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Par François Jarraud

Le rapport du Comité stratégique des langues, présidé par Suzy Halimi, a inspiré le 7 février de nouvelles orientations à la politique ministérielle. Luc Chatel a repris l’essentiel du rapport. Les propositions concernent l’enseignement scolaire, la formation des enseignants et la formation tout au long de la vie.

En présentant le rapport, Suzy Halimi en vante le caractère « audacieux ». Elle évoque « une nouvelle approche » qui veut faire de l’enseignement des langues « un problème de société ». Sur de nombreux points les préconisations du rapport se traduisent par des décisions ministérielles.

Les préconisations du rapport Halimi. Ainsi en maternelle, le rapport préconise « une sensibilisation aux langues vivantes ». Pour S Halimi, les spécialistes des neurosciences assurent que jusqu’à 7 ans les enfants peuvent assimiler facilement deux langues étrangères. Elle appelle à faire appel à des locuteurs natifs qui puissent initier les enfants aux sonorités d’autres langues. Elle souhaite qu’on fasse appel « à la richesse linguistique de la classe ». Au collège, elle souhaite l’introduction d’une seconde langue dès la 6ème. Au lycée la « mise au repos » d’une langue au bénéfice de situations d’expression. Le rapport préconise aussi d’encourager la mobilité des élèves en établissant un guichet unique d’information sur les séjours linguistiques. La mise en réseau des établissements est aussi encouragée. Enfin la mobilité des enseignants devrait être valorisée par l’Etat.

Luc Chatel souscrit sur plusieurs points mais met surtout en route des artifices de gestion des enseignants de langues. Ainsi pour la sensibilisation en maternelle et au primaire, il préconise de renforcer la formation continue des professeurs des écoles. Mais concrètement il envisage de faire appel à des professeurs du secondaire pour les faire intervenir à l’école.

Au collège, il souhaite étendre les groupes de compétences au collège. Il instaure dès la prochaine rentrée la globalisation des horaires c’est à dire « la possibilité données aux collèges de répartir le temps attribué aux langues selon les langues et les années » de la 6ème à la 3ème. Cette formule devrait permettre des économies d’emploi. Il évoque aussi l’annualisation (voir un autre article).

La mobilité est un autre objectif soutenu par Luc Chatel. Pour les élèves le ministre « veut aller vers un système éducatif qui permette pour chaque élève une immersion dans le cadre de sa scolarité ». Concrètement il reprend les propositions d’un cahier des charges national et d’un guichet unique. L’Etat ne financera pas le coût des séjours linguistiques, laissant sans doute celle-ci aux collectivités locales. Il encourage aussi les enseignants à participer au dispositif Jules Verne qui permet des stages annuels de professeurs à l’étranger. Le plus gros effort est demandé aux futurs enseignants. Il modifiera les concours pour que ceux-ci exigent un séjour d’étude de 6 mois à l’étranger. Enfin il demandera aux chaînes de télévision de diffuser davantage de films en V.O.

Si les orientations du rapport et du ministère vont souvent dans le bon sens, par exemple considérer l’apprentissage des langues comme un problème de société, les contraintes budgétaires sont telles que l’Etat est impuissant voire utilise le rapport pour optimiser la gestion des emplois. La pire mesure concerne les futurs enseignants : elle achèverait d’écarter du professorat les candidats d’origine populaire alors que l’éducation nationale a bien du mal à trouver des candidats. Sur d’autres points c’est le rapport qui est criticable. Ainsi, comme l’avait expliqué Anne Christophe, les découvertes des sciences cognitives établissent bien que « plus on apprend jeune une deuxième langue, meilleur sera le niveau atteint. C’est particulièrement vrai pour les bébés bilingues qui, très tôt sont capables d’apprendre deux langues », et que « le cerveau humain est apte à s’habituer et traiter plusieurs langues dans ses premières années ». Mais les études effectuées portent sur des enfants en immersion familiale dans un nouveau pays et donc soumis en permanence aux deux langues jusqu’à au moins la puberté. L’efficacité de quelques heures par semaine de deuxième langue, comme c’est le cas dans le système scolaire, n’a pas été étudiée et les cognitivistes n’ont pas de réponse à cette question.

Le site English By Yourself

La grande révélation de la journée c’est le site « English By Yourself ». Développé par le CNED avec l’aide d’Orange et le soutien de partenaires comme le British Council, « English By Yourself » est un service d’apprentissage de l’anglais en ligne destiné aux enfants (à partir de 3 ans) et aux adultes. La plateforme, présentée par le directeur du Cned, Serge Bergamelli, propose une immersion gratuite dans un bain anglophone aux enfants de 3 à 12 ans. De 3 à 6 ans, il s’agit de comptines et d’écoute de sons. De 7 à 12 ans, sans avoir à s’enregistrer, les enfants ont accès à des ressources thématisées et à une Live Radio. Il s’agit d’utiliser l’anglais dans la vie personnelle ou professionnelle, autour de centres d’intérêt que l’enfant indique ou que le logiciel repère. Les contenus sont adaptés à l’âge et aux choix de l’enfant.

A partir de 13 ans, la plateforme invite à s’inscrire. Elle propose des tests complets (oral et écrit) et une sélection de ressources (vidéos, articles de presse, jeux) autour de ses thèmes favoris. Une cinquantaine de formations, dont des préparations aux certificats Toeic, Toefl, DCL(EP), Cles2), des modules d’anglais professionnel ou de conversation téléphonique sont accessibles. Mais là ce n’est plus gratuit.

Les points forts de la nouvelle plateforme sont sa gratuité jusqu’à 13 ans, le caractère souvent ludique des ressources, la personnalisation puisque le logiciel interprète les sélections, le vaste choix de vidéos vers lesquels le site dirige et qu’il accompagne de questions. Mais il y a aussi des points noirs. Les ressources en ligne changent régulièrement, on n’est pas certain de retrouver celle que l’on a repérée. Elles sont de qualité variable. Certaines sont peu utilisables : par exemple un extrait sur le Super Bowl a une bande son très difficile à comprendre et l’aide (qui porte sur le football américain) n’est pas efficace à ce niveau !

Mais la principale critique c’est que la convention avec le ministère qui permet aux élèves désirant poursuivre l’apprentissage d ‘une langue non enseignée dans leur lycée de bénéficier de la gratuité des formations du Cned n’est valable que jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans, alors même que toutes les séries du lycée exigent deux langues vivantes, laissant ainsi 2 à 3 années de formation à la charge des familles. Evidemment ce n’est pas comme cela que l’on aide les jeunes Français à améliorer leur niveau en langues étrangères.

François Jarraud

Mes remerciements à Christine Reymond pour son aide.

Découvrez English By Yourself

http://www.englishbyyourself.fr/index.html

Le dossier de presse

http://www.education.gouv.fr/cid59285/luc-chatel-decide-d[…]