Par François Jarraud
Peut-on à droite parler autrement de l’école et des quartiers défavorisés ? Chargée d’une étude prospective sur « les années collège dans les territoires urbains sensibles », la sénatrice UMP Fabienne Keller porte un regard particulier sur les quartiers, le travail des enseignants et la politique de la ville. Son rapport, annoncé pour février, devrait prendre à rebrousse-poil des thèmes majoritaires et proposer des scénarios contre la ghettoïsation.
« Je croyais tout savoir sur les quartiers« , confie Fabienne Keller. « Avec cette mission j’ai appris beaucoup ». Chargée par la Délégation sénatoriale à la prospective, d’une étude sur « les années collège dans les territoires urbains sensibles », Fabienne Keller, ancienne maire de Strasbourg, a découvert les ZUS (zones urbaines sensibles) de Marseille, Roubaix ou Clichy-sous-Bois. Elle a conduit son étude en s’entourant d’experts et en allant sur le terrain. Elle en revient avec une certaine idée des quartiers et du collège.
Rien d’original dans le constat. Aux Bosquets, à Montfermeil, 44% des habitants ont moins de 20 ans. Dans les quartiers est de Roubaix, la moitié a moins de 30 ans. Le taux de décrochage scolaire est élevé et la proportion de jeunes au chômage est deux fois plus élevée que dans les autres quartiers. A cela s’ajoute un ségrégation ethnique croissante. A Clichy-sous-Bois, 76% des jeunes ont une origine étrangère. F. Keller parle de « décrochage croissant de certains territoires où grandit une part importante de la jeunesse ». Elle reconnaîit que depuis 2005, il y a eu peu de changements. Le plan banlieue de Fadela Amara a eu peu d’effets. Pour la politique de la ville, elle met l’accent sur la nécessité de préserver et continuer les politiques existantes. Par exemple prolonger la politique de rénovation urbaine. Mais en nommant un coordinateur des différents acteurs. Pour elle c’est le maire qui devrait faire cette coordination. L’objectif c’est « mettre en oeuvre un droit à l’ordinaire » dans les quartiers. Encourager l’emploi et « engager le débat sur l’avenir de notre modèle d’intégration ».
« Il se passe des choses formidables dans les collèges », affirme F Keller. « C’est trop facile de les décrier ». Là où l’UMP fait campagne pour la suppression du collège unique, la sélection, la mise à l’écart et l’enfermement dans des établissements spéciaux, F Keller plaide en faveur du collège unique et du socle commun. « Les collèges prennent en charge tous les enfants », explique-t-elle. « Ils sont les seuls à faire cela. Et ça mérite le respect ». « L’échec des zep ? Je suis prudente là dessus ». De ses rencontres de terrain elle a ramené le souvenir d’enseignants très investis. « Ils savent mobiliser les élèves pour les amener à travailler, quitte à être un peu en marge des programmes », dit-elle. Il reste à mutualiser leur savoir-faire. L’assouplissement de la carte scolaire ne les a pas aidés, estime-t-elle.
Une autre politique prioritaire. Comment améliorer l’enseignement prioritaire ? Le dispositif CLAIR, expérimenté par Luc Chatel, a trouvé la solution : donner au chef d’établissement le contrôle des emplois des enseignants et non-enseignants, F Keller accueille avec scepticisme la mesure. « Qu’il faille les renforcer, oui. Mais je ne suis pas sure qu’il faille les charger de cela. Cela amènera « des embrouilles » comme on dit dans les quartiers ». Le plus urgent lui semble être le soutien aux enseignants. « Aujourd’hui la seule incitation qu’ils ont à travailler en zep c’est de gagner des points pour pouvoir les quitter plus vite. C’est paradoxal ». Elle relève aussi les difficultés pour les jeunes enseignants à habiter les quartiers. « Il faut inciter les enseignants à rester dans les quartiers » et pour cela augmenter leur attractivité : les accompagner financièrement et pédagogiquement davantage.
Un colloque, le 27 janvier, permettra d’avancer des scénarios d’évolution des quartiers en jouant sur une vingtaine de données. En février, F Keller rendra son rapport. On devrait être alors en plein déploiement du dispositif CLAIR. « Le temps du politique et celui de l’éducation se marient mal », prévient Fabienne Keller.
Le blog des « années collège »
http://blogs.senat.fr/annees-college/
Sur l’enseignement prioritaire
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/sdp_nouv08.aspx
