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Pour Claude Lelièvre, historien de l’éducation, la baisse du taux de participation aux élections professionnelles est un accident. Elle n’est pas due à une désaffection des enseignants envers leurs syndicats. Mais, si elle est vécue comme cela, ce ne sera pas sans conséquences réelles.

Aux dernières élections, le taux de participation a baissé pratiquement de moitié. Il y a 300 000 électeurs de moins. Est-ce une rupture ou un simple incident de parcours ?

En ce qui concerne les résultats c’est un rupture car c’est un vrai décrochage. Mais comme il n’y a aucun précédent de cet ordre et qu’on a le même décrochage dans les autres ministères, je pense que les explications de type technique sur la forme de consultation ont du jouer pour l’essentiel. Une vraie décroissance aurait du s’amorcer avant. Quand on a affaire à une chute importante c’est toujours précédé d’une inversion des courbes. Or ce n’est pas ce qu’on a observé dans les élections précédentes (2008) puisqu’on a eu un rebond de 2% du taux de participation. C’est la même chose d’ailleurs pour le taux de syndicalisation qui ne change pas significativement. Je crois que c’est vraiment un artefact qui tient à la nouveauté du processus des élections. Il faut aussi remarquer que les résultats entre les différents syndicats ne sont que des inflexions. En réalité on ne peut pas parler de rupture de la participation par rapport aux syndicats.

Dans le passé a t on connu des décrochages aussi importants ?

Non. Même en 1968 on a eu des changements de l’ordre de 5 à 10% mais jamais de 20%. Je n’y crois pas.

Le changement qui a eu lieu est-il purement technique, vient-il des bugs informatiques, ou s’agit-il d’une rupture du rituel de vote ?

Effectivement ça peut jouer. Ce n’est pas pareil de voter de la façon ancienne, plus collective, et de la façon nouvelle où on est renvoyé à l’acte individuel. Le nouveau rituel a pu jouer. Mais il ne faut pas l’expliquer comme une distanciation par rapport aux directions syndicales. Par contre, je pense que même si le diagnostic du décrochage d’adhésion aux syndicats est faux, il peut avoir un effet. Le fait de croire en ce décrochage peut avoir un effet au niveau du ministère dans les relations avec les syndicats et du coup une crise de confiance relativement généralisée . Ca peut avoir des conséquences importantes.

Faut-il refaire les élections pour que les 250 000 électeurs manquants puissent voter ?

Il y a peut-être d’autres façons d’améliorer la participation. Mais si le pouvoir change et si le nouveau pouvoir veut collaborer avec les syndicats, il faudra qu’il se pose cette question. Si on veut un pacte éducatif avec les enseignants et leurs syndicats, il vaut mieux que les syndicats s’appuient sur une représentation très claire. Il faudra revoir certainement ces modalités pour qu’il y ait une représentation indiscutable.

Propos recueillis par François Jarraud