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Par Gilles Fumey

« Capitale mondiale de la géographie » selon l’annonce de son maire Christian Pierret, Saint-Dié-des Vosges s’impose d’année en année comme un ovni événementiel et médiatique en France avec son festival international de géographie qui a accueilli ce long week-end plus de 50 000 personnes. Jeudi soir 6 octobre 2012 à l’ouverture, c’était le déluge sur le massif ancien, ce dimanche 9 à la clôture, l’été indien revenait sourire aux festivaliers. Il le fallait, parce que le pessimisme des géographes sur l’Afrique – thème de cette année – faisait peine à deux pas du Ballet national du Rwanda, en dépit des contes de Marcel de la Compagnie Galkokoé, de l’époustouflant film Benda Bilili et du village tropical planté entre les salons de la gastronomie et du livre.

Présidé par Edem Kodjo, un grand sage du Togo – où il fut premier ministre -, le festival donnait des gages à Sophie Bessis, l’historienne d’origine tunisienne qui s’enthousiasmait de la vigueur des peuples africains. Les géographes, plombés par des statistiques toujours aussi aveugles, étaient pourtant prévenus par le très beau mot d’introduction du professeur de Nanterre, Alain Dubresson : « La géographie est un regard ». Chiche ! Voyons Edem Kodjo qui prophétise le réveil des peuples africains à l’instar du Ghana ou de l’Ethiopie : les élites ne devraient pas tenir très longtemps accrochés à leurs ceintures dorées.

Les tables-rondes ont ronronné car les avis divergents trouvent des terrains d’entente sur des « ni oui-ni non » qui ne font guère avancer le schmilblick. Peu de monde connaît l’Afrique et tout le monde a un avis. Dans les cafés géo où la bière coulant à flots libère les langues, et notamment lorsqu’il s’agit de répondre à cette épineuse question « Faut-il aider l’Afrique ? », on prit la gifle de Michel Henriet de l’association Centraider presqu’avec soulagement : « Nous n’avons pas besoin d’être aidés ! » plaida-t-il sans peiner à convaincre. (1)

Les foules d’étudiants venus en bus de toute la France se pressaient au Salon de la géomatique, planté non loin des locaux d’une future « Ecole (supérieure) de la géographie et de la géomatique » dont Christian Pierret a annoncé la fondation. Incontestablement, c’est ici que souffle l’esprit d’une nouvelle géographie dont il faudra bien traduire les acquis pour des professeurs aussi nombreux qu’inquiets des nuages s’amoncelant sur leur discipline. S’il en fallait un pour ajouter le mordant d’un grain de sel au festival, ce fut le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, ayant tenu à préciser qu’il était un as dans cette discipline. La belle jambe, direz-vous ? Vous avez tout faux. Un proverbe africain, relevé sur une vitrine commerçante, aurait approuvé : « Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens ».

Gilles Fumey

Note :

1- Si l’on veut bien comprendre, voir le débat donné sur ce même sujet au printemps dernier à Orléans :

Sur centraider.org

Des images, des vidéos plein les mirettes