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ASHjuinChauvot


La
Biennale, c’est parti pour 4 jours de réflexion sur « la transmission »
en formation et en éducation. Sur le site du CNAM, plus de 150
manifestations prévues dans lesquelles des chercheurs du monde entier
(France, Suisse, Italie, Canada, Afrique, Brésil…) et de nombreux
participants se croisent…


Isabelle Lardon

Après plusieurs années
d’interruption, la Biennale 2012 renait au CNAM, dans ce lieu
emblématique qui réunit « les arts et les métiers ». C’est une des plus
importantes manifestations francophones consacrée à l’éducation, à la
formation et aux pratiques professionnelles. Jean-Marie Barbier,
président de la Biennale, a insisté à l’ouverture sur « un esprit de coopération, dans une
ambiance chaleureuse, exigeante et riche »
et justifie le titre
paradoxal « Transmettre ? » : « la transmission est entre le savoir et
l’activité » et « le point d’interrogation introduit l’idée d’un
doute. Transmettre est d’abord une intention d’acteur, mais qu’en
est-il du côté du destinataire ? ». Bertrand Schwartz, président
honoraire de cette biennale, insiste sur l’articulation recherche et
formation : « Pour poser
correctement un problème et le résoudre, il est indispensable d’écouter
et d’entendre ceux qui le vivent et le font vivre, car il ne peut être
résolu qu’avec eux. »


Il sera bien question, au fil des journées, de s’intéresser aux
situations réelles de travail de ceux qui transmettent et de ceux qui
apprennent.

Une
des premières interventions plénières est marquante, c’est celle d’Emmanuelle Laborit, comédienne
sourde qui s’exprime en langue des signes. Elle prétend avoir toute sa
place ici pour montrer que la transmission peut se faire autrement que
par les mots et que la langue des signes est une vraie langue.

Alain Berthoz,
neurophysiologiste, professeur honoraire au collège de France, précise
de quelle manière l’interaction avec autrui interfère dans les
apprentissages et la transmission. Il voit deux grands types d’attitude
du maitre vis-à-vis de l’élève : la sympathie, qui consiste à essayer
d’entrer en résonnance avec l’autre, l’empathie en est l’autre, qui
requiert un bouleversement complet de son propre système de pensée pour
entrer dans celui de l’autre, voir le monde à travers ses yeux, tout en
restant soi-même et sans éprouver pour autant ses émotions. Pour lui,
c’est l’empathie qui permet au maitre de comprendre les cheminements de
l’apprenant et ainsi de l’aider à trouver sa propre solution. CQFD…

Les
après-midi de la Biennale


« Transmettre des pratiques, des
gestes, des activités ? »
est la thématique de la première
journée.
Richard Wittorski, nouveau
professeur au CNAM, pose la problématique de la transmission du
travail, entre anciens et nouveaux. « Suffit-il de mettre ensemble un
ancien et un nouveau pour qu’il y ait transmission ? Que transmet-on au
bout du compte, entre objet et processus de la transmission ? » A
la tribune, des points de vue de différents acteurs directement
impliqués en situation de travail et des regards de chercheurs vont se
croiser, se répondre ou se contredire.

Les
témoignages du directeur Formation, Etude et recherche des Compagnons
du devoir, d’un chef d’entreprise et d’un apprenti compagnon ouvrent le
bal. Ils disent que pour eux la transmission est naturelle.
« Etre compagnon, c’est s’engager à
transmettre. Ce que je sais, c’est quelqu’un qui me l’a donné.
Je l’ai reçu et je me dois de le
transmettre à mon tour. Je suis dépositaire de quelque chose au-delà de
moi.
Quand on transmet, on transmet beaucoup
plus qu’un geste ou une technique. On transmet des valeurs, on transmet
un métier, on transmet une certaine compréhension du monde. »

L’apprenti ajoute : « Cette façon de
me faire confiance m’a permis de grandir »
. Il y a des mots et
des visages qui transmettent des émotions…

Les
chercheurs à la suite vont ramener le propos sur le registre de la
raison. Paul Boulet analyse les
formes de tutorat en entreprise, s’interroger sur les rapports entre
transmission et acquisition puisque l’un transmet pour que l’autre
apprenne. Philippe Maubant, de
l’université de Sherbrook, s’intéresse à la transmission des formateurs
dans le métier d’enseignant de formation professionnelle et dit combien
c’est difficile d’expliciter la transmission, surtout lorsqu’elle est
vécue comme un allant-de-soi. « On
s’intéresse au produit de la transmission, rarement à son processus ».

Yves Schwartz, de l’université
de Provence, replace le cadre de la transmission au travail et par le
travail, interroge la « fusion entre apprendre et s’imprégner » et dit
qu’on ne peut pas modéliser la transmission.
Patricia Remoussenard retourne
quelques questions aux chercheurs et à la salle qui vont engager des
discussions : « La transmission
serait-elle le « devenir ensemble », tournée à la fois vers le passé et
l’avenir ?
Cette logique de
recevoir et donner, cette générosité sont-elles compatibles avec les
conceptions spéculatives de la société actuelle ? »

Une fois les débats terminés, la
soirée se poursuite par une performance de danse contemporaine
« Impromptus empruntés » qui entraine à la façon de Pina Bausch des
danseurs et des regardeurs dans la même ronde de la communication entre
les êtres, des interactions qui nous rendent plus riches et de l’action
qu’on ne peut réaliser qu’avec les autres. La déambulation se fait dans
l’église du musée des Arts et Métiers, autour du pendule de Foucault
qui se balance sous la voute pour toute éternité. Le temps s’est
arrêté…