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Par François Jarraud

« L’expérimentation garde tout son sens mais a besoin de soutien », nous explique Vincent Merle, directeur de l’Institut Vaucanson. Depuis septembre 2010, avec le CNAM, il propose de conduire des bacheliers professionnels au master en 5 ans par l’apprentissage et un projet pédagogique innovant. V. Merle fait le point avec nous.

« On veut valoriser la diversité des excellences. Donnons à ces élèves la possibilité de croire en eux-mêmes, de relever la tête ». Ce qu’affirme en premier V. Merle ce sont les valeurs du projet Vaucanson. C’est l’idée que les bacheliers professionnels peuvent avoir les capacités pour aller jusqu’au master au même rythme que les autres mais pas par la même pédagogie. Tout le projet repose sur le développement de l’autonomie et l’épanouissement d’élèves plus habitués à baisser les yeux.

Depuis l’ouverture par le CFA du CNAM de l’Ecole Vaucanson, en septembre 2010, où en est votre recrutement ?

Il y a un an, N Levy, V Merle et C Forestier.

Actuellement nous avons 18 élèves, 4 en management et 14 en ingénieurie industrielle. Notre objectif c’est 30 nouveaux élèves à la rentrée 2011 ce qui permettra de rééquilibrer entre les deux formations et d’établir une réelle mixité.

Comment recrutez-vous les élèves ?

On s’appuie sur les professeurs principaux qui connaissent bien leurs élèves. On ne cherche pas des bacheliers avec mention mais plutôt des jeunes motivés sans déficit scolaire important. Après, un entretien avec un enseignant et un représentant d’entreprise décide de leur accueil. On les présente ensuite aux entreprises qui soutiennent Vaucanson : Michelin, EDF, Schneider, BNP, Peugeot… Ce n’est pas toujours facile de faire accepter des bacheliers industriels dans des entreprises qui recrutent des étudiants plus classiques…

Mais on veut vraiment faire la preuve que ces jeunes peuvent aller loin. Et on veut aussi amener au niveau 1 des jeunes qui ne passent pas par une grande école d’ingénieur. On va faire des ingénieurs qui auront des capacités de raisonnement basées sur leur apprentissage du métier, qui ne chercheront pas à fuir dans la finance dès qu’ils auront leur diplôme. On va valoriser la diversité des excellences.

Pour cela quelle pédagogie utilisez-vous ?

On passe la moitié du temps à détricoter ce que le monde scolaire a mal fait. Par exemple on ne travaille que pour l’évaluation, on oublie ensuite. On fait ses obligations scolaires. Notre objectif c’est de ressusciter le plaisir d’apprendre. On ne va pas trouver grave de faire des fautes de grammaire mais utiliser des mots qu’on en comprend pas. On va exiger qu’ils soient capables de parler devant un groupe.

Donc on commence chaque journée par une heure de partage. Le vendredi c’est atelier théâtre par exemple. Le lundi et le mardi c’est une sorte de vide poche où on revient sur ce qu’ils ont fait et compris. Le mercredi c’est un invité. Le jeudi on travaille sur la presse : les élèves réalisent une émission de radio. Tout cela est important pour la suite. Un cadre en entreprise on ne va pas lui demander que de résoudre des intégrales mais aussi d’être ouvert sur l’environnement, de ne pas rester replié sur le métier. Tout cela a un grand succès chez les élèves.

Le reste de la semaine se passe sur des projets et sur une formation en anglais. Par exemple comme projet à réaliser en management, ils ont eu à imaginer une solution repas pour le plateau où nous sommes installés. Il a fallu qu’ils étudient les solutions existantes dans le quartier, les salariés du coin, à imaginer un type de restauration, sa charte graphique, la cohérence entre l’assiette, le type de restaurant , la décoration, le logo et les clients. En ingénieurie industrielle ils travaillent sur des types de capteurs avec des obligations de calcul eux aussi.

Quel bilan faites-vous de cette pédagogie ?

En management ça décolle complètement. En ingénieurie industrielle on se heurte davantage à des difficultés d’acquisition scolaire des notions. C’est finalement le rapport de soumission à l’école qui nous pose problème. On a par exemple des difficultés à leur faire acquérir la proportionnalité. Face à ces déficits on monte des demi-journées de rattrapage.

Comment liez-vous ce qu’ils apprennent à l’école et ce qu’ils font en entreprise ?

Les élèves doivent grandir dans leur métier et intellectuellement. Le mariage entre les deux c’est la vie qui le fait. Il faut bien sur apprendre à travers les projets et on n’hésite pas à piocher dans ce qu’ils font en entreprise. Mais on n’essaie pas à l’école de faire de bons professionnels et dans l’entreprise à faire de bons écoliers. Il faut trouver les occasions de faire des connexions mais il faut aussi savoir les laisser faire. On travaille sur un temps long de 3 à 5 ans.

Aujourd’hui diriez vous que le projet Vaucanson est solide ?

Il y a un peu de désillusion sur le terrain pratique. Par exemple on manque de personnel pour aller à la rencontre des lycéens dans les établissements. Le projet devait accueillir plusieurs PLP, une catégorie d’enseignants plus à même de comprendre les bacheliers professionnels. Finalement on ne nous en a donné qu’un seul. On a aussi des problèmes de locaux. On est un peu sur le fil du rasoir.

Liens :

Du bac pro au master avec Vaucanson

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2011/bb2011_30.aspx

L’école Vaucanson

http://www.vaucanson.fr