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Par Jean-Michel Le Baut

L’exposition sur la Comédie-Française, au Petit Palais du 13 octobre 2011 au 15 janvier 2012, ne peut qu’intéresser tous les amateurs de théâtre, et en particulier les professeurs de lettres attachés à transmettre une mémoire vivante de la littérature. Ils y trouveront de quoi satisfaire leur souhait de mieux connaître un établissement culturel majeur, son histoire, ses valeurs, ses figures mythiques : « grâce à sa bibliothèque-musée, deux-cents œuvres (peintures, sculptures, documents d’archives, objets personnels, accessoires et maquettes) sont présentées, afin de découvrir les coulisses du théâtre et pénétrer cet univers mystérieux ».

L’exposition est surtout intéressante en ce qu’elle participe, plus que de l’histoire littéraire, de l’histoire du rapport à la littérature. Elle dévoile en particulier comment la « Maison de Molière » s’est peu à peu construite comme une cathédrale à sa propre gloire : la sanctification de Molière lui-même, dont on verra ici avec émotion quelques objets reliques ; la peinture officiellement chargée de montrer, de célébrer, de figer les grands comédiens dans leurs emplois ; les bustes immortalisant les dramaturges ayant marqué le répertoire de l’institution … On sait combien le théâtre (comme l’opéra) a longtemps été un lieu où les classes privilégiées venaient se regarder, on voit ici clairement combien ceux qui le font l’ont aussi instrumentalisé pour se contempler et diffuser une certaine image d’eux-mêmes. Emblématique est ainsi la salle des bustes : bien rangés les uns derrière les autres, ces auteurs, dont pour la plupart plus personne désormais ne lit ou ne représente les œuvres, posent pour la postérité et forment une étonnante troupe, de comédiens interprétant de grands dramaturges ou de soldats combattant pour le « sacre de l’écrivain ». Les salles du Petit Palais révèlent ainsi peu à peu les postures et les impostures, exhibent la Littérature comme jeu, culturel et social.

L’exposition invitera donc le professeur de lettres à interroger sa propre relation à la littérature : le recueillement religieux ou la distance critique ? … Qu’il n’attende pas cependant qu’elle contribue à une histoire de la représentation théâtrale. Trop narcissique ou trop préoccupée d’explorer le narcissisme du théâtre, elle n’éclaire guère les partis pris des acteurs ou les choix de mise en scène. Dans l’avant-dernière salle s’élève ainsi un mur de maquettes : la construction est vertigineuse et fascinante, elle ne permet pas hélas au visiteur de voir et de juger comme il le souhaiterait chacun des décors proposés, elle apparaît comme le symbole d’un projet qui privilégie l’admiration à l’observation, d’une exposition dont le sujet même (c’est là son intérêt et sa limite) est peut-être la contemplation.

Infos pratiques :

Petit Palais – Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Avenue Winston Churchill 75008 Paris

Ouvert tous les jours, de 10h à 18h, sauf les lundis et jours fériés.

Des visites conférences et des visites littéraires sont aussi organisées

Liens :

Présentation :

http://www.petitpalais.paris.fr/fr/expositions/la-comedie-fra[…]

Dossier complet :

http://www.petitpalais.paris.fr/sites/default/files/dp_com[…]