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Par François Jarraud

Pour initier les lycéens à l’économie faut-il deux enseignements distincts ? Non, répond la circulaire de rentrée. Erwan Le Nader, vice président de l’Apses, explique pourquoi cette idée nuit finalement aux élèves.

En 2010, la réforme du lycée oblige les élèves à suivre au moins un enseignement d’exploration économique, SES ou PFEG, un enseignement proche de celui d’éco-gestion de la filière STG. L’objectif ministériel n’était certainement pas de pousser les élèves vers les SES mais de fait c’est ce qui s’est passé. En mars, la « Mission d’accompagnement de la réforme du lycée », présidée par P. Allal, remet son rapport qui préconise la fusion des deux enseignements de SES et de PFEG. « L’offre de deux enseignements d’économie ne correspond pas un choix mais à une forme de préorientation vers la voie générale ou technologique selon l’enseignement choisi », écrit le rapport. « Aussi, la mission propose que ces deux enseignements soient fusionnés en un seul enseignement d’exploration obligatoire d’économie, de droit, de gestion et de sociologie ». La proposition est reprise au vol par la circulaire de rentrée publiée fin mars. Elle préconise à la rentrée prochaine la fusion des deux disciplines. « Afin de donner aux élèves une culture économique indispensable à la compréhension du monde actuel et de renforcer le caractère non déterminant du choix opéré pour l’un des deux enseignements proposés dans ce domaine, l’offre, à titre expérimental, d’un enseignement à caractère économique mettant en jeu les éléments relevant à la fois des « sciences économiques et sociales » et des « principes fondamentaux de l’économie et de la gestion, peut être envisagée ».

Le Snes, principal syndicat du secondaire a manifesté son opposition à cette décision. « Une telle fusion conduirait nécessairement à privilégier ce que les deux enseignements d’exploration ont en commun, à savoir l’économie (le comportement de l’entreprise, le comportement du consommateur…) et à exclure ce qui est constitutif de l’identité des disciplines (et ultérieurement des séries), à savoir la sociologie pour les SES, la démarche technologique pour les PFEG », écrit le syndicat. Il souligne aussi que la sociologie serait ainsi évincée de l’enseignement de l’économie. Enfin l’APEG, association des professeurs d’éco-gestion, dans un communiqué du 15 avril 2012, expose aussi ses doutes. « La mise en place de cette expérimentation est laissée au bon vouloir des établissements ; elle facilite ainsi la reconfiguration des classes en laissant la possibilité d’augmenter leurs effectifs, ce qui limite le recours possible à des pédagogies actives, notamment le travail de recherche, l’utilisation de l’outil informatique et les travaux de groupe qui restent au service d’un enseignement d’exploration », écrit l’association. Elle signale quand même des expérimentations réussies là où professeurs de SES et éco-gestion se font confiance.

Mais qu’en pensent les enseignants de SES ? Erwan Le Nader, vice-président de l’Apses, leur association professionnelle, marque ses critiques.

Que pensez-vous de la proposition de la circulaire de rentrée ?

La circulaire et le rapport de la mission d’accompagnement de la réforme du lycée proposent d’expérimenter un nouvel enseignement d’économie qui serait recentré sur ce qu’il y a de commun aux SES et à l’éco-gestion, c’est à dire un recentrage sur l’économie.

Cette tentative de fusion est faite pour de mauvaises raisons. Il y a l’idée de réduire le poids de la sociologie. Mais l’école a pour mission aussi de faire des citoyens et la sociologie y a toute sa place. C’est une mauvaise idée aussi par rapport à la réforme du lycée. Elle a mis en place des enseignements d’exploration pour faire découvrir les différentes filières, ses et stmg par exemple. Cet objectif ne sera pas atteint si tout est fusionné dans un même programme.

En fait cette fusion a été pensée il y a longtemps. Quand il était en charge de l’orientation, B. Thomas avait préconisé cette stratégie de fusion pour que les élèves ne soient plus exposés aux effets néfastes des SES. On est devant des fantasmes complets sur les deux cotés, SES et éco-gestion. Les intentions de la circulaire sont idéologiques.

C’est une attaque libérale sur l’école ?

C’est grave car la circulaire demande de passer outre aux programmes nationaux. Est-il imaginable qu’un texte officiel dise que l’on peut s’affranchir d’un programme national ? Cela abouti à une déréglementation complète des contenus d’enseignement.

Qu’en pense l’inspection de SES ?

Le rapport ministériel dit qu’il s’appuie sur une note de l’inspection..

Liens :

Circulaire de rentrée

Une réforme peut en cacher une autre

Avis du Snes

Avis Apeg