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Cette année encore, les « perles du bac » sont déjà sorties dans la presse. C’est pourtant ce matin seulement que les épreuves commencent avec pour tous les bacs généraux et technologiques l’épreuve » de philosophie et, pour les bacs professionnels, celle de français. Toute la semaine les épreuves s’additionnent au long d’un marathon particulièrement éprouvant. Faut-il s’étonner de voir que ce sont les bacheliers technologiques qui font face à la pire séquence de contrôle ? Mardi les bacheliers STG passeront 6h30 devant leur copie pour composer en histoire-géographie (2h30) et en épreuve de spécialité (4 h). Le bac reste bien une épreuve.

Pourtant le taux de réussite a atteint 86% en 2011. Il n’a cessé de grimper depuis la fin des années 1980, passant de 72% en 1988 à 80% en 2003. Dans un rapport publié peu de temps avant le départ de Luc Chatel, l’inspecteur des finances Laurent Buchaillat et l’inspecteur général Stéphane Kesler, ancien directeur du services des examens (SIEC) mettent en doute le sérieux de cet examen. « L’amélioration continue de la réussite à l’examen, dans un contexte d’élargissement de l’accès au baccalauréat, suscite des doutes sur sa qualité certificative », écrivent-ils. A leurs yeux, le fait que le nombre de bacheliers augmente signifie que le niveau baisse. Le rapport souligne le fait que ce nombre a doublé depuis 1985 passant de 253 000 à 513 000.  » Cela a entraîné la destruction de l’unité du diplôme « , affirment-ils en dénonçant la multiplication des bacs et particulièrement ls bacs professionnels. Ils critiquent aussi la règle de compensation des résultats. « 5% des élèves de S auraient eu le bac avec des notes inférieures à 10 dans les disciplines principales », affirment-ils. En fait 219 lycéens ont eu le bac S avec une note inférieure à 10 dans les 3 disciplines scientifiques pour 145 000 reçus, une quantité infime. Enfin ils critiquent les épreuves de second groupe dont  » la qualité certificative est incertaine ». Elles permettent à des candidats ayant atteint au moins 8 de moyenne de représenter certaines épreuves. Les rapporteurs souhaitaient aussi, avec Luc Chatel, qu’il y ait moins d’options, moins d’épreuves facultatives, des notes éliminatoires et plus de contrôle continu. Ils ont calculé qu’en utilisant des notes éliminatoires on pourrait éliminer un bachelier L sur quatre, un bachelier ES sur sept et un candidat de S sur 9. Quelle aubaine !

Le bac est-il donné à tout le monde ? Il faut rappeler que seulement deux jeunes sur trois passent le bac. Autrement dit, le tri est fait en France avant l’accès au bac. Dans tous les pays de l’Union européenne, un document certifie la fin de l’enseignement secondaire et le taux est généralement supérieur. Le taux brut de diplômés de fin du secondaire s’établit à 92% en Finlande, 73% aux Etats-Unis, 74% en Italie. Le taux brut de diplômés du supérieur est à 38% en France contre 62% aux Etats-Unis, 74% en Finlande, 55% en Italie. La France fait partie des pays développés où l’accès au bac est moyen. Ce taux a peu évolué depuis 20 ans, tout au plus connait-il une augmentation uniquement du fait des bacs professionnels depuis 2 ans.

Le bac reste inégalitaire. On observe de forts écarts entre groupes sociaux et sexes. Le taux de réussite au bac est de 90% pour les lycéens de terminale dont les parents sont cadres, 86% pour les professions intermédiaires, 83% pour les employés et 76% pour des parents ouvriers. On observe également un fort écart entre sexes : 81% des garçons sont reçus contre 85% des filles. Ce taux cache en fait un écart trois fois plus grand : 70% des filles d’une génération seront bachelières contre seulement 58% des garçons.

Mais pour bien estimer si le bac a de la valeur, voyons ce qu’il coûte à celui qui ne l’a pas. Si en France personne ne s’est attaché à ce calcul, le caractère pragmatique des Anglo-Saxons nous permet de trouver plusieurs études en ce sens. La plus récente provient de l’Alliance for Excellent Education (AEE) , une association charitable qui milite pour la scolarisation. Pour elle « tout le monde bénéficie des progrès de qualification ». Elle a pu calculer la différence de salaire entre un bachelier et un non bachelier (26 923 $ contre 17 299) et partant de là estimer le manque à gagner collectif : si tous les jeunes Américains de 2008 avaient poursuivi leurs études jusqu’au bac, ils auraient apporté 319 milliards de dollars en plus à l’économie américaine durant leur vie. Mais puisque les diplômés vivent plus longtemps, deviennent des citoyens plus posés, l’AEE estime également d’autres retombées : « les économies régionales et locales souffrent plus quand elles ont des populations moins éduquées car il leur est plus difficile d’attirer des investissements. En même temps elles dépensent davantage en dépenses sociales ». L’AEE a pu calculer qu’en poussant tous les Américains jusqu’à la fin des études secondaires, l’Etat économiserait de 8 à 11 milliards chaque année en aide sociale, 17 milliards en aide médicale. Si le taux de sortie sans qualification des garçons baissait de seulement 5% cela représenterait 5 milliards de dépenses policières en moins.

Alors comment augmenter la part des bacheliers ? Ce n’est pas à Neuilly qu’on pourra l’augmenter significativement. Il faut aller chercher les nouveaux bacheliers là où ils sont : dans les quartiers défavorisés. Et pour cela l’effort doit porter d’abord sur le primaire. Démocratiser l’accès au supérieur reste un travail de longue haleine.

François Jarraud

Dossier bac brevet

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