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Paraphrasant Bernanos, Antoine Prost a conclu un brillant exposé au 5ème Forum des enseignants innovants sur l’histoire de l’innovation par cette formule. Elle met l’accent à la fois sur les limites de l’innovation dans un système centralisé et sur son absolue nécessité.

Historien de l’éducation, acteur aussi à différents niveaux au sein de cette institution, orléanais, bon connaisseur de Jean Zay, un grand ministre de l’éducation orléanais, Antoine Prost était invité par le Forum des enseignants innovants le 1er juin. Interrogeant les rapports complexes entre innovation et institution, il a construit son exposé en trois parties.

La première ce sont les années d’avant le Front populaire. Ce sont des années de grandes innovations avec par exemple l’invention de l’enseignement de la lecture et de l’écriture en même temps. Ou encore l’invention de l’ardoise. L’enseignement féminin, avant 1914, est aussi porteur d’innovations. L’Entre Deux Guerres voit la naissance de l’éducation nouvelle et le développement de l’école Freinet.

Le Front populaire est un autre grand moment d’innovations avec le ministre Jean Zay. A Prost rappelle qu’il crée les classes de fin d’étude au primaire et laisse les instituteurs libres de concevoir leur enseignement. C’ets aussi la naissance des classes d’observation en 6ème. A la Libération, se mettent en place les classes nouvelles (de la 6ème à la 3ème) avec des ateliers, des travaux de groupe et au final de bons résultats sous les incitations de G Monod. De cet épisode, qui se termine par leur suppression après le départ de Monod, on peut tirer trois conclusions. On ne peut pas innover sans les enseignants or les classes nouvelles ont eu du mal à recruter. L’innovateur reste perçu avec méfiance par ses collègues. L’institution peut tuer l’innovation : c’est ce qu’il advint des classes nouvelles. Enfin, l’innovation génère l’organisation des innovateurs ce qui augmente les tensions dans l’institution.

La troisième période c’est celle de l’INRP. En 1966, l’institution, pour faire face à la démocratisation d collège (1963), a besoin d’enseignants innovants. On crée alors l’INRP qui met en place la recherche action et propose des décharges aux enseignants innovants. Mais l’INRP finira par disparaitre.

Au final, pour A Prost, l’innovation est une impossible tache d’huile. L’innovant est perçu comme un danger par ses pairs ou l’institution. Comme le système est centralisé et gouverné par une hiérarchisation des établissements, il faudrait que l’innovation vienne du centre. Or le centre n’en a pas besoin. L’innovation est aussi difficile à tenir dans la durée. Or dans l’enseignement ce qui compte ce sont les routines. Enfin une institution ne peut pas reposer sur des héros. L’innovation peut être encouragée, encadrée exploitée par l’institution mais l’institution ne peut pas être innovante car c’est uns institution. D’où cette position marginale mais essentielle. Comme Bernanos disait que « c’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le monde à une température morale », l’innovation maintient le système éducatif à température normale.

F Jarraud