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Par François Jarraud

Le président de la République a affirmé son intention de mettre la dernière année de bac professionnel et de CAP en alternance. Cette mesure aura un impact important sur les lycées professionnels et sur le devenir de ces jeunes.

« Toute formation professionnelle, y compris celles délivrées par les lycées professionnels, doit aller vers l’alternance ». Le président de la République a réitéré le 29 janvier ses propos en faveur de l’alternance en fin de lycée professionnel. Il a présenté cette mesure comme susceptible de lutter contre le chômage des jeunes.

Quel avenir pour ces jeunes ? En mai dernier, le Centre d’analyse stratégique a publié un rapport recommandant le développement de l’apprentissage y compris à de faibles niveaux de qualification pour faciliter l’intégration dans l’emploi des jeunes. Cette idée se heurte à deux faits. D’une part le nombre de contrats d’apprentissage est très loin d’atteindre les objectifs gouvernementaux et spécialement pour les bas niveaux de qualification. Les seuls secteurs où l’apprentissage progresse sont ceux très qualifiés. Une étude du Céreq a montré en 2007 cette inadaptation de l’apprentissage à aider les jeunes peu qualifiés à entrer en emploi.  » Derrière une idée simple, l’apprentissage se compose en fait d’espaces divers… dont le plus dynamique actuellement n’est peut-être pas le mieux à même de répondre au principal enjeu des politiques de l’emploi : réduire le chômage des jeunes », affirmait-elle déjà. Depuis les entreprises ont encore réduit leur offre. Une autre étude, en 2011, a mis en évidence que le diplôme est un facteur d’insertion bien plus puissant que l’apprentissage.

Aggravé par la loi Cherpion. Le gouvernement a donc pris des mesures pour contourner ces obstacles et faire tomber les statistiques du chômage artificiellement en imposant ses volontés. La loi Cherpion, entrée en application fin juillet 2011, permet a des jeunes de 14 ans et demi ayant terminé une 3e d’entrer en apprentissage. Evidemment pour ces jeunes, « le socle commun » n’est pas respecté. La loi pallie aussi au refus des entreprises d’embaucher des apprentis. Elle relève le taux d’apprentis obligatoire de 3 à 4%. Elle invente l’apprentissage sans entreprise ! En effet elle permet d’entrer en formation d’apprentissage sans contrat avec une entreprise, le jeune étant considéré stagiaire pendant un an. Au bout du compte il y a un très fort risque pour ces jeunes pour se retrouver à 15 ans et demi ou 16 ans sans contrat, sans travail et sans diplôme avec des perspectives de chômage bien plus fortes que s’ils étaient restés sous statut scolaire.

Les déclarations du président le 29 janvier vont donc encore plus loin dans cette logique. Le président a également promis de relever à 5% le taux obligatoire d’apprentis imposant ainsi aux entreprises une mesure qu’elles ne souhaitent pas. Ces mesures sont loin de permettre une insertion réelle des jeunes peu ou pas diplômés sur le marché du travail, d’autant qu’elles les poussent à quitter le système éducatif. Si en Allemagne l’apprentissage connaît un réel succès c’est aussi que la structure économique du pays, beaucoup plus industrialisé, s’y prête ainsi qu’une culture qui reconnaît ces qualifications par rapport aux diplômes.

Pour les enseignants de lycée professionnel c’est une très mauvaise nouvelle. Elle aurait un fort impact sur l’emploi, déjà menacé par la réforme du bac professionnel qui a éliminé plus de 30 000 élèves à la prochaine rentrée.

Dans la soirée, Jean-Luc Mélenchon a commenté les propos présidentiels. « Sous couvert de développer l’apprentissage, on va pousser les enfants du peuple hors des écoles vers les usines », a-t-il déclaré. « Or les usines ne sont pas des écoles ».

L’intersyndicale proteste contre le projet Sarkozy. L’intersyndicale de l’enseignement professionnel, qui regroupe AetD, CGT Educ’action, FAEN, Se-UNSA, Snetaa-FO, Snalc-CSEN, Snuep-FSU, Snep-FSU, Snetap-FSU, Sgen CFDT, SUD Education, SYAC CGT, Sud Rural, et Snalc FGAF, réagit aux propos de Nicolas Sarkozy appelant à faire passer en alternance la dernière année de CAP et de bac pro.  » L’intersyndicale condamne très clairement la volonté du gouvernement de vouloir imposer coûte que coûte l’apprentissage en dernière année de formation du BAC PRO et du CAP. Elle réaffirme que la formation de tous les jeunes n’est pas une charge pour la nation mais un investissement pour l’avenir. Elle passe par la voie scolaire dans les lycées professionnels. Elle réaffirme son attachement à faire de la voie professionnelle une voie à égale dignité des voies générale et technologique ».

De son coté, la Fep Cfdt, un syndicat du privé, estime également que « la proposition de déléguer la partie terminale de la formation initiale à l’entreprise » menace les établissements et  » peut constituer un danger pour les intérêts des futurs salariés ». Elle lance une pétition.

L’apprentissage seul remède au chômage

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2011[…]

Etude Céreq

http://www.cereq.fr/pdf/b223.pdf

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