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Par François Jarraud

Sous le titre « Le plaisir et l’ennui à l’école », la Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°57) analyse le rapport entre se sentir bien à l’école et la réussite scolaire. Mais c’est aussi comparer des systèmes éducatifs qui ont mis soit l’ennui, soit l’épanouissement d el’ enfant au sommet de leurs valeurs. Pour la France la comparaison est cruelle…

Décidément on ne s’ennuie pas à la lecture de la Revue de Sèvres. Généralement le plaisir qu’on en tire tient à l’érudition des auteurs et à tout ce qu’ils mettent en branle dans nos certitudes. Chaque numéro associe de façon tout sauf innocente des contributions de haut niveau qui nous amènent à observer notre école sous des axes nouveaux et à mieux dominer la question scolaire. C’est un plaisir savant qui s’appuie sur des articles rigoureux qui flattent notre amour du bel article.

Ce numéro sur « Le plaisir et l’ennui à l’école » est bien différent. Rassurez-vous, les articles proviennent de plumes autorisées et célèbres (Mona Ozouf, Eric Charbonnier, Pierre-Louis Gauthier par exemple). Mais celui-là nous balade. Il nous emmène dans une promenade subjective tout en délicatesses où l’on respire l’air pur des hautes sphères mais épicé à l’indienne ou rythmé par un malicieux djembé . Laurence Cornu, qui a coordonné ce numéro, en revendique la grande subjectivité, qui n’est pas la qualité habituelle de la maison.

Ce qui ressemble le plus aux articles habituels de la revue c’est celui d’Eric Charbonnier et Sophie Vayssettes. Les experts de l’OCDE y analysent les résultats d’une enquête sur la lecture. Les enseignements ont à voir avec le sujet. La durée de lecture par plaisir influence les résultats scolaires. « Le simple fait de lire par plaisir 30 minutes par jour améliore de façon significative la performance des élèves ». L’écart de score entre ceux qui lisent 30 minutes et ceux qui ne lisent pas du tout représente 30 points de PISA dans la plupart des pays de l’OCDE, c’est à dire presque une année scolaire et même 60 points en France et Belgique ! Mieux encore : ce plaisir là arrive à compenser les inégalités scolaires liées aux inégalités sociales. Or malheureusement en France de moins en moins de jeunes lisent par plaisir : on est passé de 70% à 60% depuis 2000. Or ce n’est pas le cas partout. Par exemple ce n’est pas le cas aux Etats-Unis, en Allemagne, ou au Canada.

Les autres articles sont beaucoup plus personnels et subjectifs. Dans la bonne tradition française, Mona Ozouf part de ses souvenirs personnels pour vanter l’ennui à l’école. « Pas de conscience de soi sans rêverie.. Il faudrait donc faire l’éloge d el’ennui qui renferme un cogito silencieux plus décisif encore que l’autre ». Venant après l’article de l’OCDE on se rend compte à quel point cette position est aristocratique. Et c’est l’occasion de dire que « l’opposé du plaisir n’est pas l’ennui mais la douleur… la souffrance. Un des obstacles au plaisir d’apprendre est interne à l’école et réside dans l’anxiété que sa fréquentation génère » (Laurence Cornu). Cette souffrance à l’école pèse sur les résultats scolaires. On la retrouve par exemple dans l’article sur l’école indienne. Mais également dans une comparaison éclairante menée par Maroussia Raveaud entre école anglaise et école français. Alors que « l’enfant au centre » n’a pas réussi à se vendre ici, la « child central education » va de soi en Angleterre. Mais aussi en Norvège où le sentiment de bien être à l’école est un indicateur officiel pour le système éducatif. Ou encore aux Etats-Unis où PL Gauthier interroge la directrice d’une école de Brooklyn où l’on fait appel au jeu pour développer le plaisir d’être à l’école mais surtout l’engagement dans l’école.

Voilà 170 pages de voyage dans les écoles du monde qui sont aussi un voyage intérieur dans les plaisirs et les souffrances que nous avons trouvé à l’école. Dans les traumatismes que nous lisons parfois chez les élèves. De ce numéro de la Revue de Sèvres on sort, cette fois encore, plus savant. Mais aussi plus en accord avec soi-même et plus optimiste. C’est plus rare. Merci !

François Jarraud

Le plaisir et l’ennui à l’école. Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°57, Sèvres 2011.

Le sommaire

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