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Pour Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen Cfdt, les Assises nationales sur le harcèlement à l’Ecole laissent un goût d’amertume. Que de bonnes idées avancées ! Quel manque de moyens pour les faire aboutir…

Au terme de ces deux journées, dressez-vous un bilan positif ?

Assurément un bilan positif de ce qui s’y est dit. On voit tout l’intérêt de réunir des praticiens, de travailler sur la réalité de ce qui est vécu dans les écoles, sur des solutions dont on sait qu’elles marchent. Ca c’est tout à fait intéressant. Après c’est la faiblesse de la réponse politique qui nous rend amers.

On attendait le ministre sur la formation. Le rendez-vous est-il vraiment pris ?

On a une contradiction profonde. A cause de la question des moyens. C’est un peu pathétique d’entendre à longueur de rencontres l’accent mis sur la formation professionnelle des enseignants et puis de voir ce qui se met en place avec la masterisation. On peut pas entendre sans bouillir le ministre renvoyer à sa collègue de l’enseignement supérieur la responsabilité entière de la formation des enseignants. Le concours, sa place, ses contenus c’est la responsabilité de l’Etat employeur, de l’éducation nationale. Le ministre n’ a pas le droit de se défausser de cette façon.

C’est une question de moyens, de philosophie, d’institution.

Il y a les deux premiers. Ce sont les moyens qui bloquent car dès qu’on commence à penser que cela va couter un peu le minsitre ne parle plus. Mais il y a aussi un blocage idéologique. Le fait de ne pas vouloir réouvrir le dossier de la place du concours ce n’est pas budgétaire. C’est la continuation de l’espèce d’accord a minima conclu entre Darcos et d’autres pour dire « on va privilégier la formation académique dans la formation des enseignants ». Et cela Chatel ne le remet pas en cause malgré les discours. Cet aspect là du métier n’est qu’un aspect. Mais se focaliser dessus est un contre sens absolu.

N’est-ce pas aussi un problème d’avoir transmis aux universités indépendantes la formation ?

Il y a l’opérateur universitaire indépendant. Mais le cahier des charges qui leur est soumis n’est pas cohérent. On arrive à une situation où on amène de fait les futurs collègues à entrer dans le métier sans formation professionnelle. On ne peut pas à la fois avoir des opérateurs à qui on laisse de l’autonomie si en même temps on ne met pas en place un cadrage. Dans ce cas c’est finalement le désintérêt du recruteur qu’on constate. Quand Chatel renvoie à Pécresse la responsabilité de la mise en oeuvre de la formation des futurs enseignants on a la traduction de cette contradiction. La formation des enseignants devrait être universitaire et professionnelle. On ne devrait pas balancer le dossier de la formation en disant « débrouillez vous ».

Finalement ce qui se passe aux Assises, c’est un effet d’annonce ou c’est un engagement du ministre ?

C’est difficile à dire. Je dirais que c’est une tentative du ministre pour sortir du débat centré sur les moyens. sur lequel il n’a pas de marge de manoeuvre. Ce qui est intéressant c’est le fait que, du fait peut-être qu’il vient d’un autre milieu professionnel, il met en place des conférences de consensus. Ca c’est intéressant. Sauf qu’au bout d’un moment on revient sur le politique et le budgétaire. Et là le piège se referme sur lui. Les conclusions sont évidentes comme celles des Etats généraux l’an dernier. Chatel a mis en place un processus qui fait apparaître des propositions consensuelles sur lesquelles il faut avancer.

Il y a quand même une différence avec les Etats généraux : ils s’étaient terminés avec Hortefeux et des mesures répressives annoncées par Sarkozy. N’y a-t-il pas un gain ?

Quand Debarbieux dit « on a dépassé » tel point idéologique, il a raison. Et c’est l’intérêt de ce type de conférence. On n’est plus dans l’épisode sécuritaire à tout prix de cette époque. L’analyse politique des dernières élections y est peut-être pour quelque chose. Mais on n’est pas non plus dans une volonté de mise en oeuvre politique de ce qui ressort de cette conférence. Ce hiatus, les personnels qui sont en charge des élèves, le ressentent. Il sont pris entre les injonctions données par ce type de conférence et l’absence de moyens pour le faire. Entre les communautés qui avancent dans le constat et l’incapacité de mettre en oeuvre faute de moyens, il y a quelque chose de très douloureux et susceptible de faire éclater un sentiment de colère.

Propos recueillis par François Jarraud