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Par François Jarraud

A quelques mois des présidentielles, l’OCDE dresse un portrait terriblement accusateur pour la politique éducative des gouvernements des dix dernières années: inégalités sociales et ethniques dans l’accès à l’éducation, baisse du taux de scolarisation, désinvestissement dans l’éducation y compris dans les salaires des enseignants, l’école française a rompu avec sa tradition républicaine. La publication le 13 septembre des « Regards sur l’éducation » va probablement orienter le débat sur l’Ecole durant les prochaines semaines. Car l’OCDE a aussi des suggestions sur ce qui pourrait améliorer la situation.

« La tonalité n’est pas très positive« , nous a déclaré le 12 septembre Bernard Hugonnier, directeur adjoint à l’éducation de l’OCDE. Certes la France a rattrapé son retard sur les autres grands pays européens en améliorant le taux de diplômés dans la population sur les 30 dernières années. Mais sur ces dix dernières années la situation s’est considérablement dégradée.

Le taux de scolarisation des 15-19 ans a généralement augmenté de 9,5% dans les pays de l’OCDE. En France il est passé de 89 à 84%. Certes cela résulte en partie de la baisse des redoublements. Mais cela se traduit par le fait que 130 000 jeunes quittent le système éducatif sans diplôme du secondaire ce qui est énorme. La situation n’est pas meilleure chez les 20-29 ans où le taux stagne alors que dans l’OCDE il a monté de 8%. Le gouvernement s’est engagé à avoir 50% d’une tranche d’âge diplômé du supérieur. Il lui manque 30 000 jeunes diplômés. C’est presque 200 000 jeunes qui n’atteignent pas le niveau scolaire que la société considère comme normal.

Pour les dépenses pour l’éducation , la France se singularise à nouveau. Elle est simplement le dernier pays de l’OCDE pour l’évolution de ses dépenses éducatives. Elles ont évolué moins vite que le PIB, même si le rythme n’est pas le même du primaire au supérieur. Il y a par contre une unité pour les salaires des enseignants qui sont toujours inférieurs à la moyenne de l’ OCDE: 33 359$ pour un enseignant du primaire français contre 38 914 dans l’OCDE; 38 856 en collège français contre 41 701. Ces salaires ont diminué en France alors qu’ils ont progressé dans tous les pays de l’OCDE sauf deux : seule la Hongrie fait plus mal que la France. « On peut s’interroger sur l’attractivité du métier d’enseignant dans ces conditions », remarque Bernard Hugonnier.

L’Ecole a rompu avec ses valeurs républicaines. Mais le pire est peut-être la montée des inégalités sociales dans l’accès à l’éducation. L’influence de la famille dans l’éducation est particulièrement forte en France estime l’OCDE. Sur 34 pays, elle n’est plus forte que dans un seul pays (la Nouvelle Zelande). L’origine pèse aussi d’un grand poids. En moyenne dans l’OCDE il y a 55 points d’écart (aux résultats de PISA) entre un jeune allochtone de première génération et un autochtone. En France l’écart est de 75 points, soit presque deux années de scolarité. Pour la seconde génération il est de 55 points contre 35. « On est très loin de l’école républicaine », remarque Bernard Hugonnier.

Pourtant les diplômes ont un effet certain en France. Ils protègent du chômage davantage en France qu’ailleurs. Ils assurent un gain sensible à celui qui a investi dans son éducation. Ainsi le gain d’un diplômé du supérieur par rapport à un non diplômé représente 291 000 $ sur une vie en France (330 000 dans l’OCDE) et 191 000 pour une femme (233 000). A noter l’écart entre les genres ! Pour l’Etat la rentabilité est aussi importante : un diplômé du supérieur « rapporte » (en balance entre impôt et services rendus par l’Etat) 64 000 $ soit le triple de l’investissement mis dans son éducation.

Que faudrait-il faire ? La question a été posée à Eric Charbonnier, expert auprès de l’OCDE. Des pays ont remarquablement amélioré leur situation ces dernières années et ont rattrapé la France. C’est par exemple le cas du Portugal, de l’Allemagne, ou de la Pologne. Au Portugal on a amélioré la formation des enseignants et subventionné les familles défavorisées. En Allemagne on a allongé la journée d’école (en mettant fin aux après-midi libres) , investi dans l’éducation pour financer l’offre éducative de l ‘après-midi et imposé l’allemand comme langue obligatoire dès l’école maternelle ». Bernard Hugonnier rappelle la façon dont à Shanghaï on lutte contre les inégalités. « On échange systématiquement enseignants, élèves et personnels de direction entre les écoles qui ont de très bons résultats et celles qui sont en difficulté. C’est dire que la mise en concurrence des écoles n’est sans doute pas la bonne voie. Si on doit faire le choix entre diminuer le nombre d’ élèves par classe et améliorer la qualité des enseignants, il vaut mieux faire ce dernier choix. Même si cela passe par une augmentation des salaires ».

Ce sont maintenant les candidats aux présidentielles qui auront à proposer leurs choix. La question de l’ investissement dans l’éducation est revenue au centre du débat.

François Jarraud

Liens :

http://www.oecd.org/edu/rse2011

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2011_09[…]

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