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Par Jeanne-Claire Fumet

Pour la seconde édition de son opération « Un Livre pour l’été », inscrite dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme en partenariat avec le CNDP et la Fondation Total, le Ministère de l’Éducation nationale a fait le choix d’un classicisme affirmé : ce seront Neuf contes de Perrault, illustrés d’images d’Épinal, que recevront cette année 800.000 élèves de CM1, après les Fables de la Fontaine, illustrées par Gustave Doré, proposées à 1800 écoliers l’année dernière. Destiné à encourager la pratique de la lecture à la maison, le livre sera repris à la rentrée par les enseignants de CM2, afin d’en approfondir la lecture par une étude suivie en classe. Luc Chatel a procédé lui-même à la distribution des livres, jeudi 30 juin, dans une école de Villiers-sur-Marne, accompagné de Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire, William Marois, recteur de l’Académie de Créteil, Jacques Alain Benisti, député maire de Villiers sur Marne, Patrick Dion, directeur du CNDP, Catherine Ferrant, déléguée générale de la Fondation Total. L’occasion de rappeler l’orientation de la réforme du primaire entreprise depuis 2008.

Un livre classique, des histoires que l’on connait tous. Grand moment pour la petite équipe du groupe scolaire Jean Renon de Villiers sur Marne (94) : la visite du Ministre en personne, venu appliquer une mesure de sa lutte contre l’illettrisme. Florence Peynot, la directrice de l’école, est plutôt favorable : « C’est un livre classique, des histoires que les élèves connaissent un peu. Les illustrations sont magnifiques. Je pense qu’ils vont le lire pendant les vacances. Ce ne sera peut-être pas la même chose des les ZEP ou les écoles les plus difficiles.» L’école Jean Renon, située en zone pavillonnaire dans des locaux spacieux et neufs, est une école plutôt tranquille et sans problèmes particuliers, même si les effectifs augmentent dans les 15 classes et que la maternelle, saturée, ne pourra pas accueillir de nouveaux inscrits, tandis que le départ de l’EVS qui aidait la directrice risque de peser lourd à la rentrée.

« Qu’est-ce que c’est, un vétérinaire ? » s’interroge-t-on dans la classe de CP de Mme Fromont, à l’arrivée de Luc Chatel. Sens du mot, usage dans une phrase, analyse des sons (le « é » de blé, le « ai » de lait), la séance se déroule sous l’œil attentif des visiteurs. Puis Luc Chatel interroge les élèves sur leur rapport à la lecture. « Qui sait déjà lire ? » Tous lèvent la main. « C’est magique, alors ! » s’amuse le ministre. « Oui, confirme l’enseignante, il y a un moment magique au CP, quand ils rassemblent tout ce qu’ils ont appris et qu’ils s’aperçoivent qu’ils sont capables de lire. » Prolonger cette magie par le goût de la lecture et de l’écrit, l’attachement aux livres et aux belles histoires, c’est justement ce que veut défendre le projet. « Dites à vos parents de continuer à vous lire des histoires », conseille encore Luc Chatel.

Voyages autour du monde. La classe de CM1 de Mme Montessinos, destinataire des Contes de Perrault, travaille sur des carnets de voyage. Au tableau, différentes formes d’écriture et des noms de pays du monde ; sur les tables, les carnets des élèves aux illustrations bariolées et aux mots plein de rêves. Le ministre évoque plusieurs pays, cite Senghor, puis procède à la distribution des livres, que les élèves posent devant eux sans trop oser les ouvrir. La classe de CE1 voisine reçoit aussi la visite du ministre et bénéficie de la distribution « avec un peu d’avance ». Un petit Hugo lit bravement les premières lignes du chaperon rouge, perplexe mais pas découragé devant les mots difficiles : « un petit chaperon rouge, qui lui seyait bien ? » Malgré des renvois explicatifs en bas de page, on réalise l’importance d’un accompagnement pour ces lectures : enrichir le vocabulaire suppose de ne pas glisser sur les mots inconnus mais se les entendre expliquer, ne serait-ce que par le recours au dictionnaire.

Pourquoi pas un dictionnaire ? « Les parents nous font souvent la remarque que les élèves n’ont plus besoin de dictionnaire, regrette Jacques Alain Benisti, parce qu’ils ont tout sur internet. C’est pourtant un outil important pour bien lire et écrire, et pour chercher du travail. » Un parent d’élève interrogé à l’entrée de l’école le confirmait : le dictionnaire n’a plus sa place, selon lui. Mais un ouvrage classique plutôt qu’un manga, par exemple, ou qu’un livre virtuel, lui semble une très bonne idée. Mais le maire continuera de distribuer un dictionnaire aux élèves de CM2 en partance pour le collège. Il rappelle l’effort de construction de 4 nouvelles écoles sur la commune, ouvertes sur les quartiers résidentiels et sur les quartiers sensibles, pour favoriser la mixité sociale. Avec 37 ethnies différentes, l’enjeu de la maîtrise du français n’est pas anodin dans la commune. Les cours de français pour adultes, en particulier pour les mères de famille, tentent d’en favoriser l’usage à la maison – même si, insiste le maire, il est essentiel de garder aussi sa langue et sa culture d’origine.

La lecture contre le numérique ? Lire plutôt que jouer sur sa console, a conseillé le ministre aux enfants. Serait-ce oublier les mutations technologiques de notre époque, pourtant souvent mises en valeur par l’institution ? Un ouvrage numérisé, plus en phase avec l’époque, aurait peut-être plus de succès. Mais le projet de lutte contre l’illettrisme entend jouer sur le plaisir de l’objet livre, autant que sur celui de la lecture, le goût de la chose écrite et de son support matériel – un objet que l’on emporte avec soi et dont on souhaite qu’il revienne à la rentrée « tout usé » d’avoir été trop lu. En parallèle à cette lecture sans média, le CNDP compose cependant une version numérique de l’ouvrage qui en facilitera l’exploitation en classe de CM2. Un manuel pédagogique d’accompagnement sera également disponible à la rentrée.

Des retards qu’on ne rattrape pas. Pour Luc Chatel, il importe de ne pas oublier que le retard pris en primaire, dans l’acquisition des savoirs fondamentaux n’est jamais rattrapé ensuite. « Au collège, au lycée, on fait d’autres choses, mais les faits montrent qu’on ne peut pas compenser ce qui a manqué au début de la scolarité ». Recentrer sur les fondamentaux, développer le soutien personnalisé, lutter contre l’illettrisme, restent pour Luc Chatel les principes essentiels d’une amélioration de l’efficacité de l’école, entreprise depuis 2008.

Jeanne-Claire Fumet

Les contes d’été. Le livre offert aux élèves rassemble 9 contes parmi les plus connus de Charles Perrault : Le petit chaperon rouge, Le petit Poucet, la Belle au bois dormant, Cendrillon, le Chat botté, Riquet à la Houppe, Peau d’âne, les Fées, Barbe-bleue. Il est complété par un dossier sur l’auteur et d’une notice comparative sur les illustrations.

Liens :

La distribution en 2010