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Colloque Se-Unsa : Quel avenir pour le collège ?

Par François Jarraud et Françoise Solliec

Avec près de 300 participants, le colloque « Imaginons le collège de demain » organisé par le Se-Unsa semble avoir atteint ses objectifs : faire réfléchir militants et responsables syndicaux sur les enjeux du collège à un moment où l’on sent bien que son destin se joue. Après une matinée consacrée aux contenus (avec Roger-François Gauthier) et aux apprentissages des élèves, l’après-midi a fait réagir les participants aussi bien sur le passé du collège que sur son avenir.

Roger-François Gauthier : « La politique de l’accès ne fait pas la politique du succès ».

Est-on à un moment particulier où la question du collège peut évoluer demande Roger-François Gauthier, professeur à Paris 5. La réforme du collège lui semble un thème classique des propos ministériels. Régulièrement les ministres se sont prononcés pour ou contre le collège unique, une question qui divise. Pourtant, pour RF Gauthier, « le risque majeur c’est plutôt que rien ne change ». En effet, il y a une forte adhésion à une vision du collège « qui va de soi », celle où le primaire sert à acquérir des instruments de base et le collège à s’initier à la culture. Mais les faits confirment que « la politique de l’accès ne fait pas la politique du succès ». Si tout le monde entre au collège, il fabrique un échec important.

Pour créer le « collège du socle », RF Gauthier fixe comme préalable l’approche par compétences. C’est celle qui donne du sens aux apprentissages. Elle ne s’oppose pas aux savoirs, bien au contraire. Le collège du socle devrait aussi être le collège de la confiance où l’évaluation ne sera pas une sanction binaire et où le culte de la moyenne disparaitra avec ses compensations entre matières. L’urgence c’est aussi redonner confiance aux acteurs dans ce qu’ils font. Et pour cela les collèges doivent apprendre à s’auto-évaluer et gagner en autonomie, conclue RF Gauthier.

Quels apprentissages pour les collégiens ?

Introduite par Claire Krepper, secrétaire nationale du Se-Unsa, la première table ronde réunit Béatrice Salviat, responsable de La main à la pâte au collège, Jean-Michel Zakhartchouk, professeur de français et auteur de nombreux ouvrages pédagogiques et Pierre-Jean Marty, coordinateur du collège expérimental Clisthène.

« L’accès à la connaissance est une source de joie »

La main à la pâte n’est plus à présenter , même si ses activités sont plus connues au primaire que dans le secondaire où elle ne revendique que 54 collèges. Béatrice Salviat a souligné les résultats positifs du programme imaginé par Charpak et Léna. Une évaluation de la Depp a montré que les élèves en 4ème avaient des connaissances au moins égales à ceux qui ont suivi un enseignement traditionnel. Et ils gardent un goût pour les sciences qui disparaît chez leurs camarades. « L’accès à la connaissance est une source de joie », rappelle B Salviat. Le programme ne prétend pas devoir être généralisable mais affirme permettre la réussite de tous, une idée à laquelle il tient.

« Lutter contre l’hypocrisie scolaire »

En quelques formules brillantes, Jean-Michel Zakhartchouk a expliqué ce qui sépare un enseignement par compétences de l’enseignement traditionnel. « Avec le socle on essaie de ne pas être dans l’hypocrisie scolaire » affirme-t-il, « de réfléchir aux priorités, aux connaissances que les élèves doivent avoir pour le monde de demain ». Parmi celles-ci il met l’utilisation efficace des outils de recherche sur Internet, l’apprentissage de la prise de parole. « Lesz compétences c’est le savoir en action ».

Clisthène : Faire évoluer la représentation du temps

Si le collège de demain existe c’est peut-être Clisthène, un établissement expérimental situé à Bordeaux. Pierre-Jean Marty a décrit son fonctionnement. Il s’appuie sur deux idées : faire évoluer la représentation figée du temps scolaire et décloisonner les niveaux. A Clisthène le temps scolaire tient compte à la fois des besoins biologiques des élèves et des demandes des enseignants. Ainsi la journée commence par un petit-déjeuner qui sert de « sas anxiolytique ». Les cours durent parfois 45 minutes, parfois 1h30 selon les besoins. L’après-midi est réservé aux ateliers. Parmi eux un atelier où sont mélangés les niveaux sur un objectif de connaissances précis. Ce décloisonnement permet de dépasser la question du redoublement.

Du passé à l’avenir du collège

Entre le collège préfigurant l’accès au lycée et l’école du socle commun, comment peut et doit se positionner le collège de demain ? Quelles implications le modèle choisi aura-t-il sur les statuts et les missions des enseignants ? Deux questions largement débattues le mercredi après-midi.

Une voie qui n’a jamais réussi à s’imposer

Entre les tenants d’un cycle secondaire long, héritiers du modèle napoléonien, où le baccalauréat est fermement installé comme premier grade des études universitaires pour des élèves aisés et ceux qui se réclament de Jules Ferry pour une école gage d’instruction pour les classes les plus défavorisées, un modèle d’éducation secondaire pour les classes moyennes n’a jamais réussi à s’imposer, constate l’historien Claude Lelièvre dans une brillante intervention. Plusieurs tentatives ont cependant eu lieu en 200 ans, avec l’introduction d’abord d’un cycle secondaire « spécial » ou « moderne », puis d’un secondaire féminin, qui se sont tous deux retrouvés au bout de quelque temps alignés sur le modèle lycée. Les confrontations, qui ont traversé une bonne partie du 20ème siècle, entre le SNI et le SNES, ont aussi opposé des représentants de parti politique différents, PC et PS, en faisant prédominer dans le second degré la transmission de savoirs disciplinaires et dans le premier la transmission de savoir être et de savoirs fondamentaux.

Le secondaire long pour tout le monde s’est imposé malgré toutes les tentatives de réformes ou d’aménagement (classes hétérogènes, groupes de niveau, etc.) et le lycée tient aujourd’hui une place centrale dans le système éducatif français. Pourtant les évaluations internationales vont revenir de manière récurrente pour interroger les performances du système éducatif français. La mondialisation est elle aussi de nature à bouleverser les équilibres actuels. Enfin, le rapport Apparu, qui lie le lycée aux premières années de l’enseignement supérieur, le rapport Grosperrin, qui préconise la mise en place de l’école du socle commun, celui du HCE sur le collège montrent bien que l’histoire est loin d’être terminée.

La multiplication des récentes réformes met en valeur un grave problème de gouvernance, que Claude Thélot et Claude Lelièvre avaient proposé de pallier, en mettant en place un organisme « indépendant » (d’où la naissance du HCE) et en responsabilisant le Parlement : le projet éducatif de la nation doit avant tout être un projet politique, au-delà de la pression des partis.

L’école du socle commun : quelle mise en place, quelles conséquences ?

Effectivement l’assemblée nationale a trop longtemps délaissé les questions d’éducation, déclare Jacques Grosperrin, député UMP du Doubs, qui remercie Claude Lelièvre d’avoir forcé le Parlement à réfléchir et à s’investir sur ces questions. Le rapport qu’il a remis récemment est le fruit d’une sensibilisation sur les difficultés graves du collège actuel. Difficultés pour les élèves, tout d’abord, à qui on fait porter le poids de l’échec, mais aussi celles des enseignants, des chefs d’établissement, des parents …

L’éducation sera un enjeu majeur pour la campagne présidentielle 2012, promet-il. Mais il faut laisser le problème financier de côté, dit J. Grosperrin. Une perspective qui agite la salle, largement composée de militants syndicaux. Pour J. Grosperrin, il est essentiel de mettre en place l’école du socle commun qu’il voit comme un regroupement d’écoles autour d’un collège, avec une administration commune et des échanges nombreux. Cela aura des répercussions sur le temps de service des enseignants (24h dans l’établissement) et la formation disciplinaire pour prendre en compte une bivalence. Cela aura aussi des répercussions sur la place de l’Inspection générale, semble souhaiter J. Grosperrin…

Un projet de loi est à l’étude

Jacques Grosperrin a annoncé son intention de déposer , avec le député Frédéric Reiss, une proposition de loi sur l’école du socle. Elle devrait reprendre les idées des deux rapports (Reiss et Grosperrin) et devrait être discutée prochainement.

Gérer la continuité pédagogique école collège

Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM de Créteil, estime que donner la même qualité d’enseignement à tous les jeunes, n’aurait pas dû vouloir dire donner à tous les mêmes conditions de travail. Il estime que le socle commun est un levier important sur lequel il faut travailler. Mais comment apprendre aux enseignants à manier ce levier et à faire aller de pair des objectifs d’excellence et de démocratisation ? Quelques points paraissent importants à JL Auduc :

Gérer la continuité pédagogique école collège ;

Recomposer des contenus pluridisciplinaires adaptés au 21ème siècle ;

Repenser les outils de diagnostic et d’évaluation ;

Construire une alternative au redoublement.

Faire évoluer les services

Guy Barbier, secrétaire national SE Unsa, rappelle que toutes les définitions statutaires sur les enseignants sont antérieures à la mise en place du collège unique et ne citent que les horaires devant élèves. C’est sans doute cette perspective des 18 h que les français ont du service des enseignants, alors que de nombreuses enquêtes montrent que les enseignants sont investis dans des tâches bien plus nombreuses. De nombreux professeurs se plaignent de ne pas avoir de temps pour travailler en équipe et le SE Unsa a fait la proposition de diminuer de 3h la charge d’enseignement pour mener des activités en commun. Le chiffrage de cette mesure s’élèverait à 34 000 postes. Le SE Unsa demande aussi la revalorisation des salaires en début et en milieu de carrière.

Une nouvelle cohérence pour l’Ecole

Pourquoi poser maintenant la question de l’avenir du collège demande Christian Chevalier, secrétaire général SE Unsa, en conclusion du colloque. Le collège est en souffrance et ses difficultés croissent sans cesse. L’enjeu démocratique est de taille, avec toujours davantage d’élèves relégués aux marges du système. Le socle commun impose une nouvelle cohérence dans une école qui doit être libératrice. Ce colloque avait pour but d’échanger, d’ouvrir des fenêtres, de revisiter le concept du collège unique. Le syndicat doit maintenant poursuivre sa réflexion et élaborer des propositions réalistes. L’école est mise à mal, mais ce colloque marque une volonté d’avancer malgré la lourdeur du contexte. La construction d’un collège innovant rend incontournable la réflexion sur les missions et les statuts des enseignants. Mais pour aboutir, il faudra d’abord arriver à travailler en confiance avec le ministère et se situer dans un dialogue social largement partagé, avec la conviction que la nation est prête à travailler sur un projet éducatif moderne, inscrit dans la durée. Une perspective ambitieuse…

Liens :

Le blog du colloque

http://avenirducollege.wordpress.com/colloque

Sur le rapport Grosperrin

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesyst[…]

Dossier : Réformer le collège

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pag[…]