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Par Frédérique Yvetot

Quelles sont les évolutions des pratiques des jeunes face aux nouveaux espaces, supports, outils ? Quels sont les nouveaux usages et quels changements engendrent-ils dans les pratiques des professeurs-documentalistes ? Quelles implications dans le travail au quotidien des professeurs-documentalistes ? Quelles nouvelles pratiques sont à inventer pour prendre en compte ces nouveaux supports, espaces et médiations à l’école ? Voilà les questions auxquelles Savoirs CDI, site devenu incontournable pour le professeurs-documentalistes, proposait de répondre lors de ses 5èmes Rencontres les 24 et 25 octobre 2011 à Rennes.

Des pratiques bouleversées par les évolutions liées au numérique

9h30, les rencontres s’ouvrent par l’intervention de Patrick Dion, directeur général du CNDP, Jean-Louis Durpaire, inspecteur général de l’Education nationale, Alexandre Steyer, recteur de l’académie de Rennes et Alexandre Serres, maître de conférence en sciences de l’information et de la communication. D’entrée de jeu la documentation est à l’honneur : elle assure son intérêt comme levier de transformation, elle est essentielle, elle peut faire bouger le système éducatif… On a même entendu dire que c’était grâce à BCDI que les élèves étaient entrés dans les TICE… Entendre ça en Bretagne, pays de PMB ! Ces interventions introductives plantent le décor : quels enjeux pour les nouveaux usages, quelles nouvelles pratiques, quelles compétences mises en jeu…

« L’école et l’économie de l’attention »

Pour commencer, nous avons eu l’occasion d’écouter Hervé Le Crosnier, maître de conférence à l’université de Caen, nous expliquer les relations tumultueuses entre le numérique et la culture. Deux voies ont été mises à jour: la captation et le partage. La captation est organisée par l’industrie de l’influence (quand on vous connaît, on peut plus facilement vous influencer). A notre insu (ou non), nous laissons des traces sur Internet qui sont captées pour construire (à notre insu… ou non) notre profil. Cette captation est essentiellement publicitaire et sert à repérer les centres d’intérêts de chacun pour cibler la publicité. Mais à force de laisser des traces, qui sont stockées quelque part, on en vient à pouvoir désanonymer les profils (l’article sur Marc L., portrait de cette personne fait par le site du Tigre à partir des résultats obtenus par Google, en est un bon exemple). La deuxième voie explorée par Hervé Le Crosnier est le partage et ses forces productives : créer des ressources pour les partager. Parmi les biens communs du numérique, on retrouve la remix culture (utilisation de ce qui existe déjà, couper, coller, assembler pour créer quelque chose de nouveau) développée grâce à l’existence du copier-coller (invention de Mac Intosh en 1984 !). Cette « remix culture » permet de repenser le modèle économique de la culture et de la connaissance. Les ressources éducatives libres (Cléo, Sésamath, …) sont aussi des biens communs du numérique. Ce mouvement, soutenu par l’Unesco, permet aux enseignants de partager leurs contenus, leurs cours notamment avec les étudiants et d’autres enseignants… qui peuvent alors s’approprier ces cours partagés et les modifier tout en respectant les auteurs. Ici, les professeurs documentalistes ont un rôle à jouer dans la mesure où ils peuvent aider les enseignants de discipline à partager eux aussi leur travail. Hervé Le Crosnier termine en soulignant qu’il faut former les élèves à devenir des citoyens sur le net mais qu’il faut refuser « la pédagogie de la peur ». Ce n’est pas en insistant sur « les dangers de » (Internet, réseaux sociaux, etc…) que l’on va donner un enseignement efficace et pertinent à nos élèves.

« Les compétences du lecteur numériques »

Après une pause café, Pierre Fastrez, chercheur qualifié du Fonds national de la recherche scientifique belge, est intervenu sur les compétences du lecteur numérique, celles qu’on lui souhaite de maîtriser dans l’environnement médiatique actuel. Le point de départ de cette conférence est la littératie médiatique, c’est à dire les compétences qui permettent à un individu d’évoluer de façon « critique et créative, autonome et socialisée dans l’environnement médiatique contemporain ». Ces compétences peuvent être distinguées en terme de tâches et en terme d’objets. Il existe différentes tâches (la lecture, la navigation, l’écriture et l’organisation) et différents objets (informationnels, techniques et sociaux). Les compétences du lecteur numérique se retrouvent dans la lecture, la navigation et dans l’écriture, et elles portent sur les objets informationnels, techniques et sociaux. Pour traiter de la lecture numérique, il faut prendre en compte ces différents aspects. Alors, qu’est-ce que la lecture à l’heure du numérique ? Avant tout, il ne faut pas oublier que l’objectif premier de la lecture est la compréhension, c’est à dire l’élaboration de représentations cohérentes et qu’il existe différents modes de lecture (la lecture textuelle n’est pas la seule mise en œuvre dans la lecture numérique). La lecture d’hyperdocument lie à la fois compréhension du contenu et compréhension de l’interface car la structure formelle de l’interface a une influence sur la compréhension du contenu. On doit considérer cette double tâche (navigations sémantique et matérielle) si l’on veut comprendre la lecture hypertextuelle. Quand le lecteur construit son propre parcours, le texte n’est plus que ce qu’il en lit et le projet du lecteur prend le pas sur celui de l’auteur. La cohérence se construit alors par l’intégration de documents médiatiques différents et hétérogènes. Mais cette cohérence ne peut se faire sans la « transmedia navigation » (Jenkins et al. 2006), c’est à dire sans la capacité à traiter l’information textuelle en intégrant et synthétisant des registres sémiotiques différents, des supports divers, des poins de vue multiples ….

« Les pratiques informationnelles des adolescents »

Après le déjeuner très bavard dans chaque coin de la salle, c’est au tour de Nicole Boubée, maître de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’université de Toulouse, de monter sur scène pour déterminer « les pratiques informationnelles des adolescents » et les problèmes laissés ouverts par les deux conceptions « natifs » et « naïfs » numériques. Nicole Boubée pose tout d’abord des constats empiriques, à savoir qu’il existe des diversités d’habiletés en TIC (les jeunes ne sont pas un groupe homogène), qu’il n’y a pas de transfert d’habileté et pas de capacités informationnelles. Une deuxième manière de déconstruire ces notions de « natif » et de naïf » est d’étudier l’effet de l’âge. Que font les élèves du secondaires ? Que font ceux du supérieur ? Il s’avère qu’il n’y a pas d’effet de génération et que les jeunes ont une attitude favorable par rapport aux nouvelles technologies. Mais pour autant ils ne s’approprient pas forcément les démarches, pas plus que les personnes âgées de 55 ans !

Les ateliers : nouvelles pratiques des enseignants-documentalistes

Fini avec cette série de conférences, l’heure et son quart d’heure qui suivent sont destinés aux ateliers… bien dommage de ne pas avoir le don d’ubiquité ! Il fallait faire un choix parmi les cinq ateliers proposés sur les nouvelles pratiques des enseignants-documentalistes. L’un d’eux portait sur « la liste cdidoc : une communauté de pratique qui fête ses 15 ans ». Florence Thiault, enseignante en documentation à l’université rennes 2 y présentait le bilan de l’enquête sur la liste en tant que communauté professionnelle. Cette enquête avait été menée dans le cadre d’une recherche doctorale. Un autre atelier portait sur la veille et les environnements de travail mené par Richard Peirano, enseignant-documentaliste à Laval. Cet atelier avait pour objet la construction des connaissances dans les nouveaux espaces informationnels et leur réinvestissement au service de la formation des élèves. Un troisième atelier explorait les communautés de lecteurs avec l’exemple de Babelio. Guillaume Teisseire, cofondateur du site, interrogeait la présence du livre physique dans un environnement numérique. Un autre atelier abordait l’intérêt de la pratique de Twitter pour les documentalistes. Nadia Benyounes, enseignante-documentaliste au CRDP de Haute Normandie y expliquait ce qu’était Twitter (son fonctionnement, son langage, ses us et coutumes, ses paramétrages, ses astuces…) pour que les documentalistes profitent de ses avantages lors leur travail. Enfin un dernier atelier portait sur l’usage des réseaux sociaux au CDI, que peut-on en faire ? Dans quel but ? L’atelier a été l’occasion à Alain Le Flohic, enseignant-documentaliste à Lamballe de citer des exemples d’utilisation de facebook au CDI et d’en expliquer les bienfaits. Christophe Poupet, enseignant-documentaliste à Le Blanc, y est aussi intervenu en abordant la vie privée sur les réseaux sociaux.

« Faut-il reconsidérer la médiation documentaire ? »

Après cette pause atelier, petit temps pour souffler, c’est reparti pour une conférence, celle de Vincent Liquète, maître de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’IUFM d’Aquitaine. Son intervention portait sur les nouveaux dispositifs techniques et humains au service de la médiation documentaire. En documentation scolaire, la médiation possède plusieurs dimensions : médiation interpersonnelle, contextuelle et technique. La médiation documentaire humaine relève de trois modes originels (Cf Séraphin Alava) qui rappellent les modes de la transmission : rapprocher l’usager des dispositifs techniques, centrer les activités sur le tutorat ou le monitorat et se centrer sur l’usager. La médiation documentaire centrée sur l’individu passe par l’effacement du professionnel (il doit être médiateur de l’information sans qu’on le voit), par la création de sens dans la subjectivité pour que la médiation s’inscrive dans la durée (prendre du sens par la rencontre) et par l’instauration d’un rapport de confiance puis de dépendance. Pour les médiations documentaires techniques, il faut veiller à ce que les interfaces soient communes et les plus simplifiées possible. Les aides à la médiations sont de différents types. L’aide à l’orientation permet de situer le potentiel informationnel de l’environnement dans lequel l’individu travaille. L’aide didactique se situe, elle, au niveau du raisonnement, du contenu, des concepts. L’aide méthodologique permet de caractériser des styles cognitives (comment et pourquoi travailler dans un groupe, par exemple). Enfin l’aide structurelle a pour but d’élargir l’écosystème informationnel de chaque individu pour lui montrer les potentiels informatifs intra et extra-établissement. Pour conclure, Vincent Liquète dit que cette approche via les médiations peut secouer le monde scolaire car elle remet en question les modèles centripètes. Il faudra sans doute considérer la documentation non plus en terme de centre (centre de documentation, Learning Center…) vers les élèves mais en un schéma nouveau qui serait centrifuge et qui amènerait vers la documentation. Du coup il est temps, pour V. Liquète de poser la question en conclusion : en quoi les modèles qui se dessinent progressivement sont-ils peu (ou pas) compatibles avec les formes médiées de l’info-documentation ?

« L’école et les lectures industrielles »

La dernière conférence de cette longue journée est donnée par Alain Giffard, directeur du groupement d’intérêt scientifique « culture-médias & numérique », sur l’école et les lectures industrielles et sur la question de l’attention. La lecture numérique appartient aujourd’hui au champ plus large des lectures industrielles car la véritable nouveauté dans la lecture numérique est sa relation avec les industries de lecture (au croisement de trois industries : l’industrie de l’information, l’industrie du marketing et les nouvelles industries culturelles). Ces industries de lecture sont organisées sur le modèle du marché biface, deux logiques économiques de l’attention : produire de l’attention (faire appel aux auteurs par exemple) et vendre l’attention (par les espaces publicitaires par exemple). Google, par exemple, propose ses services d’un côté et revend nos données de l’autre. La forte présence/influence de ces industries de lecture rend difficile la lecture numérique. Le lecteur subit trois types de surcharge cognitive, liées à la lisibilité, au temps de lecture et au multimédia (difficultés à mener une lecture soutenue, concentrée, approfondie…). Comment l’école peut-elle s’organiser pour faire face à ces industries de lecture ? Quelques pistes : renoncer à utiliser les tic, renoncer à la production de contenus pour le numérique ou encore faire du lieu d’apprentissage, un lieu où l’on apprend à ralentir (où l’on se prépare à la lecture, où on s’exerce, où l’on acquiert une culture numérique de la lecture).

Nouveaux supports, nouveaux usages… quelques pistes

« La mutation numérique du livre »

Elle débute par la conférence de Lorenzo Soccavo, chercheur indépendant en prospective du livre et de l’édition, qui explique qu’on en est à la 4ème révolution du livre ! Après être passé de la tablette au papyrus, du codex au rouleau, de l’édition manuscrite à l’édition imprimé, nous voici à l’édition numérique. Nous en sommes à « l’époque des e-incunables » qui a débuté en 1971 et qui devrait se terminer en 2022 (les incunables ayant duré 51 ans, il n’y a pas de raison que les e-incunables n’ai pas la même durée de vie). Il y aurait 4 niveaux de mutation du livre. Un premier niveau concerne les pratiques de lecture, d’écriture , d’apprentissage, de recherche et d’accès aux documents (lecture fragmentaire, sociale, connectée). Le second niveau de mutation du livre porte sur les dispositifs de lecture. Chaque dispositif est associé à un genre littéraire (l’épopée est par exemple relié au codex). Actuellement nous disposons de différents dispositifs (ordinateur et notebook, tablettes et e-paper, smartphone et tablette numérique). Le troisième concerne la reconfiguration du marché du livre et l’évolution de la chaîne du livre (diffusion multicanale et multisupport, désintermédiation forte, chaîne du livre linéaire devenue réticulaire). Enfin le dernier niveau de mutation du livre est celui de la langue et de la littérature. Auparavant, il y avait le latin qui était la langue commune de l’écrit, avec la révolution Gutenberg et la prise en compte du coût des polices, il y eut de plus en plus d’impressions dans les langues vernaculaires (rentabilité !). On peut penser que nous procédons maintenant dans un mouvement inverse en privilégiant une seule langue : l’anglais, le globish. Mais on peut aussi penser que le passage au numérique permet aux pays émergents de publier directement dans leur langue maternelle, sans passer par la langue des pays colonisateurs. Pour résumer, et si l’on observe ce qui se passe, la chaîne du livre est un écosystème à quatre acteurs, l’auteur, l’éditeur, le livre et le lecteur (les éditeurs et auteurs étant en lien direct avec les majors du divertissement numérique telles qu’Amazon, Apple ou Google). Le livre évolue. Et nous sommes à une époque de la digitalisation de l’édition, c’est à dire de la métamorphose du livre en tant que contenant et contenu. Il faut donc penser la lecture au delà de l’objet livre (contenant) et repenser les fonctions des professionnels du livre (enseignants-documentalistes, bibliothécaires, libraires…).

Les ateliers sur les usages des nouveaux supports de lecture

Comme la veille, cinq ateliers se déroulent simultanément mais aujourd’hui ceux-ci portent sur les usages des nouveaux supports de lecture. Au programme, une présentation de l’expérimentation Ipad ordicollège en Corrèze par Pierre Mathieu (directeur du CDDP de Corrèze), un compte-rendu d’expérimentation de tablettes numériques en lycée professionnel pour un travail sur la presse par Philipe Chavernac (enseignant-documentaliste à Paris), un exposé sur le bilan d’expérimentation du livre numérique dans la Région Centre par Christophe Poupet (enseignant-documentaliste à Le Blanc), une présentation de la mise en place d’une bibliothèque numérique à l’université par Emmanuel Saubion (responsable de bibliothèque de l’Université de Toulouse-Le Mirail) et enfin un dernier atelier sur les usages des ebooks en bibliothèque mené par Laurent Matos (bibliothécaire dans les Yvelines). Ateliers toujours riches de discussions dans lesquels nous découvrons des pratiques qui pourraient nous donner des idées.

« La prise en compte du numérique en bibliothèque »

Marine Bedel, directrice des Champs Libres et de la bibliothèque municipale de Rennes, est venue pour nous parler de la prise en compte du numérique en bibliothèque en prenant exemple sur la bibliothèque des Champs Libres de Rennes. La construction d’une bibliothèque virtuelle de qualité n’est pas une mince affaire. Il faut simplifier l’accès du public eu contenu et rendre les outils numériques familiers. La bibliothèque des Champs Libres a mis en place un espace salon de lecture numérique où l’usager a la possibilité de manipuler tablettes et liseuses et de consulter des contenus mis à disposition par la bibliothèque. L’accès à ce salon numérique est libre et l’usager est accompagné. La bibliothèque des Champs Libres mise sur la construction d’une bibliothèque hybride tant au niveau des contenus que des supports, sur la restitution du patrimoine via les outils virtuels (bibliothèque numérique patrimoniale en cours de création), et sur l’action culturelle (développement de la culture numérique). Belle exemple de prise en compte des évolutions liées au numérique.

Table ronde et débat : « le CDI, quel espace de formation ? »

Quatre intervenants se sont ensuite succédés à la table ronde animée par Jérôme Bertonèche du département du managment et de l’ingénierie documentaire du CNDP pour essayer de déterminer quel espace de formation est ou doit être le CDI dans ce nouveau contexte (nouveaux supports, espaces, médiations). Pierrette Penin, du département de la recherche et du développement, de l’innovation et de l’expérimentation (DRDIE) à la DGESCO a commencé en annonçant que l’innovation était présente dans le champ de la documentation ! Innovation avec des possibilités balisées par la loi de 2005 (qui permet ou autorise l’expérimentation), possibilités élargies depuis et positionnement nouveau. Par ses propos, elle explique la place de l’innovation et de l’expérimentation dans l’éducation. Elle annonce que la DRDIE va publier un vademecum « apprendre ensemble avec le numérique »… Mireille Lamouroux, responsable académique documentation au CRDP de Versailles, a ensuite pris la parole sur le sujet des Learning Centres, concept s’inscrivant dans un repositionnement des bibliothèques : passer d’une politique publique à une politique des usagers. Avec ses services et ressources numériques pertinentes, adaptées, utiles à la communauté scolaire, le learning centre est un soutien à la pédagogie, un lieu d’apprentissage, un lieu de vie où l’on développe la sociabilité. Le learning centre n’est donc pas seulement un lieu d’accès au numérique. Mais tout n’est pas à garder dans ce concept, certains aspects ne sont pas nécessaires à nos établissements scolaires (laissons donc de côté l’idée de cafétéria ou de lieu cosy, et ne nous inquiétons pas de l’amplitude des ouvertures extrêmement large…).

Jean-Jacques Pellé, directeur de l’éducation au conseil général du Finistère, est ensuite intervenu pour parler du rôle des collectivités dans le développement des CDI (investissements dans les outils, les espaces…). Il a insisté sur la nécessité de d’associer les collectivités territoriales aux divers projets réalisés dans les établissements, le partenariat est essentiel. Assister à la construction d’un projet permet à celui-ci de durer dans le temps et d’arriver à son terme. Les traces de ce projet sont donc très importantes car elles en sont sa mémoire. Enfin pour terminer cette table ronde, Jean Louis Durpaire, inspecteur général de l’Education nationale, a rappelé qu’il était nécessaire de restructurer le réseau des CDI des établissements. Les CRDP et CDDP sont formidables et il faut réinvestir ces réseaux ! Provocateur, Jean-Louis Durpaire a aussi affirmé que «notre profession a un problème avec les documents ». Il faisait bien sûr référence à cette absence d’une circulaire de missions digne de ce nom, mais cette circulaire n’est pas si importante que cela puisqu’il existe plusieurs autres documents sur lesquels s’appuyer, textes qui, certes, ne définissent pas nos missions mais qui cadrent tout de même notre travail. Pour l’instant, il n’existe pas de définition nationale des CDI (décidément nous avons un métiers bien flou dans un espace incertain), il va nous falloir attendre mars 2012 pour en savoir plus, car à cette date un vademecum pour les learning centre devrait être publié. Ce que Jean-Louis Durpaire a pu dire avec force c’est que le CDI est une force importante au service de l’apprentissage de l’élève, c’est un lieu de culture, un lieu de formation et un lieu d’apprentissage différent et personnalisé.

Bilan des rencontres Savoirs CDI et perspectives

Que faut-il retenir de ces rencontres ? Comprendre le numérique reste une tâche très forte et les sujets d’inquiétude ne manquent pas face à la puissance des industries culturelles, face aux effets pervers de la lecture, de la main-mise des grands groupes sur le livre numérique, etc. L’école doit développer une lucidité critique et vigilante face à toutes ces évolutions, tous ces outils et usages et elle a un rôle majeur à jouer face au poids des industries culturelles. Nous sommes face au défi de connaître les pratiques informationnelles des jeunes et avons devant nous un triple travail de déconstruction et de distanciation.

Tout d’abord une nécessité de prendre de la distance par rapport aux discours (par exemple sur les digital natives) et aux pratiques. N’enfermons pas les jeunes dans les pratiques actuelles car leurs pratiques évoluent avec les nouveaux outils ou le développement de la formation (leurs pratiques auront sûrement changé dans 10 ans, 20 ans, etc.). Méfions-nous également de notre propre regard, de nos propres projections, de nos pratiques, il nous faut connaître, comprendre et analyser les pratiques informationnelles des jeunes. Enfin, nous sommes devant la nécessité de prendre de la distance par rapports aux compétences informationnelles : distinguer les compétences acquises, des compétences nécessaires et des compétences attendues. Aujourd’hui sur les réseaux, beaucoup de compétences, de cultures différentes sont mobilisées (cultures des médias, culture générale, culture informationnelle….) et en filigrane on retrouve la question de la formation à l’information. L’enjeu est de savoir comment utiliser tous ces outils mais aussi et surtout est de faire de ces outils des objets de savoir. En conclusion, il faut former à, former sur et former contre les outils, si l’on s’en tient seulement à « former à », alors on est dans l’erreur.

Après deux jours à écouter ces personnes toutes plus intelligentes les unes que les autres, la tête tourne un peu. L’économie de l’attention, les compétences du lecteur numérique, les pratiques informationnelles des élèves, la médiation documentaire, les lectures industrielles, la mutation numérique du livre, etc. les interventions ont été riches, rudement intéressantes et vraiment très variées, peut-être un petit peu trop d’ailleurs. La première impression après ces rencontres, est qu’il est difficile de reconstituer le fil-guide de ces deux jours, cela semble partir dans tout les sens. Mais le thème des rencontres était tellement large qu’il aurait été difficile de faire autrement. Laissons passer quelques jours et prenons le temps de revenir sur ces interventions pour le fil-guide de ces rencontres nous soit plus évident.

A venir, dans les prochains jours

Sur Savoirs CDI, les actes des 5èmes rencontres

http://www.cndp.fr/savoirscdi

Sur le site du CRDP de Rennes, les vidéos de certaines interventions

http://crdp.ac-rennes.fr/crdp/services/index.php