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Secrétaire général du principal syndicat de chefs d’établissement (le SNPDEN), Philippe Tournier met en cause les restrictions budgétaires dans le drame de Béziers. Pour lui l’Education nationale n’a plus les moyens de gérer les personnes fragiles.

Avez-vous une idée de ce qui va se passer mardi et mercredi dans les établissements ?

On est dans l’inconnu sur ce qui va se passer. Jusque là les minutes de silence n’ont pas toujours été très suivies. De toutes façons, je ne suis pas sûr que cela donne la dignité que l’on attend.

Comment expliquez-vous ce drame ?

C’est un drame qui , hélas, n’est pas isolé. Il y a eu d’autres suicides de personnels d’éducation ou d’élèves depuis le début de l’année. Mais il a une dimension très spectaculaire. Et le climat électoral ne va pas dans le sens de la décence nécessaire.

Sur le fond, cela renvoie à la difficulté que rencontrent maintenant les chefs d’établissement face aux personnes en grande difficulté. Il y a dix ans, les personnes fragiles étaient prises en charge sur des postes particuliers. Par exemple on les inscrivait comme TZR en leur demandant très peu de remplacements. Il y avait des dispositifs d’accompagnement dans la vie professionnelle. On ne mettait pas devant les élèves ces personnes.

Tout cela a disparu. Aujourd’hui la logique c’est que chaque enseignant doit être devant des élèves. Du coup, les établissements n’ont plus le choix. Ils sont amenés à envoyer en classe des personnes qui ne peuvent pas faire classe. En dix ans on a acquis des directeurs des relations humaines mais ils n’ont pas de réponses à ce type de situation. Tout simplement parce que cela a un coût.

Cela remet-il en cause l’accompagnement médical des enseignants ?

C’est simple : il n’y a aucun accompagnement médical. Il faut que ce soit grave pour qu’un établissement alerte un médecin conseil et que l’enseignant rencontre quelqu’un. Ce qui n’est pas traité c’est le mal être ordinaire d’une grande partie des personnels. On n’a pas de possibilité d’adaptation modulaire aux interventions devant les élèves. Sur ce terrain on est moins bien outillé qu’il y a 10 ans.

Enseignant c’est un métier à risque ?

Sur un million de personnes, il y a bien sûr des gens fragiles. Mais les statistiques ont montré il y a déjà longtemps que le taux de suicide est plus élevé chez les enseignants. Ils connaissent un haut niveau de stress. Mais il faut ajouter que ce niveau est partagé avec les élèves. L’école française a un niveau de stress comparable à celui de pays du sud-est asiatique. Sur ce plan l’école française est très différente de celles de nos voisins. Il y a une dizaine d’années on a découvert cette réalité. Et le ministère a immédiatement mis cette information sous le coude. Depuis cela n’a pas été traité. Parce que cela interroge le fonctionnement du système, ce que font les enseignants, les pressions sur eux et sur les élèves. Les organisations qui disent que la solution c’est de revenir au bon vieux temps ne feraient qu’aggraver les choses.

Propos recueillis par François Jarraud