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Par François Jarraud

Amélioration pour Luc Chatel, bureaucratisation ou politisation pour d’autres, le décret présenté le 4 janvier en conseil des ministres par Luc Chatel réorganise le fonctionnement des académies. Le texte est complexe et ses effets difficiles à appréhender. Une certitude cependant : dans chaque académie le pouvoir quitte les corps pédagogiques pour aller aux administratifs.

Le décret modifie, à compter du 1er février 2012, la répartition des compétences en matière d’action éducatrice. Il supprime les inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) qui sont remplacés par des directeurs académiques des services de l’éducation nationale (DASEN). « Ils ont délégation pour signer, au nom du recteur, l’ensemble des actes relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. Ils assurent en outre toutes les activités que la loi et la réglementation confiaient antérieurement aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale et sont, à ce titre, des chefs de service dans le département au sens du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements ». Autour du recteur est mis en place un comité de direction de l’académie constitué du recteur et de ses adjoints : le secrétaire général d’académie et les directeurs académiques.

Ce qui disparaît dans cette réforme ce sont les DSDEN issus du corps des inspecteurs d’académie (IA IPR). Ce sont aussi les doyens des IPR et des IEN, traditionnellement associés au fonctionnement académique. Enfin c’est la nature du fonctionnement des services académiques. Entre le recteur et les enseignants, il n’y a plus des inspecteurs d’académie et des corps d’inspection dialoguant directement avec le recteur. Mais des chefs de service donnant instruction aux inspecteurs. La réorganisation administrative se fait sur le modèle des autres administrations dans les départements. Elle efface les corps pédagogiques pour en faire des relais d’une administration. L’administratif s’impose dans les académies.

Pour Luc Chatel, cette réforme va « améliorer le pilotage du système éducatif », qui n’avait pas changé depuis longtemps. Il accompagne la politique de contractualisation entre le ministère et les recteurs. Il « clarifie la ligne hiérarchique du ministre aux enseignants et crée une véritable équipe académique pilotée par le recteur » qui « doit avoir les coudées franches ». Dans chaque département, le nouveau DASEN « reste au contact avec les collectivités territoriales avec des compétences élargies au second degré ». Luc Chatel attend de cette réorganisation que chaque académie s’adapte mieux aux conditions locales.

Ce décret avait été rejeté en Conseil supérieur de l’éducation en juillet 2011 avec 42 voix négatives et aucune positive. Les syndicats craignaient notamment que le texte « éloigne les services académiques des usagers » puisque l’équipe de direction se réunit au siège régional.

Pour Roger Keime, secrétaire général du SNIA IPR Unsa, le principal syndicat des IA IPR, consulté par le Café, le nouveau décret a bien des torts. Le premier c’est de faire disparaître le signe IA des nouveaux responsables départementaux : le nouveau DASEN, qui remplace l’IA DSDEN, n’est pas défini comme IA (inspecteur d’académie). Les inspecteurs dépendront dorénavant d’un service des inspections avec un chef de service. « Ils perdront le lien direct avec le recteur », nous dit R Keime. « Cette hiérarchisation va faire perdre des compétences au recteur particulièrement sur le terrain de l’expertise pédagogique, pourtant très importante même pour la gestion des moyens ». Ce défaut sera amplifié par le fait que le nouveau décret « prétend tout réorganiser sans les collectivités locales. Comment un président de conseil général dans un département qui n’est pas siège de région travaillera-t-il avec un recteur qui ne connaît pas son département ? »

S’agit-il d’un passage de pouvoir du pédagogique à l’administratif ? « C’est effectivement cela », nous confie R Keime. « C’est dans la même logique que celle de l’évaluation des enseignants qui passe des inspecteurs aux chefs d’établissement. C’est lié ».

S’agit-il d’un renforcement des pouvoirs du recteur ? Pour R Keime, « c’est un renforcement du poids du rectorat, pas du recteur ». L’alignement de l’administration de l’éducation nationale sur le modèle des autres administrations (équipement, agriculture), pourrait bénéficier au vrai homme fort de l’Etat dans les territoires : le préfet.

Liens :

Le décret présenté par le ministère

http://www.education.gouv.fr/cid58922/decret-sur-l-organi[…]

L’analyse de JL Auduc

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesyste[…]

L’analyse de R Keime en juillet dernier

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/201[…]

Sur le site du Café