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Par François Jarraud

Québec, Etats-Unis, Finlande. Ce dernier pays a probablement inspiré partiellement la réforme Chatel. Tous trois donnent à voir pourtant des fonctionnements différents du lycée du à un véritable souci de démocratisation.

Québec : Pour un lycée milieu de vie

« Pourquoi, à conditions égales ou semblables,certaines écoles sont-elles reconnues comme étant plus aptes à répondre aux besoins des jeunes ? Sur quels éléments repose le rayonnement de certaines écoles secondaires à l’intérieur du réseau scolaire? Quelles sont les conditions à réunir pour accroître la capacité d’une école à répondre aux besoins des jeunes du secondaire ? » On le voit, quand le Conseil supérieur de l’éducation québécois, un organisme un peu comparable au HCE français, réfléchit à la réforme de l’enseignement secondaire, il se place d’emblée du coté des jeunes. C’est là sans doute, pour les enseignants français, un angle de vue original.

Du coup les recommandations du CSE insèrent l’établissement dans une dimension socio-éducative.  » Le Conseil invite à favoriser le développement d’une école secondaire milieu de vie axée sur la prise en compte de tous les besoins des élèves compte tenu de la place singulière qu’elle occupe dans la trajectoire de développement des jeunes à l’adolescence » écrit le CSE. « Une deuxième orientation vise à affermir les relations entre l’école secondaire et la famille et le Conseil invite les acteurs scolaires à en faire un chantier prioritaire au cours des années à venir. La troisième orientation vise,quant à elle,à accompagner les enseignantes et enseignants et soutenir leur développement professionnel au regard du besoin des jeunes d’être en relation avec des adultes signifiants, et le Conseil privilégie la voie de la diversification de la tâche pour favoriser le ressourcement personnel et professionnel des enseignantes et enseignants qui travaillent dans les écoles secondaires. Enfin, une quatrième orientation invite à soutenir l’exercice d’un leadership local fort pour assurer une réponse appropriée aux besoins de tous les élèves du secondaire ».

Parmi les recommandations on notera le soutien financier aux associations de parents, perçues comme des acteurs importants de la vie de l’établissement. La nécessité d’avoir des enseignants  » ouverts, dynamiques et attentifs, préoccupés de leur réussite, respectueux de leurs idées et de ce qu’ils sont comme personnes,capables de valorisation,de reconnaissance et de soutien » et un établissement accueillant. Ce qui passe par une organisation adaptée :  » des valeurs partagées et connues de tous les acteurs scolaires…, l’hétérogénéité de l’effectif scolaire est un atout et une richesse…, des modes d’organisation scolaire axés sur l’élève et sa réussite. Les regroupements par familles, degrés ou cycles d’apprentissage destinés à créer de petites communautés d’apprentissage renforcent la relation pédagogique en affectant un nombre restreint d’enseignantes et d’enseignants auprès des élèves, des lieux d’engagement et d’exercice de la citoyenneté…, des infrastructures scolaires soignées et stimulantes ».

L’autonomie renforcée des établissements (des commissions scolaires au Québec) est perçue comme un moyen de mieux adapter l’établissement aux attentes des jeunes, entre autre en faisant évoluer les missions des esneignants. Le CSE souhaite que la formation des enseignants prenne en compte ces exigences :  » mettre un accent particulier, dans l’offre de formation initiale et continue du personnel enseignant, sur le développement des compétences relatives à la communication avec les parents, sur la compréhension des besoins qui se manifestent à l’adolescence et sur le développement de leurs capacités à communiquer avec les élèves à l’adolescence ».

Etude CSE

http://www.cse.gouv.qc.ca/fichiers/documents/publications/Av[…]

« Ce que le lycée américain nous apprend. Entretien avec Danielle Colardyn

« Aujourd’hui, 87 % des américains de 55-64 ans ont terminé la High School quand ils étaient jeunes. Les Européens ne sont que 55% » nous rappelle Danielle Colardyn, chercheur associé à Boston University, ex-administrateur à la direction de l’éducation de l’OCDE . D’où l’idée d’aller voir précisément ce que l’expérience américaine peut nous apporter. Danielle Cordyn en tire trois recommandations.

Vous montrez de grandes différences entre la high school américaine et le lycée français. Il y en a d’abord d’historiques. L’histoire de l’enseignement secondaire américain est traversée de crises et de débats nationaux qui semblent ici assez violents. C’est toujours un sujet qui passionne les Américains ?

L’éducation passionne toujours l’opinion publique et les hommes politiques aux États-Unis. En juillet 2009, le Président Obama a lancé une Initiative pour que d’ici à 2020, 5 millions de jeunes et d’adultes obtiennent un diplôme équivalent à une ou deux années après la High School. Il y a un débat permanent sur l’ingérence ou l’étendue des responsabilités de l’État fédéral dans l’éducation. La Constitution ne lui confère aucune responsabilité: les États et localités sont en charge. Ainsi, l’État fédéral n’intervient qu’à concurrence de 10% dans le financement de l’éducation (primaire et secondaire) et il n’est pas habilité à définir des standards (référentiels) ou des examens nationaux.

Toujours par la Constitution, l’État Fédéral doit assurer le bien-être de la population et à ce titre, il a une responsabilité d’intervention. Par son pouvoir législation l’État fédéral promeut des lois (Octroi de terres, 19e siècle, GI Bill en 1944). Par son pouvoir judiciaire, il veille à garantir des droits égaux à tous les citoyens. Tout citoyen peut faire appel à la Cour suprême (niveau fédéral) qui peut condamner une pratique éducative d’un État. C’est ainsi qu’en 1954, la doctrine « séparé mais égal » est condamnée (Brown versus Board of Education decision).

Pour faire un parallèle : dans l’éducation, qui a quels pouvoirs dans l’Union européenne et dans les États membres ? L’éducation est une prérogative des États membres et non d’un organe supranational. La situation et les tensions sont similaires.

Une autre originalité historique c’est la volonté de construire un système de type collège / lycée unique dans un pays où les inégalités sociales et « raciales » sont fortes. Comment expliquer cette contradiction ?

Cette contradiction s’explique une interprétation différente de l’égalité d’accès.

A la création des États-Unis, le désir politique explicite et fort est de rompre avec un système éducatif élitiste copié sur l’Europe car il ne permet pas l’entrée massive d’enfants à l’école. Au 19ème siècle, l’industrialisation se développée vite et une école « de masse » est nécessaire. Dès lors, les choix sont faits d’un enseignement ouvert à tous (blanc à cette époque) et d’une structure unique en 12 années (K+12) : ce sont là les seuls éléments communs à l’éducation sur le territoire des États-Unis. Pour tout le reste, l’enseignement est une vaste mosaïque et non un système comme on le conçoit en France ou en Allemagne, par exemple.

Tout ce qui concerne l’organisation des études, le contenu des programmes, les examens et les diplômes sont des affaires qui relèvent des États et localités. La plus grande diversité est la règle assumée : « chacun doit être en mesure de trouver l’enseignement qui lui convient ». L’égalité n’est pas interprétée comme « le même dispositif est ouvert à tous ».

Comment évolue le lycée américain ? En quoi peut-il être proposé en modèle ?

Il ne s’agit pas de proposer un modèle mais de réfléchir aux leçons à tirer d’un pays qui depuis plus de 60 ans, conduit 80% d’une génération à la fin de la High School. Aujourd’hui, 87 % des américains de 55-64 ans ont terminé la High School quand ils étaient jeunes. Les Européens ne sont que 55% et avec de très grands écarts entre les pays. De cette formidable expérience d’ouverture de l’école, quelles leçons tirer pour nous en France et en Europe ?

Comme y sont-ils arrivés ? Par la diversité. Quel problème à surgit ? Celui de la qualité. Quelle solution a été trouvée pour y remédier ? Actuellement, aucune. Quelles approches ont été tentées ? De nombreuses (modules, choix des parcours, renforcement des standards, les États négocient pour s’accorder sur les exigences). Aujourd’hui, aucun pays n’a trouvé de solution miracle pour préserver la qualité d’un enseignement quasi-universel dès lors que les populations scolaires sont de plus en plus hétérogènes. Une première leçon est de ne pas copier ce qui n’a pas marché.

Le pilotage par l’évaluation est pourtant très critiqué en Grande Bretagne et aux États-Unis. Une récente étude du NCES montre que les États ont baissé leurs exigences. Les enseignants anglais craignent que l’on réduise l’enseignement aux matières testées. Globalement l’accusation c’est que les tests d’évaluation font tomber le niveau. Quelles réponses apportez-vous à ces critiques ?

Les examens du Bac sont-ils soupçonnés de faire baisser le niveau de l’enseignement ? Si une interrogation est de mise, elle concerne les référentiels (contenu d’un programme) et non l’examen (assimilation du programme par l’élève).

Aux États-Unis, test, examen et évaluation sont de nature profondément différente : il y a des tests à la High School, des « examens nationaux » gérés par des associations extérieures et les évaluations sous la responsabilité de l’État fédéral.

A la High School, l’élève passe des crédits et éventuellement un test final (QCM) avec un diplôme. Les résultats sont nominatifs. Les États fixent leurs exigences.

A la High School, un élève peut choisir de suivre des cours avancées (anglais, mathématiques, langues, etc.) pour se préparer à l’enseignement supérieur. L’examen (QCM) est « national » : les questions sont identiques sur tout le territoire et les résultats sont nominatifs. Les tests d’aptitude scolaire (SAT) pour postuler à l’université sont due même nature.

Depuis les années 1960, les évaluations nationales sont de la responsabilité de l’État fédéral qui les utilise pour suivre et « piloter » l’enseignement. Le NCES (Centre national pour les statistiques éducatives) réalise ces évaluations sur des échantillons représentatifs, les résultats sont ne sont pas nominatifs.

Donc, oui, le NCES, organisme fédéral, évalue les actions des États et signale que certains baissent leurs exigences scolaires comme stratégie pour répondre aux demandes la loi « aucun enfant laissé pour compte (Président Bush).

Un autre débat se porte sur le testeur lui même. Qui est le mieux placé pour évaluer l’efficacité d’un établissement ? L’État ? L’échelon local ? Un organisme extérieur ? L’établissement lui même ?

Le principe fondamental est de ne pas être juge et partie. Ensuite et selon la question, chacun (classe, école, localité, État, État fédéral) a son apport spécifique. Avec la loi « aucun enfant laissé pour compte (Président Bush), il y a eut une obligation de juger du résultat des écoles sur la base des résultats des élèves et non plus uniquement sur la gestion des budgets. L’application ne s’est pas révélée très probante. Aujourd’hui, le Président Obama recentre les politiques : il demande aux États de s’accorder sur des exigences communes et d’aligner le niveau en fin de High School sur les exigences du supérieur. D’ici à 2020, il souhaite que les États-Unis retrouvent leur position de leader dans le domaine de l’éducation.

Ces résultats doivent-ils être rendu publics ?

Oui, la transparence est préférable à l’opacité.

Quels enseignements peut-on retenir de l’exemple américain ?

Voici quelques leçons, non exhaustives :

pour intégrer des populations hétérogènes, il ne faut surtout pas baisser le niveau d’exigence ;

préserver le niveau du secondaire signifie qu’il reste aligné sur les exigences à l’entrée dans le supérieur (le cours de rattrapage à l’université est le signe de problèmes dans le secondaire) ;

les résultats d’une école sont à juger aussi sur les résultats des élèves : la famille et l’élève ont une responsabilité ;

pour piloter des dispositifs à l’échelon d’un continent, les évaluations sont indispensables. Elles donnent un signal d’alarme rapide. Par exemple, dans l’Union européenne, une évaluation européenne permettrait une réaction plus rapide que 27 examens nationaux. Elle ne pourrait remplacer les examens pour juger du niveau des élèves dans chaque État.

Danielle Colardyn

Entretien : François Jarraud

Danielle Colardyn, La High School aux Etats-Unis. Quelles leçons pour l’éducation en Europe ?, De Boeck, Bruxelles, 2009, 152 p.

Présentation et commande de l’ouvrage

http://universite.deboeck.com/livre/?GCOI=28011100050220

Voir aussi sur le Café :

Denis Meuret : le lycée américain

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2008/[…]

Dossier Réformer le lycée

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/200[…]

Le lycée aux Etats-Unis : entretien avec Denis Meuret

« Gouverner l’Ecole », le dernier livre de Denis Meuret, est un des ouvrages les plus importants écrits sur le système éducatif français ces dernières années. Parfait connaisseur du système éducatif américain, Denis Meuret a bien voulu répondre aux questions du Café.

Quand on regarde le taux de bacheliers aux Etats-Unis et en France , et encore plus le taux d’accès à des études supérieures longues, on voit immédiatement que le lycée américain semble plus efficace pour porter une classe d’âge vers des études supérieures. Quels mécanismes expliquent que ce taux soit plus fort aux Etats-Unis ?

Il me semble qu’on peut avancer deux types de raison. D’abord, aux Etats-Unis, on perçoit davantage celui qui veut continuer ses études comme une chance, au lieu de se demander s’il est bien sûr qu’il le mérite ou s’il ne risque pas d’alimenter l’inflation scolaire. J’ajoute que, dans l’enseignement supérieur américain, un étudiant est davantage autorisé à ne pas se spécialiser tout de suite. En grossissant le trait, le spécialisation qui intervient en France en fin de seconde intervient aux USA à l’entrée de la Graduate School, et l’inverse de la spécialisation n’est pas un tronc commun, mais le libre choix de chacun selon ses centres d’intérêts, un choix dan un éventail trop laxiste d’ailleurs selon certains. selon certains.

Ensuite, et plus concrètement, il existe des institutions d’enseignement supérieurs de niveau d’exigence très divers, qui donc accueillent des élèves de niveau très divers..Beaucoup de mes interlocuteurs américains insistent sur l’idée que, quelque soit le niveau de l’institution dans laquelle on s’inscrit, on trouvera, si on y réussit et travaille bien, une institution d’aval d’un niveau un peu supérieur prête à vous accueillir.

On a donc affaire à deux conceptions différentes de l’enfant et de l’Ecole. Peut on dire que le statut de lycéen soit vécu à l’identique en France et aux Etats-Unis ? Comment expliquer ces différences

C’est une question difficile… Nous savons par PISA que les lycéens américains sont plus nombreux que les français à se déclarer traités par leurs enseignants avec justice, soutenus par leurs professeurs dans leur travail, s’entendre bien avec lesdits professeurs. Par ailleurs, le sentiment d’appartenance à l’établissement y est plus fort qu’en France. D’une façon plus générale, il me semble que le statut d’élève aux Etats Unis est marqué par ceci que l’école est dans ce pays un endroit où la communauté confie ses enfants aux enseignants pour qu’ils les lui rendent « grandis », tandis que, dans le modèle français, les parents confient leurs enfants à l’Etat, ou à l’Eglise, pour qu’il les éduquent à l’écart de la mauvaise influence du monde.

X. Darcos a annoncé dans sa réforme du lycée des parcours modulaires et personnalisés. Cela vous semble t il greffable sur le système français ? Et si non pourquoi ?

D’une part, je trouve cette logique préférable à la logique des filières, qui empêche les élèves de progresser dans des disciplines fondamentales au motif curieux qu’ils y sont faibles. D’autre part, je pense que cela peut réussir parce que la proportion élevée de lycéens qui continuent à l’Université le rend nécessaire. Autrement dit, en toute logique, cela aurait dû être fait avant que l’Université ne s’ouvre au plus grand nombre, mais il faut croire que nous ne sommes pas toujours rationnels. D’autres l’ont dit avant moi: le lycée général actuel est organisé par les CPGE (par la distinction taupe/khagne correspondant aux filières L/S) alors que la plupart des études universitaires exigent plutôt des compétences en maths, sciences, langue française et anglais.

X Darcos annonce aussi davantage d’autonomie pour les établissements. Aux Etats Unis on assiste plutôt à un renforcement de l’influence de l’Etat fédéral à travers tout un système d’évaluation par exemple. Où se situerait le bon équilibre ?

Le modèle vers lequel la plupart des pays, y compris la France et les Etats Unis, se dirigent, et qui semble en effet le plus propice à l’efficacité, combine une forte autonomie des établissements quant à l’organisation pédagogique et un fort contrôle de l’Etat sur leurs résultats, soit sur la progression des élèves, en particulier des plus faibles. Les tentatives de jouer uniquement sur l’autonomie des établissements, initiées au plus fort de la vague libérale dans les années 80 aux USA ont donné des résultats décevants, y compris sous la forme extrême des « Charter schools ». Ceci dit, nous avons dit en France qu’il fallait utiliser cette autonomie pour « s’adapter à son environnement », ce qui a été compris comme « s’adapter à la faiblesse des élèves des »quartiers », alors qu’il s’agît plutôt , et pour tous les établissements, d’utiliser son autonomie « pour s’améliorer », c’est à dire pour faire progresser davantage les élèves.

On sent bien aussi dans les mesures Darcos, par exemple le cahier de texte électronique obligatoire prochainement, la volonté de rendre l’Ecole plus transparente à la communauté qui l’entoure. Est ce le cas des établissements américains ?

Oui. Vous trouverez sur internet des tas de statistiques pertinentes sur la plupart des établissements scolaires américains, y compris les résultats des élèves aux épreuves standardisées. Il ne s’agît pas du tout de donner aux parents le pouvoir dans l’école, il s’agît, et c’est très différent que chaque établissement soit conscient qu’il est comptable de la façon dont il fait progresser les élèves dans des directions que son projet d’établissement décide dans le respect des standards nationaux, le socle commun par exemple. cf plus haut sur les liens avec la communauté.

Dans votre livre Gouverner l’école, vous montrez que les deux systèmes reposent sur des philosophies différentes. La France peut-elle abandonner Durkheim ?

Certainement, et je vous remercie de me poser la question, parce que certains lient dans mon livre la description d’une « culture » , d’un « esprit » français qui handicaperait des évolutions nécessaires. J’ai dû être maladroit, mais mon idée est plutôt que Durkheim a réalisé une opération politique, à donner la plus cohérente expression du récit, qui, en France à ce moment là, était le seul capable de justifier l’école républicaine. Autrement dit, il faut à la fois admirer l’opération durkheimienne, reconnaître ce que nous lui devons, reconnaître aussi qu’elle nous gêne aujourd’hui, et inventer un autre récit, pour lequel, toujours à mon sens, Dewey peut être une source d’inspiration, parce que les objectifs qu’il fixe à lécole (produire des individus libres, imaginatifs et créatifs ; vivifier la démocratie en produisant des individus capables d’échanges plus riches et plus divers) sont particulièrement pertinents aujourd’hui.

Denis Meuret

Dernier ouvrage publié :

MEURET, Denis, Gouverner l’école. Une comparaison France / Etats-Unis, Presses Universitaires de France, 2007, 232 pages,

Compte-rendu de P. Picard dans le Café n°82

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/primaire/e[…]

Commander l’ouvrage :

http://www.puf.com/Book.aspx?book_id=022733

Sur le Café :

L’Ecole française n’est pas gouvernée

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/8[…]

Améliorer l’Ecole

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages[…]

En Finlande – Entretien avec Paul Robert

Voilà encore un livre qui a fait du bruit ! Paul Robert est simplement allé voir comment le système éducatif le plus performant fonctionne. Le résultat prend à rebrousse poil nos conceptions les plus ancrées. Xavier Darcos a-t-il lu Paul Robert ? Entre le projet ministériel et le système finlandais il y a bien des ressemblances…

Xavier Darcos a annoncé récemment une réforme du lycée où on trouve plusieurs éléments qui donnent à penser qu’il a pu être influencé par le système éducatif finlandais. Est-ce votre avis ?

Il est allé en Finlande et je crois qu’il a dit qu’il avait été fasciné par ce système, du moins au niveau du lycée.

Par exemple, les « points de convergence » qui posent le socle de la réforme évoque des formations modulaires. C’est le cas aussi en Finlande ?

C’est la caractéristique principale du lycée finlandais. Et ça n’a pas toujours été le cas. En fait c’est une réforme introduite à la fin des années 1980 qui a bouleversé, en dépit des résistances, la forme classique des études. En Finlande on a commencé par supprimer les filières avant d’imposer les modules. Il y avait une forte volonté de casser les filières, de mettre plus de souplesse dans les parcours des élèves.

Dans l’enseignement général finlandais, il y avait deux voies, la littéraire et la scientifique. On les a supprimé dès 1975. Ensuite seulement on a introduit un système de modules pour que les lycéens puissent profiter pleinement du lycée.

Il y a quand même une restriction : l’enseignement professionnel reste séparé. Dans mon livre je raconte que les Finlandais ont essayé de diminuer les différences entre lycée général et professionnel, par exemple en gommant toutes les différences dans les orientations à la fin de l’école fondamentale (NDLR : qui englobe dans un seul établissement ce qui relève en France de l’école élémentaire et du collège) de façon à créer une structure commune. Cela a été abandonné. Une autre tentative a consisté à essayer d’ouvrir les mêmes perspectives à la fin du lycée, les élèves du professionnel disposant de quotas réservés en université. L’expérience a été décevante. On en est resté à une orientation unique à 16 ans, à la fin de l’école fondamentale. Et elle repose trop souvent encore sur l’échec. Ils ont par contre mis en place un dispositif intéressant : une 10ème année d’enseignement fondamental réservée aux volontaires qui veulent améliorer leur niveau, en fait un redoublement librement consenti.

La réforme Darcos envisage de modifier le suivi des élèves. Qu’en est-il en Finlande ?

Un des aspects les plus intéressants du lycée finlandais, c’est que la classe y a disparu. A la place on a des modules, à l’image de ce qui existe en faculté avec les U.V. Les élèves composent leur cursus avec ces modules. Ils doivent suivre 75 « cours » sur 3 ans, chaque cours étant composé de 38 séquences de 45 minutes réparties sur 6 semaines. Sur ces 75, 45 sont obligatoires. 30 sont à choisir : il peut s’agir d’approfondissement d’un cours obligatoire ou d’une autre discipline. Par exemple, en histoire, les jeunes doivent suivre 6 cours obligatoires mais ils peuvent en prendre jusqu’à 9. Certaines disciplines sont totalement optionnelles et varient d’un lycée à l’autre. Par exemple un lycée a ouvert un cours de création d’entreprise qui est mené d’une façon très réaliste. Cela permet aux lycées de définir une identité en s’axant sur la musique ou les sciences par exemple.

Pour faire leur choix, les élèves sont aidés par des conseillers d’orientation. Ils les aident aussi sur le plan méthodologique : les conseillers travaillent avec eux leurs méthodes de travail, les aident à acquérir davantage d’autonomie. C’est un point essentiel pour faire passer une réforme de cette ampleur.

Quels sont les avantages de ce système ?

Cela développe l’autonomie des lycéens qui avancent à leur rythme. Il n’y a plus de redoublement, ce qui est aussi un avantage économique. Le jeune qui n’a pas été admis à la fin d’un cours peut toujours le repasser sans avoir à redoubler une année complète. Enfin cela responsabilise les lycéens.

Vous pensez que cela a changé les rapports entre profs et élèves ?

Certains professeurs se plaignent de la disparition de la classe et de la relation qui se construisait sur une année entière. Mais globalement les jeunes sont contents. Entre profs et élèves, ce qui est surprenant pour nous c’est la grande familiarité, l’absence du sentiment hiérarchique si présent ici. Les professeurs sont accessibles. On peut appeler son prof de maths sur son portable pour un conseil par exemple. A vrai dire, cette relation n’est pas liée à la modularité. Elle est déjà présente à l’école fondamentale.

Cette réforme a rencontré des résistances ?

Elles ont porté sur la disparition de la classe, ou encore sur l’autonomie des élèves. Certains pensaient que les élèves n’en avaient pas assez. Ou encore ils craignaient que cela renforce les inégalités sociales entre les élèves qui peuvent être aidés à la maison et ceux qui ne le sont pas. C’est en réponse à ces critiques qu’ont été créés les conseillers évoqués plus haut. Il y avait aussi la peur que les élèves ne choisissent que des modules faciles.

En France où pourraient être les freins ?

D’abord la précipitation : un changement de cette ampleur ne peut se faire en un an. Il a fallu 12 années en Finlande ! Cette réforme implique une refonte du métier d’enseignant dans un sens différent de ce qui semble se dessiner.

La formation des enseignants est différente en Finlande ?

Oui et c’est la clé de la réussite. Ils ont su lier la formation professionnelle et la progression dans le métier. Ils ont également associé étroitement formation théorique et pratique tout au long de la formation. Le résultat c’est qu’ils forment des enseignants qui ont une grande capacité à réfléchir sur leurs pratiques. Du coup d’ailleurs ils ont supprimé les inspections il y a 15 ans. Ils n’en ont plus besoin.

Une autre clé c’est la qualité du suivi des élèves dès le jardin d’enfant. C’est très important pour lutter contre les inégalités sociales. Les enfants sont testés dès leur plus jeune âge et quand des difficultés cognitives sont décelées un plan est mis en place pour les aider. Si on réforme le lycée sans rien faire en amont on maintiendra les inégalités.

Enfin la réforme fonctionne en Finlande grâce aux conseillers. Il faudrait être capable de les créer. En Finlande il y en a un pour 200 élèves. Actuellement dans mon secteur il y a un conseiller d’orientation pour 1 500 élèves…

Paul Robert

La Finlande, un modèle pour la France ?

Il y a un an, la publication de l’ouvrage de Paul Robert sur le système éducatif finlandais avait suscité un intérêt si puissant qu’il avait peut-être touché X Darcos, le poussant à s’inspirer de la Finlande pour la réforme du lycée. Cette deuxième édition n’est pas la simple reproduction de la première. Paul Robert est retourné en Finlande et a tenté d’y trouver des réponses aux questions actuelles sur l’Ecole.

On retrouve les éléments forts de la première édition avec la présentation du système éducatif finlandais, de ses modes de fonctionnement, de ses principes éducatifs. Mais P Robert l’interroge aussi au regard des faits divers violents qui ont frappé les lycées finlandais. Il revient sur les modules mis en place au lycée qu’il juge maintenant moins positivement.

L’Ecole finlandaise reste bien un modèle que les acteurs de l’Ecole ne peuvent plus écarter d’un revers de main.

Paul Robert, La Finlande un modèle éducatif pour la France, ESF, Paris, 2009.


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