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Par François Jarraud

L’annonce du gel des salaires des fonctionnaires est évidemment un électrochoc pour tous les fonctionnaires. Mais il sera plus vivement ressenti par les enseignants. Voici pourquoi.

Il faut d’abord rappeler que le « gel » salarial sera en fait une baisse de salaire. Bien sur parce que l’inflation grignote le pouvoir d’achat. Mais aussi parce que le gouvernement entend en même temps augmenter le taux de cotisations sociales pour financer la réforme des retraites par un prélèvement de près de 3% du salaire. Le Snuipp a calculé que c’est en moyenne 65 euros par mois en moins.

Déclassement. Le gel continuera à entretenir le sentiment de déclassement par rapport à d’autres salariés. En 2008, Dominique Goux et Eric Maurin avaient étudié l’évolution des salaires des enseignants par rapport aux salaires du privé. Ils écrivaient : « Du point de vue des enseignants, les décennies récentes ont été celles d’une réduction quantitative des groupes sociaux communément classés comme plus modestes qu’eux (ouvriers et employés), et d’une forte expansion des catégories généralement classées comme autant, sinon plus favorisées qu’eux (cadres et professions intermédiaires du privé). Cette évolution a incontestablement contribué à une forme de banalisation, sinon de déclassement des métiers enseignants ».

Mais l’étude montrait aussi une évolution différente des rémunérations des enseignants et des autres fonctionnaires. « Les rémunérations versées par l’Etat à ses cadres non enseignants (ont) crû en moyenne – tous âges confondus- de 2,5% par an contre 1,9% seulement environ pour les enseignants (de 1982 à 2005), une différence considérable. Pour mieux comprendre ce décrochage salarial des enseignants, il est éclairant de comparer l’évolution des traitements bruts avec celle des salaires bruts (traitement brut + primes et indemnités). Cette comparaison révèle que le déficit salarial croissant des enseignants est avant tout la conséquence d’une politique de rémunérations complémentaires (primes et indemnités) moins dynamique pour eux que pour les autres cadres A. En fait, les traitements bruts des enseignants ont augmenté à peu près exactement au même rythme que ceux des cadres non enseignants, mais leurs rémunérations complémentaires (primes et indemnités) beaucoup moins vite. En 2005, les enseignants du secondaire ont finalement des niveaux de traitements bruts assez similaires à ceux des autres cadres A de la fonction publique, mais ils gagnent en net près de 50% de moins, du fait d’indemnités et de primes considérablement plus ».

Le gel des salaires des enseignants va donc accélérer leur déclassement par rapport aux salariés du privé. Mais il va aussi frapper une catégorie de fonctionnaires déjà défavorisée par rapport aux autres fonctionnaires. En ce sens cette mesure qui tombe sur un corps où le climat social est déjà très dégradé a peu de chance d’être admise facilement.

Etude

http://www.cepremap.ens.fr/depot/docweb/docweb0802.pdf

Les enseignants restent en–dessous des salaires moyens

Quelle catégorie d’agents de l’Etat se repère rapidement dans les tableaux : les enseignants. Selon une étude Insee, alors que les cadres de la fonction publique d’Etat percevaient un salaire moyen net de 30 295 € en 2007, les enseignants assimilés cadres touchaient 28 370. Même écart pour les professions intermédiaires : 23 981 et 18 609. L’étude établit que les salaires des fonctionnaires ont augmenté 0,3% de 2006 à 2007, déduction faite des salariés faiblement qualifiés versés dans la fonction publique territoriale.

Etude Insee

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?id=2651

Revalorisation : Le mammouth accouche d’une souris

190 000 profs revalorisés. Lors du Grand Jury RTL – Le Figaro – Lci, dimanche 28 mars 2010, le ministre de l’éducation nationale a annoncé une augmentation de 157 euros nets par mois des professeurs des écoles et certifiés et 259 euros pour les agrégés en début de carrière à compter du 1er septembre 2010. Cela concerne environ 20 000 enseignants. Pour les enseignants déjà en fonction, il est prévu, sur les 7 premières années d’enseignement, une revalorisation de 660 euros nets annuels. Cela concerne environ 170.000 enseignants.

La mobilité en perspective. Luc Chatel avait annoncé dès sa prise de fonctions sa volonté d’instituer une véritable gestion des personnels. Il en résulte une série de mesures concernant la formation, la santé et la gestion des carrières. Le ministre permettra à partir de septembre 2010 le bénéfice du droit individuel à la formation. Chaque enseignant pourra bénéficier de 20 heures de formation par an, prises lors des vacances scolaires et rémunérée 50% du salaire horaire. Concernant la santé, le ministère proposera un bilan de santé à tous les enseignants l’année de leur 50 ans. Un effort est fait pour la gestion des carrières. Chaque enseignant bénéficiera de deux entretiens sur la mobilité professionnelle dans sa vie professionnelle, un après deux ans et un autre après 15 ans de carrière. En ce qui concerne la seconde carrière, un portail internet recensera les postes à pourvoir hors éducation nationale.

Un accueil mitigé. Les syndicats ont réagi à cette annonce. Ils relèvent d’abord qu’elle a lieu deux jours avant la réunion avec eux. « Il y une certaine déception », a déclaré Gilles Moindrot, secrétaire général du Snuipp à l’AFP. « On espère que davantage d’enseignants seront concernés ». Thierry Cadart, pour le Sgen Cfdt, constate que le ministre s’en tient « à l’hypothèse basse ». La critique la plus sévère vient de la CGT qui parle « d’arnaque de la communication ministérielle ». « La réalité, est que le ministre supprime l’échelonnement indiciaire de début de carrière (1er et 2ème échelon actuel), qui correspond à l’année de stage de l’enseignant recruté jusqu’à présent après la licence », note la Cgt. « Si effectivement, les enseignants débutants seront revalorisés, la comparaison avec la situation actuelle montre qu’en réalité les nouveaux enseignants vont y perdre ! En effet, avant le concours, « l’enseignant revalorisé » ne touchera au mieux que les 3000 euros s’il effectue des stages en responsabilité puis, une fois le concours obtenu, il entrera dans la nouvelle grille « revalorisée ». En supprimant ainsi l’accélération de début de carrière obtenue par les enseignants en 1990 et en reculant l’entrée dans le métier, le ministère fait perdre plus de 13 000 euros aux « enseignants revalorisés » sur les 10 ans suivant leur année de M1 par rapport aux enseignants actuels ! ». La Cgt estime que « le gouvernement va engranger le bénéfice de la masterisation ».

L’émission Grand jury RTL Figaro LCI

http://www.rtl.fr/fiche/5937271781/invite-du-grand-jury-r[…]

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