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Par Monique Royer

La chronique de la carte scolaire relaie, semaine après semaine, les mouvements locaux de protestation contre les suppressions de poste. Après la visite de l’école Beauregard de La Rochelle et son combat victorieux, nous partons dans l’Orne où le collège rural Yves Montand du Theil sur Huisne ne se résigne pas à voir deux de ses classes disparaitre. Pourquoi un collège sans histoire jusqu’ici rejoint le mouvement ? L’exemple du Theil illustre la sortie du silence de nombre de parents, de profs, d’élus, face à des mesures qui renforcent les inégalités en défaveur du monde rural.

Jeudi 26 avril, devant le collège du Theil, 200 parents, enseignants, élus, élèves étaient rassemblés pour donner de la voix, faire entendre leur refus de voir deux classes ôtées de la carte de leur collège, une mesure synonyme de dégradation des conditions d’apprentissage et d’enseignement. Luc Belaud, enseignant en SVT et élu au conseil d’administration, a énnoncé les craintes des personnels pour la rentrée à venir. Johann Garrault, enseignant en histoire-géographie a pris également la parole au nom de ses collègues. Non syndiqué, il constate le caractère spontané du mouvement dans un collège sans histoire, peu habitué à des élans de revendication.

Le collège Yves Montand compte 327 élèves dans une commune de près de 2000 habitants. Les parents sont issus majoritairement de catégories socioprofessionnelles modestes. Quelques enfants en rupture familiale, hébergés dans la maison de l’enfance, fréquentent ce collège tranquille où les manquements à la discipline se comptent sur les doigts de la main. A la rentrée prochaine, l’effectif avoisinera toujours les 327 élèves mais, miracle de l’arithmétique de la rigueur, ils seront accueillis avec deux classes de moins. Les conséquences sont directes : des mi-temps d’enseignants supprimés et des murs à repousser pour accueillir des effectifs dépassant les 30 élèves.

Pour Johann Garrault, techniquement c’est impossible. Le collège date des années 70, une époque où les bâtiments scolaires étaient conçus pour des classes de 25 élèves. Avec ses collègues, ils ont mesuré, agencé, déplacé tables et chaises, mais rien n’y a fait, dans quatre salles au moins, les élèves ne pourront tous assister aux cours dans des conditions décentes. Et puis l’enseignant le précise « moi faire classe à trente, quarante élèves, je peux le faire, beaucoup d’enseignants peuvent le faire mais alors ce sera avec des cours magistraux, sans venir voir les uns et les autres, sans passer de temps avec ceux qui sont en difficulté. » Pour les enseignants en sciences, la difficulté sera accrue, avec des classes surchargées, des travaux pratiques ne pourront être réalisés pour des questions de sécurité. La suppression des postes à mi-temps amènera aussi son lot d’heures supplémentaires pour l’équipe pédagogique, une surcharge de travail donc.

Les enseignants du collège Yves Montand du Theil sont entrés dans la contestation en douceur. Avec les parents d’élèves, ils ont envoyé un courrier au rectorat et ont attendu patiemment une réponse qui n’est toujours pas arrivée. Alors, ils se sont résolus à entrer dans l’action et à organiser cette première manifestation. Le maire de la commune, Jacques Käser, a été longtemps enseignant au collège. Il s’est joint au mouvement et a pris la parole à la suite des représentants des enseignants et des parents d’élèves.

Au Theil sur Huisnes, cette manifestation était une première. Faute d’être entendus, les protagonistes cherchent de nouveaux moyens pour que leurs questions rencontrent une réponse du rectorat. Parce qu’ici comme dans beaucoup de lieux en France, villes moyennes, villages ou quartiers de grandes villes, le silence alourdit encore l’appréhension d’apprendre et d’enseigner dans des conditions dégradées à la rentrée prochaine.

Monique Royer