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Par François Jarraud

Si les patrons gouvernaient l’Ecole elle serait aussi multiple que les projets éducatifs des patrons. C’est la première leçon de la table ronde organisée par la Mission Carle au Sénat le 26 avril. La seconde c’est que ce qui divise le patronat c’est précisément l’importance accordée à l’éducation.

Mardi 26 avril, la « Mission d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations en matière d’éducation » du Sénat entamait sa troisième table ronde avec, cette fois-ci, le monde de l’entreprise. Face aux sénateurs Serge Lagauche et Jean-Claude Carle, se tenaient Bernard Falck, directeur de l’éducation et de la formation du Medef, André Marcon, président de l’assemblée des chambres de commerce et d’industrie, Gilbert Rebeyrole, représentant les Chambres des métiers et de l’artisanat, Francis Pétel, représentant la CGPME et, apparemment décalé, Claude Thélot, conseiller d’Etat et auteur de plusieurs rapports sur l’Ecole.

L’Ecole doit-elle intégrer dans l’emploi ou doit-elle pousser chaque jeune vers le haut ? C’est cette question posée par la sénatrice B Gonthier-Morin qui divise les patronats. D’un coté les représentants des petites entreprises. « On veut des jeunes directement opérationnels » demande F Petel. « Et pour cela l’apprentissage est le plus approprié ». Mais le niveau de formation nécessaire n’est pas le même pour tous les métiers. Par conséquent les représentants des petites et moyennes entreprises défendent l’idée d’une entrée rapide dans le monde du travail et même la pré-professionnalisation avec le DIMA.

Et le bac pro leur fait peur. « On veut éviter la valorisation de la poursuite d’études », estime G Rebeyrole. « Elle peut avoir des effets négatifs comme la sous qualification des diplômés ». La réforme du bac pro crée « une marche trop importante » au détriment du CAP, estime A Marcon. « Ca relègue le CAP à un sous titre ce qu’il n’est pas ». Les artisans et PME défendent le niveau CAP. Ils estiment que si l’échec scolaire est élevé c’est que déjà le niveau du CAP est trop élevé pour les jeunes. Ils rappellent qu’en Angleterre on délivre des diplômes de niveau inférieur au CAP.

Le MEDEF, représenté par B Falck n’est pas sur la même longueur d’onde. « Tous les pays les plus avancés sont ceux qui ont le plus misé sur l’éducation », rappelle-t-il. « Ils ont un haut niveau de recherche, d’exportation. Ca signifie que chaque jeune puisse être hissé au bon niveau ». Quant au bac pro et à ses effets délétères, « on n’a pas de recul suffisant », estime B Falck. Le Medef soutient les réformes des lycées.

Ce qui réunit le monde de l’entreprise c’est sa volonté d’influer sur l’Ecole. Ils plaident pour le « rapprochement entre les enseignants et les entreprises ». Pour cela il faut changer les représentations des enseignants et les amener dans le monde de l’entreprise. « On pourrait leur donner un bonus », propose l’un d’entre eux. Ils souhaitent intervenir dans l’orientation des élèves. « On demande des instances locales de concertation qui favorisent la co décision sur l’orientation et l’accueil des élèves dans les entreprises », déclare G Rebeyrolle. Et ils comptent beaucoup sur les expérimentations pour faire avancer leurs idées.

Leur principal souci c’est l’alternance. Tous la décrivent comme « la voie royale pour l’emploi ». Mais les statuts sont à compléter et à revoir. Les entreprises demandent que le contrat d’apprentissage soit plus court. Les 3 années d’apprentissage sont un engagement trop exigeant en temps de crise. Ils demandent 2 ans voire moins. Et le maintien des différentes voies de l’alternance.

Il revenait à Claude Thélot da faire une synthèse. « Il faut absolument que se rapprochent plus intelligemment l’éducation et le monde professionnel. Les progrès sont réels mais insuffisants quant à la situation du monde et de la jeunesse ». Pour lui ça implique un accorde sur trois principes : les employeurs publics doivent se sentir concernés; le partenariat doit concerner plusieurs domaines : la définition des cursus de formation, l’aide à la connaissance des entreprises, l’orientation. « Les conseillers d’orientation ne connaissent pas le monde professionnel ». « Il faut développer l’alternance sous toues ses formes » et créer un contrat engageant les employeurs publics. Le partenariat doit être local.

L’écart avec les tables rondes avec les syndicats, les collectivités locales et les associations de parents montre qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre ces objectifs. Luc Chatel succédait, en réunion à huis clos, au patronat. La commission Lagauche – Carle remettra son rapport le 4 mai.

Liens :

L’Etat mis en accusation par les acteurs de l’Ecole

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/201[…]

Quand les élus du peule discutent privatisation

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011[…]