droits pour les lycéens ?

A quelques heures de la rentrée, le B.O. du 26 août 2010 publie deux circulaires sur « la responsabilité et l’engagement des lycéens » et sur « la composition et le fonctionnement des instances de la vie lycéenne ». Ces deux textes ne bouleversent pas les instructions précédentes mais elles en confirment le contenu ce qui n’est pas inutile.

Composition des instances de la vie lycéenne

http://www.education.gouv.fr/cid52841/mene1019771c.html

Responsabilité et engagement des lycéens

http://www.education.gouv.fr/cid52840/mene1020118c.html

Sur le site du Café