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Par François Jarraud

Tous les professeurs de collège le savent : chaque année un petit groupe d’élèves n’arrive pas à trouver de stage. Faute de relations familiales ou/et parce que leur look, leur couleur, leur genre, leur patronyme ou leur religion rebutent l’entreprise. Comment faire respecter l’égalité entre ces jeunes ? Souvent on s’en tient à une « charte » ou des déclarations. Dans le 19ème arrondissement de Paris, la municipalité contre-attaque avec efficacité.

On ne le sait pas forcément. Paris n’est pas qu’une ville bourgeoise. Le nord-est de la capitale compte de nombreuses poches de pauvreté et plus d’un tiers des élèves (35%) appartiennent à des catégories défavorisées et souvent à des minorités ethniques. Et chaque année près de 200 élèves de troisième du 19ème arrondissement se retrouvent sans stage parce que personne n’a voulu d’eux.

Le 17 novembre, la municipalité parisienne, représentée par Colombe Brossel, adjointe chargée de la vie scolaire, et Christian Sautter, adjoint chargé de l’emploi, ont invité les chefs d’établissement du 19ème arrondissement, des représentants des entreprises, les associations locales à la présentation officielle du dispositif de soutien développé par une association locale, l’APSV avec le soutien de la Ville.

« On aurait pu se contenter de signer une charte contre les discriminations, comme on le fait un peu partout », nous confie Colombe Brossel. « On aurait signé un bout de papier et on aurait laissé les jeunes se débrouiller. On a fait le choix d’accompagner les entreprises avec le soutien des associations du quartier. Parce que lutter contre les discriminations c’est aussi un exercice de pédagogie, de modification des pratiques ».

Le dispositif associe un programme de parrainage entre les collèges du 19ème et des entreprises volontaires via une charte. Les entreprises s’engagent sur trois ans à prendre en charge des élèves de 3ème n’ayant pas trouvé de stage. A cela s’ajoute un guide, réalisé par l’APSV, qui aide les entreprises dans la gestion des stages. Il précise les différentes formes de stage et la particularité du stage de 3ème. Il rappelle avec des exemples précis ce qu’est la discrimination, ce qui n’est pas inutile parce qu’elle n’est pas toujours volontaire. Enfin le guide développe les intérêts à agir pour l’entreprise. Enfin des outils concrets (livret d’accueil, parcours métiers) aident à accompagner les stagiaires. Les entreprises savent qu’elles ont dans l’APSV un partenaire capable de les aider. Pour Colombe Brossel, « les entreprises ont intérêt à participer à ce dispositif pour s’insérer dans le territoire. Mais c’est aussi un engagement citoyen pour elle ».

« Pour le groupe, c’est une fierté d’avoir fait quelque chose de concret pour lutter contre les discriminations », nous confie une responsable de Paribas. La banque a ouvert tout un parcours pour accueillir les stagiaires. Ils découvrent les métiers de la banque, simulent des entretiens de clientèle ou de recrutement, ou encore découvrent la promotion interne. « A la fin du stage, les élèves nous ont remercié. Leur professeur aussi. Je crois que les représentations avaient évolué », conclue-t-elle. 23 entreprises de l’arrondissement participent au projet. Parmi elles, le Parc de la Villette. Sa directrice générale, Florence Berthout, a détaille les 8 parcours pédagogiques que suivent les stagiaires pour découvrir les emplois fort divers du Parc.

Et les collèges ? Mmes Schwauch, principale du collège Mozart, et Dodinet, principale de G. Brassens, estiment que le dispositif apporte beaucoup à leur collège. « On a du mal à trouver des stages pour certains élèves. Avoir des stages réservés c’est un confort », nous confie l’une d’elles. « Mais c’est aussi que ce sont de stages d’un grand intérêt. Au lieu d’être casés au supermarché du coin où il n’y a personne pour s’occuper d’eux, ils sont accueillis dans des entreprises où ils découvrent réellement des métiers et l’entreprise ». Elles apprécient aussi les prolongements qu’apporte le dispositif vers les associations du quartier. Au retour du stage, les élèves soutiennent un oral où ils expliquent ce qu’ils ont fait. « On invite volontiers les entreprises si elles peuvent donner une demi-journée pour participer à ces restitutions. L’opposition éducation nationale – entreprises c’est dépassé ».

François Jarraud

Lien :

Le plan de lutte contre les discriminations et la banque de stages

http://www.paris19contrelesdiscriminations.fr/

La banque de stages