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Par François Jarraud

Le ton avait été donné le 2 mai. Lors de la seconde journée des Assises nationales sur le harcèlement, le 3 mai, de nouveaux experts ont intéressé les participants. Eric Debarbieux estime « qu’un espoir est né ». Mais Luc Chatel n’annonce aucune mesure importante de formation initiale ou continue. Seul l’accord avec Facebook qui permettra de fermer un compte sur signalement de l’éducation nationale semble faire avancer les choses sur le terrain du cyberbullying.

Le harcèlement vu par une psychologue. Pour Nicole Catheline, psychologue clinicienne, il faut effectivement s’occuper de la question du harcèlement. Car, si le harcèlement a toujours existé, la société a changé par rapport aux sociétés traditionnelles où chacun devait apprendre la place où il se trouvait. Et le harcèlement laisse des traces durables , on le verra. Enfin les TIC font apparaître de nouvelles formes de harcèlement. Sur le mécanisme du harcèlement, N Catheline évoque la « sidération » de la victime qui ne comprend pas où veut en venir le harceleur. Du coup cela renforce son sentiment de vulnérabilité et cela justifie l’attaque aux yeux du harceleur. Mais ce sont les spectateurs qui jouent le rôle le plus important. Eux aussi sont fascinés par la violence. Il sont indispensables pour l’agresseur.

Les conséquences du harcèlement sont lourdes pour la victime et le harceleur. Tous deux risquent la dépression à court terme. A moyen terme peut s’y ajouter l’usage de drogues. A long terme, phobie scolaire, délinquance et surtout répétition sur ses enfants.Les enfants de harceleurs deviennent souvent harceleurs. La victime à court terme s’isole. Elle peut développer des troubles anxieux. A moyen terme on a des cas de phobie scolaire et de dépression. A long terme on observe la limitation des études.

Que faire ? Pour N Catheline il faut développer un « humanisme de coopération » dans les établissements, travailler sur le groupe d’élèves et l’établissement par exemple en utilisant des jeux de rôle qui permettent de développer l’empathie.

Comment lutte-t-on ailleurs ? Professeur à Los Angeles, Ron Astor est un des plus célèbres experts mondiaux sur la violence scolaire. D’un exposé très dense et très riche on peut ressortir une philosophie et des outils. L’idée principale c’est que les problèmes de harcèlement doivent être traités au niveau de l’école ou de la ville. Ce ne sont pas des problèmes individuels. D’ailleurs une des meilleures armes est de travailler démocratiquement avec les communautés. Cette intégration dans la communauté protège l’école. Ron Astor a montré de puissants outils développés en Israël et aux Etats-Unis comme ces cartographies des risques. Pour le chef d’établissement, faire établir une carte des zones perçues comme dangereuses, c’est déjà commencer à lutter efficacement contre la violence. Globalement chaque établissement devrait faire son diagnostic sur la violence dans l’établissement et ses abords.

Peut-on lutter contre le harcèlement avec des outils virtuels ? Thomas Jäger (université de Landau, Allemagne) et Andy Hickson (université d’Actionwork, Angleterre) ont d’abord montré l’importance des outils virtuels. Certains réseaux sociaux accueillent des groupes de 100 000, voire 500 000, qui s’intéressent à ce sujet. Youtube abrite plus de 7 000 vidéos sur le sujet. PLus de 2 millions de blogs traitent de ce sujet. Maisles deux universitaires étaient là surtout pour présenter leur projet de campus virtuel anti-violence. Ouvert sur Second Life, il propose des formations d’adultes. Ils travaillent maintenant, toujours sur fonds européens, à un village virtuel destiné aux élèves.

Les ateliers. Dans la suite des propos tenus le 2 mai, les ateliers ont évoqué des dispositifs et des situations pédagogiques. Ainsi les représentants de l’institution, qui travaillaient dans ces ateliers, ont insisté sur la nécessité de responsabiliser tous les acteurs de l’établissement à ces questions, de veiller au climat scolaire et evidemment de former les enseignants en formation initiale et continue. Pour la formation initiale ils envisagent des modules dès L1 jusqu’à M2 et des stages en M2. La lutte contre le cyberharcèlement passe par la formation des adultes aux outils utilisés par les jeuens (Facebook et les mobiles). La réponse doit être aussi technique et d’ailleurs Facebook est prêt à collaborer avec le ministère.

Debarbieux : Nous avons construit le consensus. Il revenait aux deux acteurs principaux des Assises à les clôturer. Pour Eric Debarbieux, « on a avancé, on a construit quelque chose d’extraordinaire : le consensus ». Il est revenu sur le fait qu’on reconnaissait enfin le problème. « Reconnaître c’est casser la solitude des victimes, c’est changer le paradigme : depuis 20 ans on aborde la violence que sous l’angle de la délinquance. Ici on la voit sous celui de la santé publique ». Consensus aussi sur les mesures enquête de victimation, non-stigmatisation des agresseurs… L’éducation nationale a su se remettre en cause ». « On a clamé la nécessité de la formation », ajoute E Debarbieux. « Il va falloir la clamer encore », ajoute-il en faisant allusion à la décision ministérielle de transmettre le dossier à V. Pécresse. Il relève aussi l’évolution du discours sur l’absentéisme passé d’une faute de parents menacés par des sanction financières à l’état de signal du harcèlement. « Un espoir s’est levé », termine E Debarbieux. Avant d’ajouter : « Même si les combats à venir vont être rudes »…

Les demi-mesures de Luc Chatel. « Nous sommes en ordre de marche » annonce Luc Chatel dans son discours de clôture. « Le plus difficile et le plus stimulant est devant nous : faire de notre aspiration collective une réalité ». Pourtant le mesures décidées par Luc Chatel ne sont pas inaccessibles. Le ministre annonce la prochaine publication d’un guide rédigé par N Catheline. Il ne sera pas imprimé mais diffusé électroniquement. Des formations académiques auront lieu sur le sujet et un représentant de chaque association de parents pourra y participer. La CNIL et e-enfance pourront fournir des outils pour aider les jeunes à utiliser positivement les réseaux sociaux. Les deux principales mesures sont finalement un accord avec Facebook qui clôturera le compte de tout jeune signalé par l’éducation nationale comme harceleur. Enfin l’ouverture d’un site de signalement accessible aux élèves à la rentrée.

Liens :

Les Assises du 2 mai

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/05/03[…]

Le discours de L CHatel

http://www.education.gouv.fr/cid55968/allocution-a-l-occa[…]

Le dossier de presse

http://www.education.gouv.fr/cid55934/assises-nationales[…]

Le campus virtuel de Jager et Hickson

http://www.antiviolencecampus.org/