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Par François Jarraud

Combien il y-a-t-il de décrocheurs ? Va savoir ! Selon le collectif des « déchiffreurs de l’éducation », le ministre oscille entre 120 000 et 306 000. Selon les définitions internationales entre 40 000 et 120 000. Le 3 avril, les déchiffreurs mettent en lumière les à peu près ministériels à la hauteur d’une communication sur dimensionnée. Ils appellent à distinguer communication et information et à garantir une certaine autonomie à la statistique publique.

« Pour mettre en place une politique visant à résorber un phénomène, et pour pouvoir suivre l’efficacité de cette politique et en rendre compte, il faut le définir et le mesurer correctement et de façon transparente. L’exercice auquel se livrent le Ministre et la DGESCO en publiant des données incohérentes, recueillies dans des conditions discutables, et portant sur des périodes différentes et incompatibles avec le rythme régulier de l’année scolaire, relève d’un autre genre : la communication. Pour cela, la statistique publique est contournée, afin de construire des indicateurs flous parce que politiquement orientés ». Pour JC Emin, ancien patron de la Depp, la division des études du ministère, la coupe est pleine. Avec « les déchiffreurs de l’éducation », un collectif regroupant syndicats, mouvements pédagogiques et statisticiens, il entre prend le décryptage des propos ministériels.

Premier exemple : les décrocheurs. Si l’on prend les définitions internationales, le nombre de décrocheurs en France oscille entre 40 000 et 120 000 chaque année. 40 000 si l’on compte ceux qui n’ont aucun diplôme de niveau VI et V bis. 80 000 si l’on compte les « sorties précoces » définies par l’Union européennes, les jeunes âgés de 18 à 24 ans qui n’ont pas terminé avec succès un enseignement secondaire. 120 000 pour les « sortants sans diplôme » c’est à dire les jeunes quittant l’école sans Cap, Bep ou bac.

Luc Chatel a inventé une nouvelle définition du décrocheur comme un jeune qui quitte le système éducatif avant d’avoir un diplôme de niveau V (CAP ou BEP) ou supérieur ou… qui risque de quitter ». « Avec les risques on tombe dans l’arbitraire » estiment les déchiffreurs. Ils relèvent des incohérences dans les estimations officielles. « 306 000 décrocheurs entre juin et septembre 2010, alors qu’ils auraient été 254 000 entre juin 2010 et mars 2011 ! », selon deux propos de Luc Chatel.

 » Quelle crédibilité pourra-t-on accorder aux chiffres que le Ministre ne manquera pas de nous communiquer dans quelque temps pour annoncer que sa politique est un succès, après qu’il ait noirci la situation ? », demandent les déchiffreurs. « Va-t-il nous annoncer dans quelques semaines que, grâce à lui, le nombre des sorties sans diplôme à diminué de près de moitié en passant de 223 000 (ou 180 000 ou 306 000 ou 254 000 ?) à 120 000 ? » Luc Chatel qui met en avant un système de détection et de suivi du moindre décrocheur est pris au piège de ses estimations.

Pour Jean-Claude Emin, le collectif des déchiffreurs de l’éducation veut lutter contre la censure des travaux de la Depp, obtenir l’autonomie de ce service ministériel. « L’Ecole mérite un débat citoyen » affirme-t-il. « La statistique publique est un bien public », souligne Jean-Jacques Hazan, « il n’est pas normal que le ministère fasse de la rétention ». Le collectif promet de nouvelles révélations prochainement sur la carte scolaire et l’évaluation.

François Jarraud

Collectif des déchiffreurs de l’éducation