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Par François Jarraud

« Ce n’est pas de l’eau tiède », affirme le président de l’Appel de Bobigny, Yves Fournel. L’Appel veut être « un programme tout prêt pour un futur président ». Rédigé par une grande partie des acteurs de l’Ecole, municipalités du Réseau des villes éducatrices, syndicats enseignants, parents d’élèves de la Fcpe, mouvements pédagogiques et de jeunesse, Ligue de l’enseignement, Andev, Unef, Unl, etc., l’Appel tente de dépasser les divisions pour faire addition. Reste à trouver le candidat qui mettra l’éducation au premier rang de ses préoccupations…

Sous les dorures de l’Hotel de Ville de Paris, le 2 novembre, Colombe Brossel, maire adjointe chargée de l’éducation, accueille les organisations de l’Appel en en soulignant les enjeux. « L’éducation doit retrouver une place prioritaire… On parle de gestion, de RGPP. On a perdu de vue le projet éducatif. Il est temps de reposer cette question ». Pour Yves Fournel, l’Appel doit  » interpeller les candidats aux présidentielles. Ce n’est pas de l’eau tiède mais la base d’une nouvelle politique éducative ». Alors que « la politique actuelle tourne le dos aux intérêts de la jeunesse », l’Appel devrait apporter l’élan nécessaire à une politique éducative nouvelle associant tous les acteurs.

A l’origine de cette réunion la présentation, le 19 octobre 2010 d’un premier texte. Une plate-forme présentée par Yves Fournel à l’époque comme une compilation.  » C’est des valeurs, des méthodes, une identification des changements nécessaires, un grand projet national pour l’enfance et la jeunesse ». Il demande une « loi d’orientation et de programmation pluriannuelle pour l’enfance et la jeunesse ». Il s’agit de garantir le droit à l’éducation pour tous, et donc de garantir une équité effective et non « l’égalité des chances ». Il veut promouvoir « la coopération de tous les acteurs », « mobiliser les ressources des territoires et de l’école », « définir un projet éducatif global ambitieux ». Au total on trouve 5 priorités et 18 propositions. Parmi celles-ci, il n’esquive pas la question des rythmes scolaires mais revendique d’appliquer les recommandations de l’Académie de médecine avec une semaine de 5 jours au primaire. Dans le secondaire il demande une réforme de l’évaluation, la fin des redoublements, la démocratisation du lycée. Enfin il adopte systématiquement une vue intégratrice, associant les collectivités locales et les associations au travail éducatif.

Un an plus tard, Y Fournel présente 6 « textes complémentaires« . Le premier concerne les 0 à 6 ans. Il demande un « plan national pour le service public petite enfance » avec un investissement de 10 milliards sur 5 ans partagé entre Etat, collectivités territoriales et entreprises. Il s’agit d’ouvrir 300 000 places supplémentaires, de réformer le congé parental et le congé maternité, en élargissant celui-ci et en ramenant le premier à une année mieux rémunérée. Le document concerne aussi l’école maternelle « confortée », rendue obligatoire à partir de 3 ans. Un autre document concerne un sujet qui divise plutôt les acteurs de l’Ecole, l’autonomie des établissements scolaires. L’Appel pose le principe de « l’autonomie des équipes éducatives et leur liberté pédagogique ». « L’autonomie des écoles et des établissements du second degré doit s’ inscrire dans une recherche de complémentarité sur un territoire donné.. et ne peut donc se concevoir dans une logique de concurrence ». L’autonomie « ne peut faire éclater tout cadre national ». Un autre texte s’intéresse à la formation des professionnels de l’éducation. Il demande l’abrogation du décret Morano de juin 2010 qui a abaissé les exigences de personnel qualifié dans les accueils de la petite enfance. L’Appel demande une requalification de ce personnel en utilisant la VAE. Il s’oppose aussi à la réforme de la formation des enseignants en insistant sur sa dimension professionnalisante.

Loin d’être le premier ou le seul appel sur l’éducation, l’Appel de Bobigny peut-il apparaître comme un levier du débat politique ? La qualité et le nombre des participations le donne à penser. Déjà en 2010, l’historien Claude Lelièvre avait salué son caractère unique.  » Il n’y a pas de précédent historique », diasit-il. « Ni par le nombre de participants, ni par la forme non revendicative mais prospective, ni par la méthode de travail ». Mais en associant dans un même document des partenaires aussi différents et opposés sur bien des points, l’Appel a réalisé quelque chose qui tient plus « d’une base de débat », comme l’a reconnu un participant, qu’un programme. Adressé à tous les partis politiques, l’Appel a trouvé un écho au PS, au parti de gauche et chez EELV. On attend toujours la réponse de l’UMP ou du Modem. Parmi les 80 maires signataires il y a un bien un M. Chatel. Mais ce n’est pas le bon. La droite se paye le luxe de bouder les acteurs de l’Ecole.

François Jarraud

L’Apple en 2010

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/10[…]

Le site de l’Appel

http://www.villeseducatrices.fr/page.php?page_id=20