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Les publicités n’ont pas eu raison de la crise de recrutement. Les résultats des concours externes du secondaire montrent à nouveau un net déficit de reçus par rapport aux postes offerts. 706 postes restent vacants. Comment expliquer cette situation ? Comment le gouvernement pourrait y remédier ?

Le déficit ne frappe pas toutes les disciplines également. Au Capes externe, les maths, l’anglais, les lettres sont les disciplines les plus déficitaires. En maths un poste sur trois va rester sans titulaire : 652 reçus pour 950 postes offerts. En lettres classiques plus de la moitié des postes n’est pas pourvue : on compte 75 reçus pour 170 postes. La situation est moins catastrophique en lettres modernes : 681 reçus pour 733 postes proposés. En anglais il y a seulement 659 reçus face à 790 postes et en allemand 184 pour 230. Le déficit concerne aussi les documentalistes : 105 reçus pour 157 postes.

De nombreuses raisons s’additionnent pour expliquer cette situation. La crise de recrutement est liée à la masterisation. En élevant le niveau de recrutement, on a raréfié le nombre des candidats potentiels et on a mis l’enseignement en concurrence avec d’autres métiers. A l’évidence ni en terme de salaire, ni en celui d’évolution de carrière, ni même maintenant en ce qui concerne les conditions de travail et l’autonomie, le métier d’enseignant ne peut se comparer avec les postes d’encadrement proposés par des entreprises privées ou d’autres administrations. Est-il utile de rappeler que la France est le seul pays de l’OCDE où les salaires des enseignants ont reculé durant les 10 dernières années ? Et que, si le statut social a à voir avec l’expertise reconnue, la quasi suppression de la formation continue et initiale des enseignants n’incite pas à la reconnaissance sociale….

Que peut faire Vincent Peillon ? Sa situation est pire que ses prédécesseurs car il devra trouver plus d’enseignants qu’eux pour répondre à l’objectif des 60 000 postes promis par F. Hollande. La « démasterisation » est politiquement improbable. L’augmentation de salaire semble peu probable dans la situation actuelle du déficit public. Reste à pré empter un nombre supérieur de candidats par un système d’aide aux étudiants optant pour les métiers de l’enseignement. Il faudrait alors aller chercher les étudiants en L3 pour augmenter sensiblement le flux. La « refondation » de l’Ecole pourrait aussi apporter des réponses à la formation des enseignants, aux conditions de travail et à la perception du métier. Dans tous les cas, cela couterait aux finances publiques…

Comment fait-on ailleurs ? On se satisfait très souvent d’un fort turn over dans les métiers de l’enseignement. A Singapour, les futurs enseignants sont pré recrutés en université . Ils bénéficient d’un vrai salaire durant leurs études en échange d’un engagement de service de trois ans. En Angleterre, une politique identique porte ses fruits pour certains enseignants, comme en sciences physiques. Ailleurs le levier utilisé est différent. En Finlande, nous dit l’OCDE, les étudiants se ruent sur les postes d’enseignant. Ce n’est pas tant le salaire qui est attirant que le statut social du professeur. Bénéficiant d’une excellente formation, l’enseignant est traité comme un expert. Il bénéficie d’une grande liberté et de la reconnaissance de son expertise.

François Jarraud